DCU : Le dernier mot de tout [one-shot]
Le dernier mot de tout
Personnages/Couples : Hum. Hem. Ça tourne autour de Dick, Tim, Roy et Connor. Conner, Bruce et le Chrysler Building en figuration.
Genre : Wtfangst.
Censure : PG-13/T
Résumé : Roy comprend des choses et en laisse d’autres lui échapper, Tim est malheureux en amour mais il se soigne, Connor apprend la différence entre aimer et expérimenter, Kon veut savoir ce qu’il se passe, Bruce désapprouve en général. Et Dick ? Dick a le vertige.
Date : 4 janvier 2009 – 4 février 2009
Remarque : C’est pas la peine de chercher à situer ça dans la chronologie (DC connaît pas sa propre chrono, je vois pas pourquoi je m’y plierais :D). C’est après Infinite mais Kon n’est pas parti en vacances, Dick est à New York, Roy est Red Arrow depuis peu, Connor n’a jamais fait l’aller-retour.
La Arrow family rapidement pour ceux qui les connaissent pas très bien :
Ollie aka Oliver Queen aka Green Arrow : Un membre principal de la Justice League, humain, coureur de jupons. Amour de sa vie : Dinah Lance aka Black Canary
Roy Harper aka Speedy, puis Arsenal, puis Red Arrow : Recueilli par Green Arrow quand il était petit, l'un des meilleurs amis de Dick et l'un des premiers Teen Titans. A une fille, Lian, qu'il a eue avec une terroriste internationale, Jade NGuyen aka Cheschire.
Conner Hawke aka Green ArrowJunior: Fils d'Ollie qu'il a eu avec une random conquête. Elevé dans un monastère bouddhiste. Végétarien. L'un des meilleurs pratiquant d'art martiaux au monde. Tim le fanboy. :D
Mia aka Speedy : La nouvelle recrue d'Ollie
Le dernier mot de tout
Il est quatre heures du matin quand le téléphone sonne. Roy grogne, enfouit la tête sous l’oreiller. Pendant que Dick décroche, il fait courir un orteil le long de son mollet. Dick ne se dérobe pas mais les mots qu’il murmure dans son portable sont assez éloquents. Il n’y aura pas de troisième round. Dick se redresse après avoir raccroché, se frotte le visage.
« Il faut que j’y aille », murmure-t-il comme si quelqu’un pouvait les entendre, et qui savait ?
Roy lui adresse un vague signe de la main, le regarde se lever à la lumière du lampadaire face à la fenêtre dont ils n’ont pas fermé les rideaux. Dick n’est pas grand-chose d’autre qu’une silhouette, parfaite silhouette et Roy, pas pour la première fois, se retrouve partagé entre un désir dévastateur et une jalousie odieuse. Parfois Dick semble trop parfait pour être vrai. Sculpté comme un dieu du vent, belle gueule, charismatique, droit.
Bourré d’insécurités, masochiste, bouffé par un complexe d’infériorité incompréhensible, débordant d’amour à donner et programmé à n’en recevoir que d’une seule personne. Qui le nourrit au compte-goutte.
Dick n’a que l’apparence de la perfection, Dieu merci. Savoir qu’il est tout aussi capable de tout foutre en l’air que le commun des mortels le rend désirable plutôt que Superman.
« Je sais pas quand je pourrai revenir. Dis au revoir à Lian pour moi. »
Roy grogne son assentiment. Gotham a appelé, Batman gardera Nightwing à ses côtés aussi longtemps qu’il le jugera nécessaire, aussi longtemps qu’il aura besoin de s’assurer que son emprise sur lui n’a pas faibli.
Dick reviendra, Roy n’en doute pas.
Dick revient toujours. La seule façon de survivre à ses départs, c’est d’accepter qu’il ne vous appartient pas et ne vous appartiendra jamais. Roy a appris sa leçon il y a longtemps maintenant et s’amuse de son jeune lui, morveux sûr de lui qui s’est fait briser le cœur sans que celui qui était alors Robin s’en rende jamais compte.
Dick aurait culpabilisé, se serait rendu malheureux comme les pierres. Sans doute le ferait-il aujourd’hui encore, malgré le temps qui a passé. Et il cesserait de sauter dans le lit de Roy à l’occasion, ce qui serait un gâchis terrible.
La porte se referme, Roy s’enfouit dans les couvertures.
¤
Tim ouvre un œil et le referme aussitôt. Il tourne la tête dans l’oreiller pour étouffer un grognement plaintif. Un peu plus loin, Dick est à la recherche d’un vêtement. Il vient de sortir de la douche, serviette à la main pour se sécher les cheveux, une autre mal nouée à la taille. Tim a émergé au moment où elle a cessé le combat et Dick n’a pas éprouvé le besoin de la rattacher.
Pour ce que ça aurait changé.
Tim sait que Dick n’est pas faussement modeste : il est conscient d’être séduisant, d’avoir un visage plus qu’agréable à regarder, un corps parfaitement proportionné à défaut de parfait tout court : les cicatrices dessinent sur sa peau mate un labyrinthe de traits blancs, certains dont Tim connaît l’histoire, d’autres qui lui resteront toujours mystérieux (il se demande si cela ne fait pas partie de son attirance pour Dick, ce mystère, cela éveille chez lui un sentiment d’indignation : il déteste ne pas savoir, surtout ne pas savoir à propos de Dick dont il devrait tout connaître). Dick porte ses cicatrices comme un vêtement sexy, comme un atout de plus.
Mais il a cette conviction incompréhensible que son charme ne fonctionne que s’il le désire. Que s’il n’a pas l’intention de séduire, personne n’a de raison de le remarquer. Même s’il sort nu de la douche.
Cette conviction que dans son costume, les gens ne voient que son masque et pas le corps moulé de façon indécente (parce que l’air glisse mieux, parce que c’est plus facile pour les acrobaties, Tim en connaît bien les raisons). Peut-être a-t’il raison quelque part. Malgré les plaisanteries qu’aiment lancer Red Arrow et consorts, ce n’est pas pour le spectacle gratuit que 98% de la communauté des héros suit Nightwing sans broncher (et les mêmes Red Arrow et consorts seraient les premiers à défendre l’honneur de Dick au besoin, du moins les premiers après Tim).
