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La Chambre Blanche
Genre : torture de Heero
Rating : PG-13
Date : février-mars 2002
Disclaimer : Gundam Wing n'aura décidément jamais été à moi...




Duo arriva au QG des Preventers de relativement mauvaise humeur. Il pleuvait pour changer, fichue Londres, il était fatigué, inquiet et n’arrivait pas à penser à autre chose que Heero, recroquevillé sur son lit comme un gosse terrifié. Il commençait à se demander s’il n’aurait pas mieux fait de rester à l’appartement avec lui.
– Où est Heero ? demanda Wu Fei en le voyant arriver seul.
– Il était vraiment pas bien… Il est resté à la maison.
Wu Fei haussa un sourcil. Heero ? Pas bien ? Ce n’était pas tant le fait que son ami soit malade qui le troublait, c’était le fait qu’il soit assez malade pour rester couché ! Heero serait venu travailler avec quarante de fièvre…
– Pas bien ? répéta une voix derrière lui.
Duo se retourna et sourit à Trowa.
– Salut Tro-man. Où est Quat ?
– Réunion d’investissement avec la Winner Corp. Heero ?
Duo hésita, mais finit par se décider.
– Il a reçu un mail qui l’a perturbé hier soir, et il a passé la nuit dehors, dit-il. Il est revenu ce matin dans un état anormal.
– Quatre a fait une crise cette nuit, déclara Trowa de but en blanc.
– Empathie ? demanda Wu Fei.
Le Français hocha la tête.
– Quelque chose de très douloureux, à propos de lumière et de la couleur blanche. Il entendait des clochettes aussi.
Duo fronça les sourcils.
– Les clochettes, je sais pas, mais Heero s’est mis dans le noir et a refusé d’entrer dans la salle de bain parce que « il y fait trop blanc », texto. Tu crois que y’a un rapport ?
Il y eut un silence, puis sans qu’un mot n’ait été prononcé, les trois jeunes hommes sortirent du QG d’un seul bloc, sous le regard perplexe de Sally qui entrait juste. Ils utilisèrent la voiture de fonction, prioritaire, mais malgré tout les embouteillages les ralentirent. Duo s’en serait presque arraché les cheveux. « Un bon coup de faux là dedans, ça nous dégagerait la route ! » marmonna-t-il, regrettant plus que jamais Deathscythe.
Ils atteignirent l’appartement en trois quart d’heure.
Tout était normal lorsque Duo, Trowa et Wu Fei entrèrent dans le salon. Le jeune homme natté avait pourtant une impression de malaise grandissant. « Heero ? »
Pas de réponse. La porte de sa chambre était fermée. Duo l’ouvrit, mais Heero n’était pas là.
Le lit était fait, les rideaux grands ouverts, rien ne dépassait.
Mais les billets d’avion, habituellement posés près de l’ordinateur, étaient soigneusement rangés dans un coin du bureau. L’ordinateur était en veille, et Heero ne sortait jamais sans l’éteindre.
– La peluche, dit seulement Trowa.
Duo se retourna. Le nounours était posé sur le lit, mais lorsque Trowa l’avait soulevé, l’un des bras lui était resté dans la main.
– Il a été arraché, déclara Wu Fei. On s’est battu dans cette chambre.
Ils n’avaient pas besoin de dire à voix haute ce qu’ils pensaient tous. Ils étaient tous arrivés à la même conclusion. Aussi surprenant que ça puisse être, Heero avait été enlevé.
Duo donna un violent coup de poing dans le mur. Son regard était sombre, ses mâchoires serrées, et Wu Fei et Trowa eurent presque un réflexe de recul.
Shinigami était apparemment plus qu’un surnom.
« Si je retrouve celui qui a enlevé Heero, prononça Duo d’une voix lente, il va regretter de ne pas être mort. »

