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Paradoxe
Requête de :
akamia7888
Genre : fanservice
Censure : K+
Spoilers : DW saison 3, TW saison 1
Date : mercredi 15 août 2007
Chronologie de l'OT3verse
La poigne sur ses bras lui coupait presque la circulation du sang, Ianto se débattit, brutal, désespéré, mais son geôlier y fit à peine attention. Une porte ovale s’ouvrit devant eux pour dévoiler une pièce aux murs courbes et blancs, presque à en former une boule ; Ianto fut brutalement poussé à l’intérieur. Les mains en avant, il prit à peine le temps de se remettre de sa chute sur le sol curieusement tiède ; il se retourna, se jeta contre la porte, un pur réflexe. Il aurait voulu taper des poings contre elle, hurler qu’on le relâche mais cela ne servirait à rien, rien du tout, cela n’aiderait pas Jack et ne lui dirait pas où était le Docteur…
« Hé là, hé là, doucement avec mon Tournevis ! Non non non, pas ce bouton ! Pas ce bouton ! Ah bah voilà, c’est malin ça ! »
Terreur et soulagement au creux du ventre, Ianto tenta de l’appeler une première fois sans succès, sa voix se bloquait dans sa gorge. Il inspira pour calmer ses tremblements.
« Docteur ! Docteur ! réussit-il enfin à crier.
– Ianto Jones ! entendit-il dire d’une voix joyeuse complètement décalée. Vous êtes là ! Cela tombe bien, je vous cherchais !
– Docteur ! Jack est…
– Mon Tournevis ! Bande de brutes ! »
La porte se rouvrit d’un coup, Ianto recula vite et manqua tomber en arrière lorsque le Docteur fut projeté dans ses bras, se raccrochant à son sweat-shirt. L’embuscade avait surpris Jack et Ianto le soir, lorsqu’il avait déjà quitté son costume trois pièces pour une paire de jeans et des tennis, il en était presque reconnaissant au vu de la traversée des marécages qui avait suivi.
« Docteur, est-ce que ça va ? »
Leur espoir que le Docteur avait eu le temps de se rendre compte de leur situation et de se mettre en sécurité dans le Tardis venait de s’effondrer, mais malgré tout Ianto se sentait déjà mieux.
« Impeccablement, je n’en dirais pas autant de mon pauvre Tournevis. Ils l’ont complètement démonté. Dès que nous sortons d’ici, il va falloir que j’aille en racheter. Un sonique, bien sûr, n’écoutez pas les gens qui prétendent que les lasers sont meilleurs, autant dire que les Judoon sont imagina...
– Votre sens des priorités, Docteur ! le réprimanda Ianto. Jack…
– Où est-il celui-là ? »
Ianto grimaça.
« Au fond de l’eau.
– Je vous demande pardon ?
– Ils l’ont attaché à une sorte d’enclume et jeté à la mer, développa Ianto d’un ton morne.
– Diable. Voilà qui est rudement efficace. »
Il prit l’air songeur, intrigué, pas assez inquiet au goût de Ianto qui ne pouvait s’empêcher d’imaginer Jack en train de se noyer à répétition, ou dévoré par divers coquillages carnivores.
« Qu’allons-nous faire ? demanda-t-il.
– Nous mettre à l’aise, répondit le Docteur. Je n’ai plus mon Tournevis et notre joker risque de mettre un peu de temps avant de venir nous délivrer. »
Il s’assit confortablement par terre, avec un froncement de sourcil lorsqu’il réalisa que les murs courbes l’empêchaient de s’y appuyer.
« Curieuse construction…
– Docteur ! » s’exaspéra Ianto.
Le Docteur lui sourit, de ce petit air indulgent qui lui avait mis à dos la moitié des monarques britanniques, français et probablement espagnols.
« Ianto Jones. Installez-vous et cessez de vous tourmenter comme cela. »
Il lui prit la main, le tira pour qu’il s’assoie à ses côtés.
« Ayez un peu plus confiance en le Capitaine, voulez-vous ?
– Ce n’est pas une question de confiance ! Comment voulez-vous qu’il se sorte de là ?