Il sait que son béguin ne mènera à rien. Qu’il est certainement le résultat de son adoration conditionnée pour Dick et de ses hormones, que ça passera bien assez tôt. Tim ne pense pas pouvoir jamais considérer entièrement Dick comme un frère sans se sentir un peu incestueux, mais bientôt, il en est certain, il pourra grogner à haute voix contre son absence de pudeur plutôt que se cacher les yeux, se mordre la lèvre et espérer que Dick n’éprouve pas le besoin de lui sauter dessus pour le réveiller.
¤
Avec Connor, c’est différent.
La première fois qu’il parle de lui à Dick, Roy lance en riant: « Hé, ça y’est, moi aussi j’ai un petit frère ! ». C’est une phrase en l’air, une idée agréable mais sans fondement. Connor et lui n’ont qu’Ollie en commun, ce qui ne suffit vraiment pas. Ils sont trop âgés, trop différents de physique et de caractère pour jamais pouvoir se comparer à Tim et Dick. Encore que. Dick se fait quelques illusions quant à la pureté de sa relation avec son « petit frère ». Robin se croit peut-être discret derrière son masque mais Roy sait reconnaître les signes classiques d’une graysonite aiguë.
La relation de Connor et Tim le prend par surprise. Plutôt, les trouver nus dans le lit de Connor, têtes rapprochées, en train de murmurer le prend par surprise. Connor devient écarlate, Tim cache son visage dans l’oreiller, Roy s’entend lâcher un rire, il lève le pouce et referme la porte.
Ce qui le perturbe le plus, peut-être, c’est de découvrir que Connor n’est pas aussi asexuel qu’il le parait. Aussi, il s’inquiète de le voir s’accrocher à un Batboy. Ça ne donne jamais rien de bon.
Connor a hérité du charisme de son père, même s’il est par ailleurs bien différent. Il affiche une noblesse et une naïveté adorable qui n’appartiennent qu’à lui. Roy reconnaît tout cela, il n’est pas pour autant sûr que ça guérisse Tim de Dick (s’il est possible de guérir de Dick, bien sûr, et à ce sujet il ne peut jeter la pierre à personne).
« Ça se passe bien, entre Robin et toi ? » demande Roy deux semaines plus tard, un soir de patrouille où Mia baby-sitte Lian et où Ollie est occupé avec Dinah.
Connor a un léger sursaut compréhensible, Roy n’a encore jamais abordé le sujet.
« … ce n’est pas ce que tu crois, répond-t-il d’une voix embarrassée.
— Huh, huh.
—Vraiment !
— Fais attention à toi, ok ? »
Une alarme empêche toute réplique et pour Roy, la discussion est close. Pas pour Connor, apparemment. Il frappe à sa porte plus tard dans la nuit après leur retour, entre dans la chambre dès permission. Assis sur le lit, prêt à se coucher, Roy le regarde s’avancer, hésitant. Il a envie de le rassurer.
« Je ne mentais pas, dit Connor, les yeux baissés mais le ton animé d’une étrange véhémence. Avec Tim, ce n’est pas…
— Hé, tu fais ce que tu veux, t’es grand.
— Je sais, mais… c’est juste… physique ? Enfin, pas seulement… »
Ses joues s’empourprent et Roy a l’impression d’une lame en plein ventre lorsqu’il réalise qu’il a envie de l’embrasser. Que la tension dans ses bras, dans ses jambes est l’élan d’un désir brutal, inattendu et qui n’aurait pas dû l’être.
Physiquement, il tape en plein dans les préférences de Roy. Il n’y a qu’à regarder Jade et Dick : métis et corps de guerrier. Roy ne comprend pas pourquoi cela ne le frappe que maintenant. Peut-être leur lien avec Ollie l’a-t’il aveuglé, il ne voit pas d’autre explication.
Quant au reste… Connor est très différent de Jade et Dick. Pas complètement : ils partagent une même noblesse naturelle, un charisme et une passion qui éveille celle de Roy, mais tout comme Dick est une sorte d’antithèse de Jade, Connor est sa propre personne. Indépendant sans que ça en devienne pathologique. Honorable jusqu’à la moelle des os, affectueux et…
Oh, putain.
« Ce n’est que du réconfort… » continue Connor, les sourcils froncés et le regard ailleurs.
La respiration de Roy se bloque.
Si c’est de réconfort physique dont t’as besoin, t’as pas besoin d’aller jusqu’à Gotham, a-t-il envie de dire.
Ce qui est ridicule, parce que Roy passe plus de temps à New York qu’à Star City. Mais l’envie est là, l’envie de se lever, d’entrer dans l’espace de Connor, de voir ses yeux s’écarquiller, de l’embrasser au coin des lèvres.
« Hé, s’entend-t-il répondre. Je te l’ai dit : t’es grand ! »
Il retient : l’incertitude de Connor, son insistance à faire comprendre qu’il n’est pas engagé dans quelque chose de sérieux avec Tim. Surtout qu’il n’est pas engagé dans quelque chose de sérieux avec Tim.
Surprenant. Excitant. Il ne se l’imaginait pas capable d’une relation physique sans rien d’émotionnel. Inquiétant parce que Connor est peut-être plus attaché à Robin qu’il ne le croit.
Connor baisse les yeux de nouveau, a un sourire bref et sans entrain.
« Je… vais me coucher, murmure-t-il. Bonne nuit, Roy. »
Et Roy sait. Il sait qu’il peut se lever, le retenir. Il sent que s’il demande, s’il séduit, s’il convainc, Connor restera. Il imagine la peau mate sur ses draps bleu ciel et s’agrippe au bord du matelas.
Il le laisse partir.
¤
Avec Conner, c’est différent.
Tim le sent tout de suite. D’abord parce que le premier sentiment que Superboy a évoqué chez lui est un mélange d’irritation et de consternation. Ensuite, parce qu’il ne comprend pas comment c’est arrivé. Peut-être leurs disputes et leur rivalité chez Young Justice en étaient un indice. Tim ne sait pas à quel moment Conner est devenu son meilleur ami. Pas plus qu’il ne comprend pourquoi, un jour, le voir flirter avec Cassie lui a tellement compressé la poitrine qu’il est sorti dans le couloir pour tousser.