***

Lady Une regarda les quatre ex-pilotes d’un air soucieux.
– Vous êtes parfaitement sûrs que Heero n’est pas parti, tout simplement ?
Voyant que Duo était sur le point d’exploser, Quatre posa une main apaisante sur son épaule tandis que Wu Fei répétait de nouveau la série d’indices qui leur avait permis d’arriver à cette conclusion.
– De plus, Yuy n’est pas complètement irresponsable, ajouta-t-il. Il aurait prévenu avant de partir.
– Il laisse toujours un mot, acquiesça Duo.
Lady Une regarda Sally qui avait l’air encore plus inquiète qu’elle. Il y avait de quoi : un ex-pilote de Gundam qui disparaît, ça ne promettait que des ennuis.
– Sally ? Qu’est-ce que tu en penses ? demanda-t-elle.
– Pas du bien, répondit-elle. Je connais Heero, et vous le connaissez aussi. Il est extrêmement fort, et il n’est pas du genre à se laisser surprendre. Qui que ce soit qui l’ait enlevé, il le connaît, il connaît ses capacités et il n’a pas de bonnes intentions.
– Vous n’avez pas retrouvé trace du mail que Yuy a reçu hier soir ? demanda Lady Une.
– Non. Il a été supprimé, répondit Trowa.
Il y eut un silence et Lady Une soupira. Ce n’était vraiment pas le moment pour que ça arrive ! Comme si ils n’avaient pas assez d’ennuis comme ça…
– Très bien, dit-elle. Chang et Barton, vous vous occupez du cas.
– Et moi ? intervint Duo. Je veux…
– Maxwell, vous prenez des vacances et…
– Hors de question ! explosa-t-il. Vous ne pouvez pas…
– Laissez-moi finir, coupa Une avec un froncement de sourcil. Vous ne devez pas bouger de chez vous au cas où Yuy ou l’un de ses ravisseurs se manifesterait. Nous vous enverrons tous les résultats et vous pourrez trier. Winner, vous pouvez encore une fois vous occuper de faciliter les investigations de Chang et Barton ?
– Evidemment, répondit Quatre dont les connections et l’influence étaient très étendues.
– Parfait. Partez immédiatement.
Les quatre pilotes sortirent, et au moment où la porte du bureau se refermait, Milliardo Peacecraft, autrefois connu sous le nom de Zechs Merquise, apparut, venant de la petite pièce derrière l’office de Lady Une.
– Vous avez entendu ? demanda-t-elle.
– Oui.
– Vous pensez que ça pourrait avoir des connections avec notre affaire ?
– J’en ai peur, répondit Milliardo. Mais je ne vois pas encore comment…
– Ils pourraient utiliser Yuy.
Miiliardo secoua la tête négativement.
– Heero ne se laisserait pas faire, répliqua-t-il. Je le connais. Il préférerait mourir plutôt que de faire quoique ce soit qu’il n’estime pas en accord avec sa conscience et ses sentiments. Et ça , c’est bien la dernière chose qu’il ferait.
Une se tourna vers Sally.
– Mais nous avons déterminé que son ravisseur connaissait bien Heero. Sally, croyez-vous qu’il puisse avoir une quelconque influence sur Yuy ?
– Heero s’est débattu, rappela la jeune médecin.
– Je parlais d’une influence psychologique. Nous savons que Yuy a été sujet à des expériences qui n’ont rien d’humaines. Y a-t-il une chance qu’il puisse être…
– Du point de vue physique, il n’y a rien d’anormal chez lui, coupa Sally. A part évidemment les améliorations apportées par le docteur J. Je veux dire qu’il n’y a pas de puce implantée, ni quoique ce soit de ce genre. Maintenant, d’un point de vue psychologique…
Elle croisa les bras et se tourna vers Milliardo et Une.
– Heero a une personnalité complexe, dit-elle. Pas que les autres pilotes soient plus faciles, mais seul Duo peut rivaliser avec lui sur ce point.
– Duo Maxwell ? répéta Une avec incrédulité.
– Oui, Duo Maxwell, acquiesça la médecin avec insistance. Wu Fei, Trowa et Quatre ont tous trouvé un exutoire à leurs propres perturbations d’une façon ou d’une autre. D’après les tests psychologiques, Duo a eu une enfance peu heureuse. Probablement la perte d’êtres chers, la perte de ses repères aussi, et il a une tendance latente à la schizophrénie.
Les deux autres la regardaient d’un air stupéfait.
– Je le soupçonne de posséder une grande violence contenue, continua Sally. Le genre de personne qu’on n’aime pas mettre en colère. Je veux dire, vraiment, en colère. Duo a trouvé son propre exutoire avec Heero…
Elle fit une pause, et hésita.
– Continue, dit Milliardo. On sait tous ce qu’il y a entre eux, c’est un secret de polichinelle.
– Heero est une personne forte, reprit Sally. Capable de survivre là où d’autres meurent, solide, et a priori pas le genre à mourir. La personne idéale pour Duo. Quelqu’un qu’il est sûr de ne pas perdre. Quelqu’un sur lequel s’appuyer, quelqu’un dont il peut s’occuper.
– Je vois, fit Une. Heero serait un genre de sécurité.
– Tout à fait.
– Je n’imaginais pas Duo comme ça, murmura Milliardo.
– Tu serais surpris d’en apprendre sur certains, répliqua Sally en pensant aux instincts romantiques de Wu Fei, réprimés avec difficulté, et niés avec véhémence…
– Revenons à Yuy, s’impatienta Une.
Sally inspira.
– Heero… Heero comme Duo a une personnalité réprimée, mais malheureusement les tests n’ont rien donné là-dessus… Il a tous su les déjouer de façon à ce qu’on n’en apprenne pas sur lui… Ce qui évidemment m’a donné le plus gros renseignement : aussi surprenant que ça puisse paraître après ses différentes tentatives d’autodestruction, il a un instinct de conservation pas mal développé... mais uniquement mental.
– Peu importe les douleurs physiques tant que personne ne peut lui blesser l’âme, c’est ça ? murmura Milliardo.
– Lui blesser l’âme… Jolie formulation. C’est exactement ça.
– Heero Yuy est fragile psychologiquement, conclut Une.
– Si quiconque arrive à passer complètement sa défense, et s’en sert pour lui faire du mal, il peut le détruire complètement, acquiesça la jeune médecin avec gravité. Et je ne crois pas que personne n’ait encore réussi à le désarmer totalement, même pas Duo. Pour ça il faudrait pouvoir connaître tout ce par quoi il est passé.
– Si la personne qui l’a enlevé le connaît si bien, il y a un risque… pensa Une à voix haute. Rien d’autre ?
Sally parcourut ses notes.
– Hum… Une tendance latente à la claustrophobie, surprenante pour un pilote de Gundam. C’est à peu près tout ce que je peux vous dire.
Il y eut un silence, puis Milliardo haussa les épaules. « On ne peut qu’attendre et voir, dit-il, en espérant qu’il n’y ait pas d’autres victimes… »

***

Deux semaines plus tard, minuit et demi.
Duo se laissa tomber sur le canapé et se recroquevilla dans un coin, serrant contre lui la peluche dont il avait recousu le bras arraché.
Devant lui, posé sur la table basse, un repas froid qu’il n’avait pas fini, différents papiers déposés par Quatre un peu plus tôt et qui n’avaient rien apporté de nouveau.
Duo se frotta les yeux.
Il dormait mal depuis la disparition de Heero. Il ne mangeait quasiment plus.
Encore.
Encore.
Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi…
Pourquoi est-ce qu’il perdait systématiquement tous ceux auxquels ils tenaient ? La malédiction Shinigami…
Il serra les dents, se refusant à pleurer. « Boys don’t cry », se dit-il avec rage. Les garçons ne pleurent pas, quelque soit l’envie qu’ils en ont… Les garçons ne pleurent pas… Même lorsqu’ils avaient tout perdu.
Le regard de Duo se durcit et une lueur d’une intensité meurtrière s’alluma dans ses yeux. Il leur ferait payer. Peu importe le temps que ça lui prendrait, il leur ferait payer pour Heero.
Heero…
Au même instant, quelqu’un sonna à la porte. Duo leva les yeux vers l’horloge. Une heure du matin. Il se leva d’un bond.
A cette heure ça ne pouvait être que l’un des gars qui avait trouvé quelque chose d’intéressant. Une petite lueur d’espoir au fond du cœur, Duo ouvrit la porte.
Il croisa un regard bleu marine.
« HEERO ? ? ! ! »
***