– Il séduira une sirène, un poisson, que sais-je ?
– …il y a des sirènes ?
– L’équivalent, du moins. Mais dites-moi, qu’a-t-il fait pour mériter une telle punition ?
– Il a été lui-même, soupira Ianto. Il a voulu… disons, se mettre dans les bonnes grâces de nos gardes. Et il semble qu’il s’agisse d’une société particulièrement pudibonde. Ou bien il a brisé un tabou, je n’ai pas bien suivi. »
Il y avait eu tellement de bruit sur la barge, et Ianto avait été repoussé loin de Jack, il n’avait eu que la possibilité de hurler son nom avec terreur.
« Il n’a jamais su juger du moment opportun… »
Ianto acquiesça en silence et après un moment, sentit un pouce lui caresser doucement le dos de la main.
« Il va s’en sortir, croyez-moi. »
Ianto esquissa un pauvre sourire. Il aurait aimé en être aussi certain, mais il lui semblait qu’il était plus dans leurs possibilités de sauver Jack que le contraire, et le manque de motivation du Docteur le rendait nerveux. Il aurait préféré un plan d’action, aussi fou soit-il, plutôt que de rester à attendre.
Le pouce du Docteur s’immobilisa.
« Ça recommence », dit-il, sourcils froncés.
Il bondit sur ses pieds. Ianto se leva à son tour.
« Recommence ?
– Des perturbations dans l’espace-temps. Rien de constant, elles surgissent de temps en temps, plus ou moins longtemps, parfois juste un éclair puis plus rien, parfois plus long. Cela fait quelques temps que je les ressens et je n’arrive pas à savoir... »
Il s’interrompit, regarda autour de lui, sérieux comme il le laissait peu voir. Un frisson parcourut l’échine de Ianto.
« Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il tout bas.
– C’est ce que je n’arrive pas à savoir, mais quelque chose réagit au Vortex. Que dis-je, quelque chose se connecte au Vortex !
– Jack ?
– Non, c’est mobile, pas statique. Je serais tenté de parler d’un Tardis, mais si c’est le cas il est extrêmement instable, dangereusement même, et surtout croyez-moi, vous ne voulez pas penser aux conséquences de l’existence d’un autre Tardis que le mien… »
Le Docteur était nerveux, réalisa Ianto avec une pointe de panique, il avait les muscles tendus, le regard inexpressif.
« Ça se rapproche.
– Il faut qu’on sorte d’ici, réussit à dire Ianto.
– Erratique… complètement erratique… Comme si… Non… Impossible… Pourtant… ça vient d’ici, c’est là, tout proche… Comme si… »
Et le Docteur se retourna, yeux écarquillés, la stupéfaction inscrite sur le visage.
« Non », souffla-t-il.
Son expression fit reculer Ianto d’un pas, un seul petit pas, Ianto ! Ne bougez pas ! hurla le Docteur – Oh, pensa Ianto parce qu’il ne l’avait pas appelé par son nom entier, alors cela devait être grave, mais trop tard, il se retrouva au milieu d’un couloir.
« Docteur ? » appela-t-il, incertain.
Il n’y eut pas de réponse, bien entendu, il disparaissait toujours seul. Cela faisait la quatrième fois, maintenant (contrairement aux deux autres, Ianto ne comptait pas celle où, après avoir découvert par hasard la Bibliothèque Perdue du Tardis, il s’y était isolé cinq jours pour la ranger et l’archiver).
« Mais cela n’a pas de sens, murmura Ianto. Je n’étais pas dans le Tardis. »
D’un autre côté, le champ d’action du vaisseau s’étendait loin puisqu’il avait été capable de comprendre le discours de leurs ravisseurs. Mais si le Tardis avait la capacité de délivrer, pourquoi Ianto seulement ? Non, c’était ridicule et il ne trouverait pas l’explication tout seul. Le Docteur saurait, lui.
En attendant, Ianto était dehors, libre ; il suffisait qu’il sache où il se trouvait (et quand, pensa-t-il avec un peu d’inquiétude) et il pourrait sauver les autres. Ou au moins essayer de retrouver Jack, et avec lui sauver le Docteur.