Ce qu’il sait, c’est que parfois lorsqu’ils sont ensemble, il a du mal à respirer. Aussi, que Conner est toujours entouré de filles. Et qu’il adore brandir la carte du meilleur ami, ce qui provoque chez Tim un mélange de bonheur et de désespoir.
Bon, d’accord, il est amoureux, ce n’est pas une raison pour se laisser pourrir la vie. Tim se sent étrangement vindicatif sur la question, il refuse de dépendre de ses sentiments pour Conner. Un instant, un instant il est tenté de demander à Dick. D’assouvir son attirance pour lui et d’apaiser ce qu’il ressent pour Conner avec une simple question : « Apprends-moi ? ». Il a tout un argumentaire. Logique et émotionnel : l’expérience de Dick, la confiance que Tim a en lui, j’aimerais que ce soit toi mon premier.
Ce qui l’arrête, c’est de penser à l’expression de Dick s’il le faisait. Il peut presque voir quelque chose de brillant s’éteindre dans son regard, une crispation à la commissure de ses lèvres. Peut-être Dick dirait-il oui, peut-être céderait-il et ce serait sûrement les meilleures heures que Tim n’aura jamais vécu, mais il n’est pas prêt à perdre l’affection spontanée, fraternelle que Dick nourrit pour lui, la main qui ébouriffe ses cheveux, les bras qui l’enlacent sans hésitation, les regards complices.
Dick ne cesserait pas de l’aimer, non, mais il cesserait de le lui montrer, cesserait d’être lui-même, établirait entre eux une distance physique dont ils souffriraient affreusement tous les deux.
C’est terrible à dire, mais Connor arrive à point. Tim et lui reconnaissent l’un chez l’autre la même faim, le même manque et il leur faut peu de temps pour se confier leur problème commun.
« Il est a priori foncièrement hétéro et je suis le meilleur ami asexué.
— Je suis le fils asexuel de son mauvais père adoptif. »
Connor est trop poli pour lui demander ce qu’il trouve chez Superboy (et au premier abord, Tim ne saurait que répondre, puis lui reviendrait le rire de Conner, sa loyauté, son optimisme, le pétillement dans ses yeux…) mais Tim ne peut s’empêcher de réclamer des explications quant à Roy.
« Il est fort, dit Connor simplement. Malgré ce qu’il a vécu, c’est un père merveilleux pour Lian, un ami sur qui compter. Il arrive à concilier ses passions, sa raison et ses principes. C’est rare. Il y a chez lui quelque chose qui me manque. »
Tim a du respect pour Roy, il en aurait encore plus s’il ouvrait les yeux et se rendait compte de la chance qu’il a. Connor est quelqu’un de merveilleux.
L’idée d’expérimenter ensemble vient de Tim, Connor est hésitant mais finit par céder et c’est une décision qu’aucun d’eux ne regrette. Ils trouvent l’un dans l’autre un réconfort sur lequel Tim n’osait compter, rapidement il n’y a plus rien entre eux qu’une familiarité de corps et d’émotion, une intimité tranquille, apaisante.
Tim se sent bien.
Peut-être que cela se ressent : Conner, soudain, réclame de le voir plus souvent, veut savoir ce qu’il fait, avec qui. Tim pourrait éprouver un plaisir pervers à entretenir le mystère, il n’a juste pas envie d’en parler. Ce qu’il se passe entre Connor et lui n’appartient qu’à eux.
Et puis Roy les débusque.
¤
Dick est incapable de rester immobile, même dans son sommeil. Il s’étale, vole les draps, touche et s’agrippe au corps près du sien. Roy sourit malgré lui, passe une main dans ses cheveux et attend qu’il se réveille. Cela ne met pas longtemps. Dick ne dort que très peu et n’aime traîner au lit que si les câlins sont sportifs.
Il entrouvre les yeux, esquisse un sourire.
« Rare que tu te réveilles avant moi.
— Pas vraiment dormi.
— Oh ? »
Dick s’étire, puis tourne vers lui un regard grave.
« Des soucis ? »
Roy lui pince un téton avec amusement, évite les représailles de justesse.
« Tout le monde n’a pas l’insomnie dramatique, mini-short. Je réfléchissais juste.
— Dieu nous préserve, répond Dick. À quoi ? »
Roy se réinstalle confortablement et lui caresse le ventre du bout du doigt, sans le lâcher des yeux, pensif.
« Roy ?
— Il y a quelqu’un, répond Roy doucement.
— Que tu as rencontré ? »
Dick parle à voix basse, les paupières mi-closes.
« Mmmh.
— Je connais ? »
Roy ne répond pas. Il s’écarte, se redresse dans le lit. D’un mouvement souple, Dick s’assoit face à lui, jambes croisées.
« C’est sérieux, dit-il.
— Je crois. J’ai envie de faire un effort, tu te rends compte ? »
Un nouveau silence, puis sa voix sort incrédule mais sincère.
« J’ai envie de lui faire la cour. »
Le sourire de Dick a quelque chose de particulier, un instant Roy a l’impression de voir le masque de Nightwing sur ses yeux, mais il éclate de rire, lui ébouriffe les cheveux et l’illusion disparaît.
« Awwww, Speedy est amoureux !
— La ferme ! »
Roy ne le voit pas prendre appui, pourtant Dick effectue une pirouette arrière et atterrit gracieusement les deux pieds par terre. C’est vexant, tout de même, quelle que soit l’intensité de leurs ébats, son corps ne parait souffrir d’aucune fatigue.
« Si j’ai bien compris, ça veut dire que je retourne me cacher dans ma tour ? Ça va faire désordre si je reste dans ton lit, Roméo. »
Dick a les yeux rieurs, il se baisse sans aucune pudeur pour ramasser ses vêtements et Roy est pris d’une flambée de désir, il se rapproche, lui caresse la hanche et la fesse.