[Duo]

« HEERO ! »
Heero… c’est pas un rêve… pas une illusion… il est là…
Mais pourquoi est-ce qu’il est couvert de sang ? Pourquoi ? !
« Duo… »
Sa voix n’est qu’un murmure… Il titube et je lâche la poignée pour le prendre dans mes bras. Il ne réagit pas, se laisse soutenir comme s’il n’a plus de force… Plus rien… Mon Heero qui peut marcher avec une jambe cassée est sur le point de s’effondrer.
Pourquoi est-ce qu’il est si léger ? C’est pas normal… Pourquoi ce sang ? Il est blessé ?
– Heero ? Heero, qu’est-ce que tu as ?
– …par…pardon…
– Quoi ?
– …voulais pas…
Il tremble comme s’il allait pleurer. Je le soulève, il est si léger, trop léger, et je l’emmène dans sa chambre, le pose sur le lit. Il s’accroche à moi au moment où je le lâche. Qu’est-ce qu’il a ? Qu’est-ce qu’ils lui ont fait ? C’est pas Heero, pas mon Heero… Ils l’ont brisé…
– Heero, où t’es blessé ?
Il secoue la tête négativement. Pas blessé ? Alors d’où vient le sang ?
– Il faut te laver, Heero. Déshabille-toi, je vais appeler Sally…
Un éclair de panique passe dans ses yeux, il s’accroche à moi avec plus d’intensité. Mais il n’a plus de force… Il me suffirait de reculer pour me libérer. Je m’assois près de lui, je le prend dans mes bras ; j’ai une boule dans la gorge. « Me laisse pas… murmure-t-il. Pas tout seul… pas encore… pas encore… »
Puis d’un coup il me lâche et se laisse tomber sur le lit comme une poupée de chiffon, les yeux dans le vide.
Mais qu’est-ce qu’ils lui ont fait ? !
Il ne dit plus rien, ne fait plus rien, comme s’il était résigné, comme si plus rien n’avait d’importance.
Heero…
J’ai envie de hurler, et la panique monte… Quatre, putain, c’est vraiment le moment de débarquer, que quelqu’un fasse quelque chose !
Calme-toi, Maxwell, c’est vraiment pas le moment…
– Très bien, Heero. On ira voir Sally tous les deux demain. Mais il faut que tu te laves, tu es couvert de sang. Je veux voir si tu es blessé.
Il ne réagit pas, se laisse redresser comme une poupée de chiffon, se laisse déshabiller sans réaction.
J’ai longtemps rêvé de cet instant. Mais pas comme ça. Pas comme ça, bon sang !
Je n’ai plus peur. Je n’ai plus envie de hurler.
J’ai quelque chose au fond de l’estomac. Quelque chose qui monte, qui tremble. Un acide qui me bouffe les entrailles.
De la colère. De la haine.
Quand je les retrouverai, je jure qu’ils vont souffrir. A mort. Je leur arracherai chaque partie du corps en commençant par les ongles.
Je prends Heero dans mes bras, complètement nu. Il est si maigre, on dirait qu’il n’a rien mangé durant sa disparition. Est-ce qu’ils l’ont affamé ?
Je leur ouvrirai le ventre lentement et je sortirai leurs entrailles devant leurs yeux.
Il ne s’accroche même plus à moi, complètement indifférent.
Mais lorsqu’on rentre dans la salle de bain, il se recroqueville dans mes bras, ferme les yeux et cache son visage contre mon torse.
–Heero ?
– …lumière… murmure-t-il. Trop blanc…
Je ne pose pas de questions. J’éteins la lumière avant de le déposer dans la baignoire. Le peu d’éclairage me permet quand même de voir qu’il n’a aucune blessure.
A qui appartient tout ce sang ?
J’espère que c’est celui de son tortionnaire.
J’espère qu’il n’est pas mort, qu’il se voit en train de se vider de son sang.
Je fais couler l’eau du pommeau de douche pour le rincer, et en tombant dans le siphon, l’eau est rouge. Je la suis du regard avant de revenir à Heero.
Il a fermé les yeux, et les garde fermés le temps que je le lave, le sèche. Je l’oblige à enfiler un tee-shirt et un caleçon avant de le reposer sur le lit.
Je n’ai pas envie de le quitter.
Il ne bouge plus mais je sais qu’il ne dort pas.
Il est tendu.
« Heero… je vais rester avec toi, d’accord ? »
Il ne dit rien, mais je crois qu’il sourit… plus de soulagement que d’autre chose… Je m’allonge près de lui, le serre contre moi. Il a enfoui sa tête dans mon cou. Qu’est-ce que j’en ai rêvé, de le prendre aussi librement dans mes bras, qu’est-ce que j’en ai rêvé de le sentir se blottir contre moi…
Mais pas comme ça !
Je n’arrive pas à être heureux. Je préférerai qu’il me vire de son lit en me traitant de baka et en me hurlant « Omae o korosu », qu’il me poursuive à travers tout l’appartement, comme avant.
Pas ça.
« Duo… »
Je le serre plus fort pour lui faire comprendre que j’écoute.
– …voulais pas… murmure-t-il. Je voulais pas… te jure que je voulais pas…
– De quoi tu parles, Hee-chan ?
– Je ne voulais pas… Je te jure…
Il s’est remis à trembler, sa voix est monté d’un ton, il me regarde d’un air terrorisé… comme si… comme si je pouvais lui faire mal…
– Je ne voulais pas !
– Je sais… je murmure.
Je lui caresse le front pour l’apaiser. « Je sais, ne t’inquiète pas… Tout va bien. Calme-toi, je sais… »
J’ai menti… Moi qui ne mens jamais… j’ai menti… Menti pour lui… ça lui semble tellement important que je comprenne. Tellement important que je sache.
Bon sang, je mentirais devant le tribunal de Dieu pour lui !
A quel moment j’ai commencé à l’aimer à ce point là ?
– Duo… on partira… demain… ?
– Où ça ?
– Florence… on partira ?
Je l’embrasse sur la tempe. Je ne vais pas pleurer… je ne vais pas pleurer… je ne vais pas pleurer… Je ne vais pas pleurer…
– A la première heure.
Ma voix a tremblé, complètement étranglée dans ma gorge. Mais les traits de Heero se détendent complètement.
Cette fois il dort. Et je couvre son visage de baisers, et je le serre contre moi, plus jamais, plus jamais ils ne le toucheront…
Je les laisserai pas le reprendre. Je les tuerai jusqu’au dernier, je leur ferai subir plus qu’ils n’auraient jamais imaginé lui faire subir, jusqu’à ce que l’enfer ressemble à un club de vacances.
Ils ont brisé Heero.
Ils ne savent pas encore ce qui les attend.

***

Heero ouvrit les yeux. Son visage était contre celui de Duo. Le jeune homme sourit. C’était vrai… Pas un rêve…
Il referma les yeux et resta contre son ami quelques minutes de plus avant de se lever doucement. Il allait préparer le petit déjeuner, et puis Duo se réveillerait à l’odeur du café, comme avant, et ensuite ils feraient les bagages, et ils partiraient.
Duo avait promis.
Duo ne mentait jamais.
Heero traversa l’appartement en chantonnant et arriva dans la cuisine. Il sourit en faisant chauffer l'eau, les yeux brillants.
La porte de l’appartement s’ouvrit mais il ne l’entendit pas.
Il faisait beau. Peut-être qu’il faisait beau en Italie aussi ? S’il y avait du soleil sur Londres, il devait vraiment faire chaud, à Florence.
Les pas dans le salon se rapprochèrent. Heero refusa de les entendre.
Il faudrait qu’ils emportent des vêtements légers. Et il ne faudrait pas qu’il oublie les crayons pour dessiner. Il n’était encore jamais allé en Italie.
Les pas s’arrêtèrent derrière lui. Le jeune Japonais s’obstina à ignorer la présence.
Lorsque le café fut prêt, Heero en versa dans une tasse et la prit dans ses mains. Ses doigts tremblaient légèrement.
Ils iraient en Italie. Duo avait promis. Duo ne mentait jamais.
« Tu as oublié de me faire ton rapport, Kenji. »
Heero lâcha la tasse.

***

Duo se réveilla avec l’impression désagréable que quelque chose manquait.
Heero.
Duo alluma rapidement la lumière. Ça n’avait pas été un rêve, les taches de sang sur le drap prouvaient que Heero était rentré. Duo sourit. L’odeur du café lui arrivait de la cuisine.
Heero était en train de préparer le petit déjeuner.
Duo se leva d’un bond, pressé de le retrouver et courut vers la cuisine.
Mais elle était vide.
Sur le sol, une tasse avait explosé, projetant du café un peu partout.
Je ne les laisserai plus le reprendre.
Le regard de Duo se figea.

***

Milliardo Peacecraft monta les escaliers à toutes vitesses, espérant arriver à temps. Devant l’appartement, il sonna avec insistance, nerveux.
Pourvu qu’il arrive à temps… Ils n’avaient plus le droit à l’erreur.
La porte s’ouvrit et Milliardo retint son souffle.
Duo était habillé de noir, complètement, sans une seule touche de couleur contrairement à d’habitude. Un jean noir, un pull noir, un blouson noir. Ses cheveux n’étaient pas nattés et semblaient couler comme une rivière dans son dos. Ses yeux, d’habitude vifs et chaleureux, étaient deux pierres améthyste dures, presque malignes, définitivement mortelles.
Il aurait été plus que séduisant, presque envoûtant si son aura générale n’avait pas été si dangereuse.
Milliardo avait plus d’une fois côtoyé la mort.
Il ne l’avait jamais vue d’aussi près.
– Heero ? demanda-t-il, la surprise passée.
– Tu l’as manqué d’une heure, répondit Shinigami d’une voix froide et ironique.
–Alors viens, il n’y a plus de temps à perdre. J’espère qu’il n’est pas déjà trop tard.
– Si son altesse royale veut bien patienter pendant que je ferme la porte.
– Je t’attends dans la voiture. Dépêche-toi.
Milliardo s’installa, les doigts tapant nerveusement le volant. Mais à peine une minute plus tard, Duo s’asseyait à côté de lui et il démarra sans perdre de temps.
Duo ne disait rien, et Milliardo prit la parole sans prévenir.
– Depuis plusieurs mois, Noin et moi étions sur un problème qui touche la Terre autant que les Colonies. Des dirigeants importants étaient assassinés sous un maquillage de suicide. Après une enquête plus poussée, on a découvert que tous ces hommes avaient un point en commun : ils avaient tous été plus ou moins impliqués dans des affaires avec Romefeller, et plus particulièrement dans le financement de l’armement et des recherches concernant les mobiles dolls.
– Ben voyons.
– Nous avons déjà été confrontés à des groupes de terroristes qui souhaitaient se débarrasser complètement des anciens alliés d’OZ. Mais celui-là est particulièrement bien organisé. Malgré tout, nous avons pu empêcher pas mal d’assassinats avec une surveillance des victimes potentielles renforcée.
Milliardo fit une pause. Duo avait la tête tournée vers l’extérieur.
– Jusqu’à deux semaines plus tôt. Un tueur a fait son apparition. Il a réussi à chaque fois à se débarrasser des caméras de surveillance et des gardes du corps. Il ne s’est jamais fait repérer.
Nouvelle pause.
– Infaillible, dit-il, puis, plus doucement : Absolument parfait.
Duo ne réagit pas.
– Mais cette nuit, le hasard a voulu que Noin et moi soyons de service sur la victime. L’assassin a réussi à tuer sa cible. Il a également tué tous les gardes du corps. Sauf nous. Tu sais pourquoi, Duo ?
Le jeune homme ne réagit pas.
– Parce que cet assassin, c’est Heero.
Le silence se prolongea. Les poings de Duo étaient serrés, les jointures blanches.
– Un Heero conditionné, mais Heero quand même. Nous voir l’a déstabilisé, il a semblé reprendre ses esprits et s’est enfui. Mais dans sa fuite il a oublié de s’occuper des caméras, et Sally a passé la nuit à analyser son comportement.
Nouveau silence. Milliardo se gara devant l’immeuble des Preventers.
– Nous savons tous combien Heero cache ses sentiments, dit-il. Il a probablement reçu un entraînement plus que sévère sur ce point. Il a été littéralement conditionné pour être un soldat parfait, sans faille. Mais à cause de ça il n’a jamais grandi.
Cette fois Duo se tourna vers lui.
– Je ne comprends pas, dit-il calmement.
– Je veux dire que son entraînement l’a empêché de grandir comme nous l’avons tous fait, à travers différentes expériences, différents sentiments. Le Heero que nous connaissons tous les deux, l’adolescent, est un mélange du soldat adulte et de l’enfant qu’il y a en lui. Un mélange presque parfait qui s’est probablement renforcé lorsqu’il a commencé à vous fréquenter, lui forgeant une personnalité normale et lui permettant de vivre une vie normale.
Milliardo prit une inspiration.
– Celui qui l’a enlevé le connaissait assez pour connaître ses deux personnalités principales. Et il a fait quelque chose à Heero qui a provoqué une séparation complète de ses deux facettes. L’enfant et le soldat sont devenus deux personnes différentes.
Duo ferma les yeux.