« Rien ne t’empêche de finir la nuit ici, je peux commencer à être un type bien demain…
— Pourquoi remettre à demain ce que, blabla. De toute façon je serais rentré à l’appartement, j’ai des trucs à faire et ma présence est requise à Gotham la nuit prochaine.
— Encore ? Huh. Qu’est-ce que t’as encore fichu pour que Batman fasse plus semblant d’approuver ton indépendance ? »
Dick lui repousse la tête sans douceur puis s’habille rapidement. Roy le regarde ouvertement et lorsqu’il se retourne, hausse un sourcil. Dick s’agenouille devant lui, lui prend la tête entre les mains et l’embrasse sans prévenir ; agréablement surpris Roy commence à répondre au baiser mais Dick se redresse alors en s’appuyant sur lui sans ménagement. En deux bonds il est à la porte. De nouveau, sur ses lèvres, un sourire étrange, inhabituel qui met Roy mal à l’aise.
« Bonne chance », lui souffle Dick.
La porte se referme. Une seconde Roy veut se lever, la rouvrir, le rappeler.
Il le laisse partir.
¤
Lorsque Connor l’appelle pour lui donner rendez-vous à San Francisco un dimanche soir, Tim sait.
« Depuis que Roy est au courant, quand je suis avec toi j’ai l’impression de lui être infidèle. Ne ris pas.
— Je ne ris pas », répond Tim.
Il a la gorge serrée.
« Mais ce que je ressens lorsque je suis avec lui me donne l’impression de t’être infidèle à toi.
— Tu ne m’as jamais rien promis. Ce n’était pas dans notre accord.
— Ne relativise pas, Tim. Ne réduis pas ce que nous avons à une technicité. Cela ne le rendra pas moins douloureux. »
Tim se tait alors, lutte pour ne pas se cacher derrière le masque impassible de Robin. Connor mérite mieux.
« J’ai l’esprit embrouillé, lui dit ce dernier en lui caressant la joue, et toi aussi. Peut-être vaut-il mieux que nous cessions jusqu’à voir plus clair en nous. »
L’affection et la tristesse dans sa voix sont telles que Tim n’arrive pas à lui en vouloir. Ils s’enlacent, se promettent de se donner des nouvelles, puis rentrent chacun dans leur ville respective, chacun d’un côté des États-Unis.
Au manoir, Dick ne pose aucune question. Il regarde Tim, se tourne vers Bruce et annonce fermement qu’ils ne l’accompagneront pas ce soir, que Tim et lui vont passer 48h à New York. Bruce fronce les sourcils, désapprouve fortement du pli de la bouche, reproche beaucoup dans la tension du corps et rappelle d’un ton sévère qu’il y a le lycée. Dick n’y fait pas attention, il pose presque Tim sur sa moto, l’enfourche et ils sont partis. À l’appartement de Dick, ils commandent pizzas et cupcakes avant de reprendre leur visionnage de Doctor Who, abandonné des semaines plus tôt par manque de temps. Au bout d’un épisode, Dick s’est allongé sur le canapé et a entraîné Tim à sa suite, un bras autour de sa taille, un autre dans ses cheveux qu’il caresse doucement. Tim attend le moment où il sera forcé de s’écarter pour éviter une conversation désagréable. Mais les minutes s’écoulent, une heure s’écoule et l’étreinte n’apporte qu’affection et chaleur, bien-être et protection. Des larmes soudaines lui picotent les yeux, il cache le visage dans le cou de Dick.
Le cou de son grand frère.
¤
Roy a patiemment attendu qu’Ollie et Dinah s’en aillent avant d’aller frapper. Il croise les doigts pour que Mia n’ouvre pas et le sourire qui lui vient lorsque Connor apparait lui fait mal aux joues.
« Salut, toi.
— Roy ? prononce Connor, les yeux écarquillés. Tu n’es pas censé être à New York ? Où est Lian ?
— C’est moi, pas forcément, chez les West. Tu fais quelque chose ce soir avant la patrouille ? »
Connor se redresse, sourcils un peu froncés.
« … non ? »
Une inspiration.
« Viens dîner avec moi ? …végétarien, bien sûr. »
En toute franchise, Roy ne pense pas qu’il cessera jamais quelque part d’aimer Dick Grayson. Ils ont trop vécu de choses ensemble, ils se sont vus à leur pire comme à leur meilleur et Roy aura toujours ce regret qui lui pince le ventre quand il y pense.
Pourtant lorsque le regard de Connor s’illumine littéralement, qu’un sourire incertain lui soulève le coin des lèvres…
Ouais.
Ça ira.
¤
Ce week-end-là, Conner le rejoint sur le toit de la tour des Titans, s’assoit à ses côtés, épaule contre la sienne. Il garde le silence un temps tellement inhabituel que Tim se sent presque obligé de récompenser sa patience. Les mots sortent malgré lui, le surprennent et pourtant sonnent vrais.
« Me suis fait plaquer, marmonne-t-il dans le col de sa cape.
— Merde, Tim… » soupire Conner d’un ton désolé.
L’instant d’après il a passé un bras autour de lui, il l’attire contre lui sans se soucier de ses membres figés. Quelques secondes suffisent à Tim pour se détendre, appuyer la tête sur l’épaule de Conner et fermer les yeux.
¤
La nuit est froide, un vent glacial balaie insidieusement le sommet du Chrysler Building. Debout, Dick regarde les lumières de Manhattan, écoute les bruits de la ville qui ne dort jamais. Il écarte les bras, un frisson lui parcourt le corps, anticipation du plaisir à venir.
Quelque part en bas, un taxi klaxonne.
Un pas en avant… Il s’envole.
Et le vide l’enlace de tout son amour.
(fin)
L’amour comme un vertige, comme un sacrifice, et comme le dernier mot de tout.
Alain-Fournier.
[photographe inconnu]
Notes :
1) Alors c’était pas du tout censé prendre cette direction-là. Mais alors pas du tout.
2) D’ailleurs c’était pas censé être aussi long.
3) J’ai perdu Dick en cours de route. J’aimerais bien qu’il me dise comment ça se passe de son point de vue.
4) Il était censé y avoir du Bruce/Dick. Vraiment. C’était la dernière scène. Je sais pas où il a disparu @_@
5) J’ai perdu Tim en cours de route aussi. Un peu moins, ceci dit. Conner était là pour le retenir.