– Je ne voulais pas…Je te jure…
Il s’est remis à trembler, sa voix est montée d’un ton, il me regarde d’un air terrorisé… comme si… comme si je pouvais lui faire mal…


Comme un enfant qui attend d’être puni…

Il tremble comme s’il allait pleurer.

Comme un enfant apeuré…

– Duo…on partira…demain… ?
– Où ça ?
– Florence…on partira ?


Comme un enfant qui demande une permission…

Il se recroqueville dans mes bras…

Comme un enfant…
Comme un enfant…
Comme un enfant…
Milliardo vit une lueur meurtrière passer dans le regard de Duo. Sa nervosité s'accrût, il n’avait qu’une envie, c’était d’être le plus loin possible du jeune homme en noir à cet instant.
– Son ravisseur contrôle Heero probablement comme ça, en jouant sur la terreur de l’enfant, dit-il rapidement. Nous savons quelle est la cible ce soir. Tu viens ?
Duo redressa la tête, ses cheveux glissant le long de son visage. Il sourit à Milliardo qui sentit les battements de son cœur s’accélérer sous le coup d’une terreur sans nom.
« Je ne manquerai ça pour rien au monde ».

***

23h30
Duo était adossé au mur en silence. Milliardo, Noin et Wu Fei étaient cachés dans la pièce à côté, Trowa et Quatre avec un groupe de Preventers faisaient le guet.
La « cible » avait été déplacée au QG des Preventers. C’était lui qui la remplaçait. Un grésillement dans son oreille l’avertit que Quatre tentait de le contacter. « Il arrive ».
Duo hocha la tête et se dissimula derrière l’armoire.
Quelques minutes plus tard, une ombre se faufilait dans la chambre. Le jeune homme natté sentit sa gorge se nouer. "Heero… Je vais te sortir de là, promis…"
D’un geste sec, il alluma la lumière.
Il n’entendit pas le coup de feu partir. Un silencieux, pensa-t-il en recevant la balle dans le bras. Heero était debout au milieu de la chambre.
Duo leva les yeux vers lui, et le regard fixe et impassible de Heero s’agrandit, ses iris bleu marine envahirent tout l’œil.
– Heero, murmura Duo sans faire attention à sa blessure.
Le regard de Heero se porta sur le sang qui coulait. Une expression d’intense désespoir apparut sur son visage, il se mit à trembler comme une feuille. « L’enfant qui revient », pensa Duo en se précipitant vers lui.

***

Duo.
Le sang.
Duo.
J’ai tiré sur Duo.
J’ai blessé Duo.
Erreur.
Punition.
Je vais être puni.
Je dois être puni.
Duo.
Duo a mal à cause de moi.
Je dois être puni.


Heero sauta par la fenêtre.

***

[Attention, POV Heero sur les dernières semaines]


// Kenji
RDV lab 12 code 06
Vite.//


Pourquoi ? Pourquoi après tout ce temps, venir le chercher ?
Le docteur J avait dit qu’il était libre.


Pièce sombre.
– Te voilà, Kenji.
Cette voix. Déjà entendue. Connue.
– Tu as été rapide, comme toujours.
Cette voix… Enfouie… Oubliée… Cette voix… haïe… détestée…
//« Tu as compris, Kenji ? »//
Nervosité.
//« Tu n’as pas besoin de jouer. »//
Avale sa salive.
//« Un soldat ne pleure pas, Kenji. »//
Peur.
//« Tu resteras enfermé dans la Chambre Blanche jusqu’à ce que tu aies compris. »//
Souvenir.
//« Désormais tu te puniras toi-même, Kenji. »//
Heero faillit reculer. Cet homme…

//– Zéro un.
L’Enfant se lève avec obéissance. Le docteur J ne l’a jamais appelé par son prénom. Il lui a dit qu’un nom n’avait pas d’importance.
– Zéro un, voici le docteur Owen Arsy. C’est lui qui s’occupera de toi jusqu’à ce que tu sois assez grand pour utiliser ton Gundam. Je viendrais voir comment tu évolues.
Le docteur J s’éloigne, le laisse seul avec l’homme aux cheveux noirs qui lui sourit gentiment.
– Comment t’appelles-tu ?
– Le docteur J dit qu’un nom n’a pas d’importance.
– Mais le docteur J n’est plus là. C’est à mes questions que tu réponds, maintenant.
– Kenji Lowe.
– Eh bien, Kenji, nous allons faire de toi le plus grand des guerriers, d’accord ?
L’Enfant acquiesce timidement et le docteur. Arsy lui caresse la tête.
– Viens avec moi, nous allons essayer quelque chose.
Il ouvre la porte d’une pièce toute blanche. Au plafond, des clochettes de porcelaines se balancent sans faire de bruit.
– C’est un petit exercice, pas très difficile. Ne t’inquiète pas. Il faudra juste que tu t’assoies au milieu de la salle et que tu restes complètement immobile. Tu as compris, Kenji ?
l’Enfant hoche la tête doucement et le docteur Arsy lui sourit.
– Chacun de tes mouvements déclenchera une clochette. Pour chaque clochette, un repas sera remplacé par une pilule nutritive. Tu resteras là jusqu’à ce que tu sois capable de rester deux heures sans bouger. Mais je suis sûr que tu réussiras, n’est-ce pas, Kenji ?//

Le docteur Owen Arsy. Son nom seul suffisait à plonger Heero dans un océan de terreur. L’homme qui l’enfermait en souriant gentiment. L’homme qui l’appelait Kenji et l’abandonnait //Là// pendant des jours. L’homme qui lui caressait la tête avec tendresse et le laissait avec la faim au ventre.
Il ne devrait pas être là. Le docteur J lui avait dit de partir.

// – Je vous ai demandé d’en faire un soldat, pas un schizophrène ! Il est incapable de penser par lui-même, maintenant.
– Cet enfant est à moi, je lui donne de l’amour ! Vous en êtes incapable.
– Zéro Un.
L’Enfant lève les yeux vers le docteur J.
– Zéro Un, viens à côté de moi.
– Kenji, reste là.
L’Enfant ne bouge pas.
– Vous voyez, fit le docteur Arsy. Il m’aime.
L’Enfant baisse la tête. Il ne voit pas le sourire méprisant que J lance au docteur Arsy.
– Croyez-moi, ce n’est pas une question d’amour, mais de clef.
Le docteur J sort de sa poche une petite clef blanche. L’autre scientifique pâlit légèrement mais ne bouge pas.
– Zéro Un, appelle J.
L’Enfant relève la tête. Son visage est impassible, mais son regard s’agrandit légèrement, d’une façon presque imperceptible. La petite clef blanche, blanche comme la chambre, blanche et froide comme l’Enfer. la petite clef blanche qui tourne dans la serrure blanche, la petite clef blanche qu’il doit demander pour aller se punir.
– Zéro Un, viens à côté de moi.
L’Enfant fait un mouvement.
– Kenji, reste là.
L’hésitation est à peine visible, et l’Enfant va se placer près du docteur J.
Arsy est parti. J a gardé la petite clef blanche. Il n’a jamais enfermé l’Enfant dans la pièce blanche, mais l’Enfant s’est quand même appliqué pour ne plus y aller. Il obéit à chacun des ordres. Même à celui d’être indépendant quand il le faut. Il ne cherche pas à comprendre. Il ne veut pas retourner dans la Chambre Blanche.//

Heero sentit une faiblesse dans ses jambes, mais refusa de se laisser aller. Pas devant lui.
– Ça fait longtemps, Kenji, dit l’autre en souriant, le même sourire tendre qu’avant. Tu as tellement grandi.
– Je m’appelle Heero, rétorque-t-il d’un ton sans émotion.
Le sourire du scientifique s’agrandit, mais il fait comme s’il n’avait rien entendu.
– Je vais avoir besoin de toi, Kenji. La guerre n’est pas finie, vois-tu. Des serpents se cachent encore au sein de notre monde, des serpents qui n’ont pas été punis et qui risquent de recommencer leurs erreurs. Il faut qu’on s’en débarrasse. Tu vas nous aider, n’est ce pas mon petit Kenji ?
– Je ne suis plus un enfant, réplique Heero.
Pourquoi sa voix a tremblé ? Pourquoi, pourquoi…
– Bien sûr que non, Kenji. Tu es un grand soldat maintenant.
La voix, toujours aussi douce, tendre, amusée.
– Je ne suis plus un soldat. Laissez-moi. C’est terminé.
Heero fait demi-tour. Ne pas trembler, ne pas se retourner. La porte, la porte, sortir, vite.
– Oh, Kenji.
La voix a cette intonation triste, presque malheureuse. Comme à chaque fois qu’il faisait une erreur. Comme à chaque fois qu’il allait…
– Je suppose qu’il faut que tu réapprennes, alors, soupire le docteur Arsy.
La respiration de Heero s’accélère. Il veut se mettre à courir, il ne peut pas. Il pose la main sur la poignée de la porte.
Fermée.
Respire. Respire. Respire.
– Retourne-toi, Kenji.
Non. Non. Ne bouge pas. Je t’en prie, ne te retourne pas. Tu sais ce qu’il a dans la main. Tu le sais. Tu le sais.
Des hommes apparaissent de nulle part. Ils sont plus d’une dizaine, tous des soldats entraînés. Heero sait que ce n’est pas la peine de résister. Il se laisse conduire devant une porte. Une porte blanche.
Cette fois Heero se débat sans bruit, les dents serrées, mais c’est inutile. Même lui n’est pas assez fort. Le docteur Arsy se met devant lui. Heero baisse la tête. Il ne veut pas regarder, il ne veut pas voir.
– Regarde-moi, Kenji.
Non, non, non, non, non…
– Tu n’arranges pas ton cas, Kenji. Je ne pensais pas en arriver là…
Il soulève le menton de Heero qui ne se révolte pas. Ce n’est plus la peine. C’est trop tard.
Dans la main d’Arsy, la petite clef blanche. La petite clef blanche.
Le scientifique ouvre la porte. Tout est là, les mêmes murs, les mêmes clochettes.
– Tu connais les règles du jeu, Kenji.