6) Wtf ?
3500 mots
Personnages/Couples : Hum. Hem. Ça tourne autour de Dick, Tim, Roy et Connor. Conner, Bruce et le Chrysler Building en figuration.
Genre : Wtfangst.
Censure : PG-13/T
Résumé : Roy comprend des choses et en laisse d’autres lui échapper, Tim est malheureux en amour mais il se soigne, Connor apprend la différence entre aimer et expérimenter, Kon veut savoir ce qu’il se passe, Bruce désapprouve en général. Et Dick ? Dick a le vertige.
Date : 4 janvier 2009 – 4 février 2009
Remarque : C’est pas la peine de chercher à situer ça dans la chronologie (DC connaît pas sa propre chrono, je vois pas pourquoi je m’y plierais :D). C’est après Infinite mais Kon n’est pas parti en vacances, Dick est à New York, Roy est Red Arrow depuis peu, Connor n’a jamais fait l’aller-retour.
La Arrow family rapidement pour ceux qui les connaissent pas très bien :
Ollie aka Oliver Queen aka Green Arrow : Un membre principal de la Justice League, humain, coureur de jupons. Amour de sa vie : Dinah Lance aka Black Canary
Roy Harper aka Speedy, puis Arsenal, puis Red Arrow : Recueilli par Green Arrow quand il était petit, l'un des meilleurs amis de Dick et l'un des premiers Teen Titans. A une fille, Lian, qu'il a eue avec une terroriste internationale, Jade NGuyen aka Cheschire.
Conner Hawke aka Green Arrow
Mia aka Speedy : La nouvelle recrue d'Ollie
Le dernier mot de tout
Il est quatre heures du matin quand le téléphone sonne. Roy grogne, enfouit la tête sous l’oreiller. Pendant que Dick décroche, il fait courir un orteil le long de son mollet. Dick ne se dérobe pas mais les mots qu’il murmure dans son portable sont assez éloquents. Il n’y aura pas de troisième round. Dick se redresse après avoir raccroché, se frotte le visage.
« Il faut que j’y aille », murmure-t-il comme si quelqu’un pouvait les entendre, et qui savait ?
Roy lui adresse un vague signe de la main, le regarde se lever à la lumière du lampadaire face à la fenêtre dont ils n’ont pas fermé les rideaux. Dick n’est pas grand-chose d’autre qu’une silhouette, parfaite silhouette et Roy, pas pour la première fois, se retrouve partagé entre un désir dévastateur et une jalousie odieuse. Parfois Dick semble trop parfait pour être vrai. Sculpté comme un dieu du vent, belle gueule, charismatique, droit.
Bourré d’insécurités, masochiste, bouffé par un complexe d’infériorité incompréhensible, débordant d’amour à donner et programmé à n’en recevoir que d’une seule personne. Qui le nourrit au compte-goutte.
Dick n’a que l’apparence de la perfection, Dieu merci. Savoir qu’il est tout aussi capable de tout foutre en l’air que le commun des mortels le rend désirable plutôt que Superman.
« Je sais pas quand je pourrai revenir. Dis au revoir à Lian pour moi. »
Roy grogne son assentiment. Gotham a appelé, Batman gardera Nightwing à ses côtés aussi longtemps qu’il le jugera nécessaire, aussi longtemps qu’il aura besoin de s’assurer que son emprise sur lui n’a pas faibli.
Dick reviendra, Roy n’en doute pas.
Dick revient toujours. La seule façon de survivre à ses départs, c’est d’accepter qu’il ne vous appartient pas et ne vous appartiendra jamais. Roy a appris sa leçon il y a longtemps maintenant et s’amuse de son jeune lui, morveux sûr de lui qui s’est fait briser le cœur sans que celui qui était alors Robin s’en rende jamais compte.
Dick aurait culpabilisé, se serait rendu malheureux comme les pierres. Sans doute le ferait-il aujourd’hui encore, malgré le temps qui a passé. Et il cesserait de sauter dans le lit de Roy à l’occasion, ce qui serait un gâchis terrible.
La porte se referme, Roy s’enfouit dans les couvertures.
¤
Tim ouvre un œil et le referme aussitôt. Il tourne la tête dans l’oreiller pour étouffer un grognement plaintif. Un peu plus loin, Dick est à la recherche d’un vêtement. Il vient de sortir de la douche, serviette à la main pour se sécher les cheveux, une autre mal nouée à la taille. Tim a émergé au moment où elle a cessé le combat et Dick n’a pas éprouvé le besoin de la rattacher.
Pour ce que ça aurait changé.
Tim sait que Dick n’est pas faussement modeste : il est conscient d’être séduisant, d’avoir un visage plus qu’agréable à regarder, un corps parfaitement proportionné à défaut de parfait tout court : les cicatrices dessinent sur sa peau mate un labyrinthe de traits blancs, certains dont Tim connaît l’histoire, d’autres qui lui resteront toujours mystérieux (il se demande si cela ne fait pas partie de son attirance pour Dick, ce mystère, cela éveille chez lui un sentiment d’indignation : il déteste ne pas savoir, surtout ne pas savoir à propos de Dick dont il devrait tout connaître). Dick porte ses cicatrices comme un vêtement sexy, comme un atout de plus.
Mais il a cette conviction incompréhensible que son charme ne fonctionne que s’il le désire. Que s’il n’a pas l’intention de séduire, personne n’a de raison de le remarquer. Même s’il sort nu de la douche.
Cette conviction que dans son costume, les gens ne voient que son masque et pas le corps moulé de façon indécente (parce que l’air glisse mieux, parce que c’est plus facile pour les acrobaties, Tim en connaît bien les raisons). Peut-être a-t’il raison quelque part. Malgré les plaisanteries qu’aiment lancer Red Arrow et consorts, ce n’est pas pour le spectacle gratuit que 98% de la communauté des héros suit Nightwing sans broncher (et les mêmes Red Arrow et consorts seraient les premiers à défendre l’honneur de Dick au besoin, du moins les premiers après Tim).
Il sait que son béguin ne mènera à rien. Qu’il est certainement le résultat de son adoration conditionnée pour Dick et de ses hormones, que ça passera bien assez tôt. Tim ne pense pas pouvoir jamais considérer entièrement Dick comme un frère sans se sentir un peu incestueux, mais bientôt, il en est certain, il pourra grogner à haute voix contre son absence de pudeur plutôt que se cacher les yeux, se mordre la lèvre et espérer que Dick n’éprouve pas le besoin de lui sauter dessus pour le réveiller.
¤
Avec Connor, c’est différent.
La première fois qu’il parle de lui à Dick, Roy lance en riant: « Hé, ça y’est, moi aussi j’ai un petit frère ! ». C’est une phrase en l’air, une idée agréable mais sans fondement. Connor et lui n’ont qu’Ollie en commun, ce qui ne suffit vraiment pas. Ils sont trop âgés, trop différents de physique et de caractère pour jamais pouvoir se comparer à Tim et Dick. Encore que. Dick se fait quelques illusions quant à la pureté de sa relation avec son « petit frère ». Robin se croit peut-être discret derrière son masque mais Roy sait reconnaître les signes classiques d’une graysonite aiguë.
La relation de Connor et Tim le prend par surprise. Plutôt, les trouver nus dans le lit de Connor, têtes rapprochées, en train de murmurer le prend par surprise. Connor devient écarlate, Tim cache son visage dans l’oreiller, Roy s’entend lâcher un rire, il lève le pouce et referme la porte.
Ce qui le perturbe le plus, peut-être, c’est de découvrir que Connor n’est pas aussi asexuel qu’il le parait. Aussi, il s’inquiète de le voir s’accrocher à un Batboy. Ça ne donne jamais rien de bon.
Connor a hérité du charisme de son père, même s’il est par ailleurs bien différent. Il affiche une noblesse et une naïveté adorable qui n’appartiennent qu’à lui. Roy reconnaît tout cela, il n’est pas pour autant sûr que ça guérisse Tim de Dick (s’il est possible de guérir de Dick, bien sûr, et à ce sujet il ne peut jeter la pierre à personne).
« Ça se passe bien, entre Robin et toi ? » demande Roy deux semaines plus tard, un soir de patrouille où Mia baby-sitte Lian et où Ollie est occupé avec Dinah.
Connor a un léger sursaut compréhensible, Roy n’a encore jamais abordé le sujet.
« … ce n’est pas ce que tu crois, répond-t-il d’une voix embarrassée.
— Huh, huh.
—Vraiment !
— Fais attention à toi, ok ? »
Une alarme empêche toute réplique et pour Roy, la discussion est close. Pas pour Connor, apparemment. Il frappe à sa porte plus tard dans la nuit après leur retour, entre dans la chambre dès permission. Assis sur le lit, prêt à se coucher, Roy le regarde s’avancer, hésitant. Il a envie de le rassurer.
« Je ne mentais pas, dit Connor, les yeux baissés mais le ton animé d’une étrange véhémence. Avec Tim, ce n’est pas…
— Hé, tu fais ce que tu veux, t’es grand.
— Je sais, mais… c’est juste… physique ? Enfin, pas seulement… »
Ses joues s’empourprent et Roy a l’impression d’une lame en plein ventre lorsqu’il réalise qu’il a envie de l’embrasser. Que la tension dans ses bras, dans ses jambes est l’élan d’un désir brutal, inattendu et qui n’aurait pas dû l’être.
Physiquement, il tape en plein dans les préférences de Roy. Il n’y a qu’à regarder Jade et Dick : métis et corps de guerrier. Roy ne comprend pas pourquoi cela ne le frappe que maintenant. Peut-être leur lien avec Ollie l’a-t’il aveuglé, il ne voit pas d’autre explication.
Quant au reste… Connor est très différent de Jade et Dick. Pas complètement : ils partagent une même noblesse naturelle, un charisme et une passion qui éveille celle de Roy, mais tout comme Dick est une sorte d’antithèse de Jade, Connor est sa propre personne. Indépendant sans que ça en devienne pathologique. Honorable jusqu’à la moelle des os, affectueux et…
Oh, putain.
« Ce n’est que du réconfort… » continue Connor, les sourcils froncés et le regard ailleurs.
La respiration de Roy se bloque.
Si c’est de réconfort physique dont t’as besoin, t’as pas besoin d’aller jusqu’à Gotham, a-t-il envie de dire.
Ce qui est ridicule, parce que Roy passe plus de temps à New York qu’à Star City. Mais l’envie est là, l’envie de se lever, d’entrer dans l’espace de Connor, de voir ses yeux s’écarquiller, de l’embrasser au coin des lèvres.
« Hé, s’entend-t-il répondre. Je te l’ai dit : t’es grand ! »
Il retient : l’incertitude de Connor, son insistance à faire comprendre qu’il n’est pas engagé dans quelque chose de sérieux avec Tim. Surtout qu’il n’est pas engagé dans quelque chose de sérieux avec Tim.
Surprenant. Excitant. Il ne se l’imaginait pas capable d’une relation physique sans rien d’émotionnel. Inquiétant parce que Connor est peut-être plus attaché à Robin qu’il ne le croit.
Connor baisse les yeux de nouveau, a un sourire bref et sans entrain.
« Je… vais me coucher, murmure-t-il. Bonne nuit, Roy. »
Et Roy sait. Il sait qu’il peut se lever, le retenir. Il sent que s’il demande, s’il séduit, s’il convainc, Connor restera. Il imagine la peau mate sur ses draps bleu ciel et s’agrippe au bord du matelas.
Il le laisse partir.
¤
Avec Conner, c’est différent.
Tim le sent tout de suite. D’abord parce que le premier sentiment que Superboy a évoqué chez lui est un mélange d’irritation et de consternation. Ensuite, parce qu’il ne comprend pas comment c’est arrivé. Peut-être leurs disputes et leur rivalité chez Young Justice en étaient un indice. Tim ne sait pas à quel moment Conner est devenu son meilleur ami. Pas plus qu’il ne comprend pourquoi, un jour, le voir flirter avec Cassie lui a tellement compressé la poitrine qu’il est sorti dans le couloir pour tousser.