Une nuit.
Blanc, blanc, blanc, blanc, clochettes, clochettes, encore, clochettes…
Duo.
« Rentre chez toi et prépare tes affaires, Kenji. Je viendrai te chercher tout à l’heure. »
Duo.
Duo.
Ne ferme pas la porte.
Ne me laisse pas tout seul.
Je ne veux pas y retourner ! Laissez-moi !
Tu as encore désobéi, Kenji, il va falloir te punir.
Blanc. Clochettes. Blanc.
Duo.
Blanc. Clochette. Blanc. Silence.
Duo.
Faim.
Duo
Encore.
Première mission.
Non ! Je ne veux pas !
Blanc. Clochettes. Blanc.
Encore.
Duo.
Blanc, blanc, blanc. Clochette.
Immobile.
Première mission.
Tu n’as pas été assez rapide, Kenji.
Blanc. Clochettes. Blanc. Silence.
Faim.
Duo ?
Blanc. Clochettes.
Seconde mission.
Clochettes.
Blanc.
Encore encore encore blanc faim Duo blanc blanc clochettes silence
Missions
Blanc
Zechs/Milliardo/Peacecraft/Relena/Guerre/Noin/Peacemillion/Paix/Gundam/Noir/Duo/Duo/
Rouge. Rouge ? Sang… Duo… Fuir… Duo… courir… je ne voulais pas… je ne voulais pas… reste avec moi… ne me laisse pas… encore… pas tout seul… encore… Duo… partir… Florence… tu avais dit… café… partir… comme avant… partir… n’écoute pas… Tu as oublié de me faire ton rapport, Kenji…
Blanc. Blanc. Silence. Blanc. Silence. Blanc.
Seul.
Blanc. Seul. Silence. Seul silence blanc blanc silence blanc
Blanc
Blanc
Blanc
Mission.
Intrus.
Lumière.
Tirer.
Duo.
Le sang.
Duo.
J’ai tiré sur Duo.
J’ai blessé Duo.
Erreur.
Punition.
Je vais être puni.
Je dois être puni.
Duo.
Duo a mal à cause de moi.
Je dois être puni.

***

[Duo]

« HEERO ! »
J’ai vu son regard, son geste, je sais ce qu’il va faire…
Et je n’entends plus que le bruit de la vitre qui explose, et Heero qui disparaît dans le gouffre sombre du vide, encore une fois…
Et comme à chaque fois, la terreur me bouffe. Je déteste quand il fait ça, je ne supporte pas ! Je cours à la fenêtre mais il a déjà disparu dans la nuit et je hurle, je hurle son nom, qu’il revienne, faites qu’il revienne…
J’ai l’épaule qui brûle, Quatre qui m’appelle dans le talkie, mais je ne sais pas ce qu’il dit. Heero, pourquoi tu me fuis ? Pourquoi ?
Heero…
– On l’a ! hurle Wu Fei.
Qui ? De quoi il parle ?
– Duo ! Dépêche-toi ! Trowa l’a touché !
Heero… D’un coup je me réveille, je cours, la chambre, le couloir, les escaliers, le hall d’entrée… Noin, Milliardo, Quatre, Trowa, Wu Fei… Mais où il est ?
– Heero ! Où il est ?
C’est moi qui hurle ? C’est moi ?
– Duo, tu es blessé ? fait Quatre.
Blessé ?
– Qu’est-ce qu’on en a à foutre ! Où est Heero ? ? ! !
– On l’a au radar, informe Milliardo. Trowa l’a touché avec le pistolet pisteur.
– On y va !
– Calme-toi, il faut d’abord te soigner, déclare Wu Fei.
– On a pas le temps !
Son regard, j’ai vu son regard, je le connais… C’est le regard qui hurle « punition », c’est le regard qui hurle « erreur », c’est le regard qu’il avait au moment d’appuyer sur le bouton d’autodestruction de son Gundam, c’est le regard qu’il avait à chaque fois qu’il allait faire quelque chose dont il n’était pas sûr de revenir vivant… C’est surtout le regard caché derrière ses paupières fermées lorsqu’il s’est jeté à la mer à notre première rencontre, lorsqu’il s’est laissé tomber de l’hôpital militaire, lorsqu’il est resté sous le feu des balles après l’incident Noventa…
Mais ils ne comprennent pas ! Et je suis obligé de les laisser bander ma blessure avant de monter dans la fourgonnette.
Heero, mon Heero, un petit point rouge sur l’écran, un petit point rouge qui se déplace pendant des heures et des heures, et on ne le rattrape pas, et le temps passe…
Il s’arrête soudain.
Il ne bouge plus.
Et nous sommes au milieu de Londres, face à un immeuble identique à tous les immeubles. Heero est quelque part dedans.