Ce qu’il sait, c’est que parfois lorsqu’ils sont ensemble, il a du mal à respirer. Aussi, que Conner est toujours entouré de filles. Et qu’il adore brandir la carte du meilleur ami, ce qui provoque chez Tim un mélange de bonheur et de désespoir.
Bon, d’accord, il est amoureux, ce n’est pas une raison pour se laisser pourrir la vie. Tim se sent étrangement vindicatif sur la question, il refuse de dépendre de ses sentiments pour Conner. Un instant, un instant il est tenté de demander à Dick. D’assouvir son attirance pour lui et d’apaiser ce qu’il ressent pour Conner avec une simple question : « Apprends-moi ? ». Il a tout un argumentaire. Logique et émotionnel : l’expérience de Dick, la confiance que Tim a en lui, j’aimerais que ce soit toi mon premier.
Ce qui l’arrête, c’est de penser à l’expression de Dick s’il le faisait. Il peut presque voir quelque chose de brillant s’éteindre dans son regard, une crispation à la commissure de ses lèvres. Peut-être Dick dirait-il oui, peut-être céderait-il et ce serait sûrement les meilleures heures que Tim n’aura jamais vécu, mais il n’est pas prêt à perdre l’affection spontanée, fraternelle que Dick nourrit pour lui, la main qui ébouriffe ses cheveux, les bras qui l’enlacent sans hésitation, les regards complices.
Dick ne cesserait pas de l’aimer, non, mais il cesserait de le lui montrer, cesserait d’être lui-même, établirait entre eux une distance physique dont ils souffriraient affreusement tous les deux.
C’est terrible à dire, mais Connor arrive à point. Tim et lui reconnaissent l’un chez l’autre la même faim, le même manque et il leur faut peu de temps pour se confier leur problème commun.
« Il est a priori foncièrement hétéro et je suis le meilleur ami asexué.
— Je suis le fils asexuel de son mauvais père adoptif. »
Connor est trop poli pour lui demander ce qu’il trouve chez Superboy (et au premier abord, Tim ne saurait que répondre, puis lui reviendrait le rire de Conner, sa loyauté, son optimisme, le pétillement dans ses yeux…) mais Tim ne peut s’empêcher de réclamer des explications quant à Roy.
« Il est fort, dit Connor simplement. Malgré ce qu’il a vécu, c’est un père merveilleux pour Lian, un ami sur qui compter. Il arrive à concilier ses passions, sa raison et ses principes. C’est rare. Il y a chez lui quelque chose qui me manque. »
Tim a du respect pour Roy, il en aurait encore plus s’il ouvrait les yeux et se rendait compte de la chance qu’il a. Connor est quelqu’un de merveilleux.
L’idée d’expérimenter ensemble vient de Tim, Connor est hésitant mais finit par céder et c’est une décision qu’aucun d’eux ne regrette. Ils trouvent l’un dans l’autre un réconfort sur lequel Tim n’osait compter, rapidement il n’y a plus rien entre eux qu’une familiarité de corps et d’émotion, une intimité tranquille, apaisante.
Tim se sent bien.
Peut-être que cela se ressent : Conner, soudain, réclame de le voir plus souvent, veut savoir ce qu’il fait, avec qui. Tim pourrait éprouver un plaisir pervers à entretenir le mystère, il n’a juste pas envie d’en parler. Ce qu’il se passe entre Connor et lui n’appartient qu’à eux.
Et puis Roy les débusque.
¤
Dick est incapable de rester immobile, même dans son sommeil. Il s’étale, vole les draps, touche et s’agrippe au corps près du sien. Roy sourit malgré lui, passe une main dans ses cheveux et attend qu’il se réveille. Cela ne met pas longtemps. Dick ne dort que très peu et n’aime traîner au lit que si les câlins sont sportifs.
Il entrouvre les yeux, esquisse un sourire.
« Rare que tu te réveilles avant moi.
— Pas vraiment dormi.
— Oh ? »
Dick s’étire, puis tourne vers lui un regard grave.
« Des soucis ? »
Roy lui pince un téton avec amusement, évite les représailles de justesse.
« Tout le monde n’a pas l’insomnie dramatique, mini-short. Je réfléchissais juste.
— Dieu nous préserve, répond Dick. À quoi ? »
Roy se réinstalle confortablement et lui caresse le ventre du bout du doigt, sans le lâcher des yeux, pensif.
« Roy ?
— Il y a quelqu’un, répond Roy doucement.
— Que tu as rencontré ? »
Dick parle à voix basse, les paupières mi-closes.
« Mmmh.
— Je connais ? »
Roy ne répond pas. Il s’écarte, se redresse dans le lit. D’un mouvement souple, Dick s’assoit face à lui, jambes croisées.
« C’est sérieux, dit-il.
— Je crois. J’ai envie de faire un effort, tu te rends compte ? »
Un nouveau silence, puis sa voix sort incrédule mais sincère.
« J’ai envie de lui faire la cour. »
Le sourire de Dick a quelque chose de particulier, un instant Roy a l’impression de voir le masque de Nightwing sur ses yeux, mais il éclate de rire, lui ébouriffe les cheveux et l’illusion disparaît.
« Awwww, Speedy est amoureux !
— La ferme ! »
Roy ne le voit pas prendre appui, pourtant Dick effectue une pirouette arrière et atterrit gracieusement les deux pieds par terre. C’est vexant, tout de même, quelle que soit l’intensité de leurs ébats, son corps ne parait souffrir d’aucune fatigue.
« Si j’ai bien compris, ça veut dire que je retourne me cacher dans ma tour ? Ça va faire désordre si je reste dans ton lit, Roméo. »
Dick a les yeux rieurs, il se baisse sans aucune pudeur pour ramasser ses vêtements et Roy est pris d’une flambée de désir, il se rapproche, lui caresse la hanche et la fesse.
« Rien ne t’empêche de finir la nuit ici, je peux commencer à être un type bien demain…
— Pourquoi remettre à demain ce que, blabla. De toute façon je serais rentré à l’appartement, j’ai des trucs à faire et ma présence est requise à Gotham la nuit prochaine.
— Encore ? Huh. Qu’est-ce que t’as encore fichu pour que Batman fasse plus semblant d’approuver ton indépendance ? »
Dick lui repousse la tête sans douceur puis s’habille rapidement. Roy le regarde ouvertement et lorsqu’il se retourne, hausse un sourcil. Dick s’agenouille devant lui, lui prend la tête entre les mains et l’embrasse sans prévenir ; agréablement surpris Roy commence à répondre au baiser mais Dick se redresse alors en s’appuyant sur lui sans ménagement. En deux bonds il est à la porte. De nouveau, sur ses lèvres, un sourire étrange, inhabituel qui met Roy mal à l’aise.
« Bonne chance », lui souffle Dick.
La porte se referme. Une seconde Roy veut se lever, la rouvrir, le rappeler.
Il le laisse partir.
¤
Lorsque Connor l’appelle pour lui donner rendez-vous à San Francisco un dimanche soir, Tim sait.
« Depuis que Roy est au courant, quand je suis avec toi j’ai l’impression de lui être infidèle. Ne ris pas.
— Je ne ris pas », répond Tim.
Il a la gorge serrée.
« Mais ce que je ressens lorsque je suis avec lui me donne l’impression de t’être infidèle à toi.
— Tu ne m’as jamais rien promis. Ce n’était pas dans notre accord.
— Ne relativise pas, Tim. Ne réduis pas ce que nous avons à une technicité. Cela ne le rendra pas moins douloureux. »
Tim se tait alors, lutte pour ne pas se cacher derrière le masque impassible de Robin. Connor mérite mieux.
« J’ai l’esprit embrouillé, lui dit ce dernier en lui caressant la joue, et toi aussi. Peut-être vaut-il mieux que nous cessions jusqu’à voir plus clair en nous. »
L’affection et la tristesse dans sa voix sont telles que Tim n’arrive pas à lui en vouloir. Ils s’enlacent, se promettent de se donner des nouvelles, puis rentrent chacun dans leur ville respective, chacun d’un côté des États-Unis.
Au manoir, Dick ne pose aucune question. Il regarde Tim, se tourne vers Bruce et annonce fermement qu’ils ne l’accompagneront pas ce soir, que Tim et lui vont passer 48h à New York. Bruce fronce les sourcils, désapprouve fortement du pli de la bouche, reproche beaucoup dans la tension du corps et rappelle d’un ton sévère qu’il y a le lycée. Dick n’y fait pas attention, il pose presque Tim sur sa moto, l’enfourche et ils sont partis. À l’appartement de Dick, ils commandent pizzas et cupcakes avant de reprendre leur visionnage de Doctor Who, abandonné des semaines plus tôt par manque de temps. Au bout d’un épisode, Dick s’est allongé sur le canapé et a entraîné Tim à sa suite, un bras autour de sa taille, un autre dans ses cheveux qu’il caresse doucement. Tim attend le moment où il sera forcé de s’écarter pour éviter une conversation désagréable. Mais les minutes s’écoulent, une heure s’écoule et l’étreinte n’apporte qu’affection et chaleur, bien-être et protection. Des larmes soudaines lui picotent les yeux, il cache le visage dans le cou de Dick.
Le cou de son grand frère.
¤
Roy a patiemment attendu qu’Ollie et Dinah s’en aillent avant d’aller frapper. Il croise les doigts pour que Mia n’ouvre pas et le sourire qui lui vient lorsque Connor apparait lui fait mal aux joues.
« Salut, toi.
— Roy ? prononce Connor, les yeux écarquillés. Tu n’es pas censé être à New York ? Où est Lian ?
— C’est moi, pas forcément, chez les West. Tu fais quelque chose ce soir avant la patrouille ? »
Connor se redresse, sourcils un peu froncés.
« … non ? »
Une inspiration.
« Viens dîner avec moi ? …végétarien, bien sûr. »
En toute franchise, Roy ne pense pas qu’il cessera jamais quelque part d’aimer Dick Grayson. Ils ont trop vécu de choses ensemble, ils se sont vus à leur pire comme à leur meilleur et Roy aura toujours ce regret qui lui pince le ventre quand il y pense.
Pourtant lorsque le regard de Connor s’illumine littéralement, qu’un sourire incertain lui soulève le coin des lèvres…
Ouais.
Ça ira.
¤
Ce week-end-là, Conner le rejoint sur le toit de la tour des Titans, s’assoit à ses côtés, épaule contre la sienne. Il garde le silence un temps tellement inhabituel que Tim se sent presque obligé de récompenser sa patience. Les mots sortent malgré lui, le surprennent et pourtant sonnent vrais.
« Me suis fait plaquer, marmonne-t-il dans le col de sa cape.
— Merde, Tim… » soupire Conner d’un ton désolé.
L’instant d’après il a passé un bras autour de lui, il l’attire contre lui sans se soucier de ses membres figés. Quelques secondes suffisent à Tim pour se détendre, appuyer la tête sur l’épaule de Conner et fermer les yeux.
¤
La nuit est froide, un vent glacial balaie insidieusement le sommet du Chrysler Building. Debout, Dick regarde les lumières de Manhattan, écoute les bruits de la ville qui ne dort jamais. Il écarte les bras, un frisson lui parcourt le corps, anticipation du plaisir à venir.
Quelque part en bas, un taxi klaxonne.
Un pas en avant… Il s’envole.
Et le vide l’enlace de tout son amour.
(fin)
L’amour comme un vertige, comme un sacrifice, et comme le dernier mot de tout.
Alain-Fournier.

[photographe inconnu]
Notes :
1) Alors c’était pas du tout censé prendre cette direction-là. Mais alors pas du tout.
2) D’ailleurs c’était pas censé être aussi long.
3) J’ai perdu Dick en cours de route. J’aimerais bien qu’il me dise comment ça se passe de son point de vue.
4) Il était censé y avoir du Bruce/Dick. Vraiment. C’était la dernière scène. Je sais pas où il a disparu @_@
5) J’ai perdu Tim en cours de route aussi. Un peu moins, ceci dit. Conner était là pour le retenir.
6) Wtf ?
3500 mots