***

Quatre avala soudain sa salive et s’accrocha à Trowa, à côté de lui.
– Quatre ?
– Va pas du tout… murmura-t-il, blanc comme un linge.
Il lâcha le Français, se serra les poignets comme s’il voulait se couper la circulation sanguine et les autres se tournèrent vers lui, tandis que Noin préparait les ordres pour les troupes.
– Quat ? C’est Heero ? demanda Duo d’une voix angoissée.
– Vite… murmura le petit blond. La Chambre Blanche… la clef… AAAAAAAAAAAH ! ! !
– Quatre !
Le jeune Arabe s’était effondré, inconscient. Duo n’attendit pas l’ordre pour partir. Dès que Quatre avait hurlé, il était sorti de la camionnette et courait vers l’immeuble, insensible aux appels de Wu Fei.
Il entra et se retrouva dans un grand hall blanc, dans lequel circulait une dizaine de personnes.
– Monsieur ? Vous cherchez quelque chose ? fit une voix polie.
Duo se retourna et fixa la femme d’un regard froid.
– Quelqu’un, dit-il. Où est le pilote 01 ?
La femme pâlit légèrement mais le regarda d’un air neutre.
– Excusez- moi, je ne comprends pas…
– Que personne ne bouge, ordonna Milliardo en entrant avec plusieurs équipes de Preventers. Cet immeuble est désormais sous la juridiction des Preventers.
Il y eut des exclamations surprises, des cris de peur, et lorsque la jeune femme qui l’avait abordée chercha à s'esquiver, Duo l’attrapa d’un geste rapide et la plaqua brusquement contre le mur.
– Bouge pas, ma petite, dit-il d’une voix glacée.
Elle poussa un cri de frayeur. Il y avait quelque chose dans le regard de cet homme… quelque chose qui la paralysa de terreur. Ce n’était pas normal, ces yeux comme des pierres, cette froideur mortelle. Ce n’était pas normal…
– Duo, calme-toi, dit Wu Fei en posant une main sur l’épaule de son ami.
– Elle sait où est Heero, répliqua Duo d’un ton qui fit frissonner le Chinois.
Il regarda la femme d’un air méprisant.
– Je te conseille de parler, onna, fit-il. Mon ami n’est pas très patient.
Les jambes de la femme la lâchèrent, mais Duo la retint par le col, la fixant comme pour la transpercer, et elle crut qu’elle allait se mettre à pleurer. La Mort… la Mort devait ressembler à ça… Sûrement… ce regard…
– L’a… ascenseur, sanglota-t-elle. Le niveau di… dissimulé entre l’étage 0 et le parking…
– Le code pour l’ouvrir, ordonna Duo.
– 06, lâcha-t-elle avant de s’évanouir.
Le jeune homme natté la laissa tomber sans un regard et se précipita vers l’ascenseur.
– Duo ! Attends ! Au nom de Nataku… Equipe 4 ! Avec moi ! cria Wu Fei, courant après Duo.
Mais l’autre n’attendit pas que Wu Fei et l’équipe de Preventers le rejoigne. Il entra dans l’ascenseur et descendit au parking, puis, tout en appuyant sur le bouton « monter », tapa avec les interrupteurs des étages le chiffre 06.
« Code accepté », fit une voix.
L’ascenseur se mit en branle et quelques secondes plus tard, la porte s’ouvrait devant un long couloir blanc. Duo le traversa à toute vitesse, ouvrit la porte au bout et se retrouva de nouveau devant un couloir, puis une grande porte sur laquelle était peint en jaune : « Laboratoire 12 ».
Duo appuya sur le bouton rouge à côté pour l’ouvrir, mais à la place, un clavier sortit du mur, et une voix sans passion lui demanda de s’identifier.
« Et merde », pensa Duo.
Ce n’était pas le moment de paniquer.
S’identifier.
Heero devait avoir libre accès au laboratoire.
« Heero », tapa-t-il.
« Identification erronée. Essai 2 sur 3. »
Respirer. Comment Heero était-il désigné, encore ?
« 01 »
« Identification erronée. Dernier essai. »
Duo pâlit légèrement. Il y avait tant de possibilité. Yuy ? Perfect Soldier ? Non, un seul mot était demandé. Et peut-être que c’était un nom de code.
Voyons… Heero Yuy était déjà un nom de code.
Combien Heero en avait-il ?
Duo ferma les yeux et réfléchit à un indice, n’importe quoi qui lui donnerait la solution durant les dernières semaines puis…
//Bien sûr…ça ne peut que ça…//
Duo prit une profonde inspiration. Ça //devait// être ça. Il n’y avait pas d’autres solutions. Il devait sauver Heero, ça //devait// être ça !
Il voyait encore le nom écrit en haut du mail qui avait tout déclenché.
« Kenji », tapa-t-il lentement.
« Identification acceptée. »
Duo relâcha sa respiration, il ne s’était même pas rendu compte qu’il l’avait retenue. Dès que la porte s’ouvrit il fonça à l’intérieur.
« Merde », pensa-t-il lorsqu’une dizaine de pistolets se pointèrent sur lui.
– Baissez vos armes ! ordonna Wu Fei en entrant à son tour avec son équipe. Vous êtes tous en état d’arrestation et sous la juridiction internationale des Preventers.
Il y eut un instant d’hésitation, puis les terroristes lâchèrent leurs armes.
– Qui est le chef de cette section ? demanda Wu Fei de son ton impatient et autoritaire.
– C’est moi, dit un homme en blouse blanche.
Il avait l’air très calme, presque indifférent. Il n’était pas très vieux, une cinquantaine d’années, peut-être, typé européen, et ses cheveux , qui avaient dû être noirs, grisonnaient.
– Qui êtes-vous ? interrogea sèchement Wu Fei en retenant Duo d’un geste.
– Je suis le docteur Owen Arsy.
– Où est Heero ? explosa Duo.
Le scientifique ne lui accorda même pas un regard et Duo était sur le point de le frapper lorsqu’une voix calme s’éleva derrière eux.
– Donnez-moi la petite clef, fit Quatre doucement. Donnez-moi la clef de la chambre blanche.
Le scientifique se tourna vers lui. Le petit blond, soutenu par Trowa, avait le visage pâle.
– C’est Kenji qui l’a, dit-il. Il me l’a demandée au retour et s’est enfermé.
– Il faut lui ouvrir ! fit Quatre d’une voix presque hystérique, contrastant avec sa douceur précédente. Ouvrez la porte ! Cassez-la !
– Mais où est cette putain de porte ?! hurla Duo qui commençait aussi à perdre son calme.
– Où est la Chambre Blanche ? demanda Quatre avec urgence.
Le docteur. Arsy désigna une porte derrière lui.
– Au fond du couloir à gauche, dit-il. La porte blanche. Mais je vous en prie, ne faites pas de mal à Kenji… Ce n’est qu’un enfant.
Cette fois Duo ne put retenir son poing qui s’écrasa contre le visage de l’homme. Celui-ci tomba à terre, la figure en sang et la pommette probablement cassée, mais il répéta, comme s’il ne sentait rien.
– Ce n’est qu’un enfant, soyez gentil avec lui. Il est si fragile. Ne lui faites pas de mal.
– Fou à lier, marmonna Wu Fei, dégoûté.
Duo s’empara du pistolet d’un des Preventers et se précipita dans la direction indiquée par le scientifique. Il s’arrêta devant la porte blanche.
Duo eut soudain une impression de froid intense, comme s’il se trouvait devant la porte de l’Enfer. Ce sentiment glacé, c’était celui de la mort.
« Je suis Shinigami, gronda-t-il intérieurement. C’est moi qui choisit ceux qui vont en enfer. »
Il défit la sécurité du pistolet et tira sur la serrure qui sauta immédiatement. La porte s’ouvrit.
La salle était complètement blanche.
Complètement blanche, sauf la tache rouge au centre d’un garçon qui se vidait de son sang.


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