Plein de résolution malgré l’angoisse qui lui nouait le ventre, il s’élança dans le couloir (à gauche, lui confiait son instinct et le Docteur avait insisté sur le fait qu’il devait toujours l’écouter).
La structure autour de lui semblait de métal et résonnait sous ses pas, il n’y avait pas de fenêtre, rien pour donner d’indication. Mais il avait l’étrange certitude d’être au bon endroit, et il devait avoir raison car dans les secondes qui suivirent, la porte coulissante vers laquelle il se dirigeait s’ouvrit avec un wiiiiiiz caractéristique et Jack, en uniforme noir et bleu, apparut dans l’encadrement.
Stupéfait, Ianto s’immobilisa alors que Jack, à peine troublé, se précipita vers lui, l’attrapa, le tira contre lui, et plaqua quelque chose de froid contre sa tempe à l’instant où quatre autres personnes, tous dans le même uniforme noir et bleu, surgissaient à leur tour.
« On ne bouge plus ! lança Jack. Ou je le zappe !
– Jack… commença Ianto, sourcils froncés.
– Ce n’est pas l’un des nôtres, répondit sèchement l’un des nouveaux venus, humain à première vue.
– Comment ça ? Il est sur votre vaisseau !
– Vous aussi, et vous n’êtes pas du Clan ! »
Un petit coup de langue vif sur sa joue, Ianto sursauta, prêt à protester, mais Jack avait déjà enchaîné :
« Effectivement, il a un goût tout à fait humain. Le XVTRSRTS est une vraie passoire, dites-moi !
– Plus pour longtemps, gronda l’homme qui ne devait pas en être un. Rendez-vous, Capitaine, vous êtes coincé !
– On parie ? »
Ianto imaginait très bien le sourire de Jack à cet instant, arrogant, charmeur.
« Accrochez-vous bien à moi », souffla-t-il à son oreille.
Ianto s’accrocha, Jack appuya sur un bouton de son manipulateur. Le sol se déroba sous leurs pieds, la lumière explosa, et lorsque les pieds de Ianto atterrirent, l’effet haut-le-cœur/tête qui tourne combiné lui aurait fait perdre l’équilibre si les bras de Jack, solides, stables, rassurants, ne l’avaient pas maintenu en place.
« Le Docteur a raison, hoqueta tout de même Ianto. Vous n’êtes qu’un amateur. »
Dans la seconde, il était plaqué contre une surface dure, ses poignets enferrés dans les doigts de Jack, une jambe de ce dernier entre les siennes. Large sourire aux lèvres, ses yeux bleus pétillants de séduction, le Capitaine rapprocha le visage de celui de Ianto, presque à l’embrasser.
« Si j’avais su que je rencontrerai un aussi joli passager clandestin, j’aurais moins protesté à prendre cette mission, badina-t-il
– Vous croyez vraiment que c’est le moment ? grommela Ianto, toujours un peu nauséeux.
– Il n’y a pas de moment pour faire connaissance…
– Ah ça oui, avec vous c’est toujours le bon ! Même quand ça risque de vous faire tuer et de nous mettre dans des situations impossibles ! »
Jack ne desserrait pas les doigts de ses poignets. Ianto commença à se demander à quel point il s'agissait d'une position compromettante comme une autre, à quel point c’était en fait une façon de le restreindre, au cas où. Connaissant Jack, les deux. Il n'avait jamais eu de difficultés à mélanger travail et plaisir.
« Je ne sais pas pour qui vous me prenez, répondit Jack sans perdre son sourire de jeune premier (et maintenant que Ianto y pensait, il avait effectivement l’air plus jeune), mais je crains ne pas avoir encore eu le plaisir de vous rencontrer, je m’en souviendrais. Je suis prêt à y remédier immédiatement, néanmoins. »
Ianto s’attendit à le voir croiser le bras, mais ç’aurait impliqué de le lâcher et Jack n’en avait clairement pas l’intention.
« Je suis le capitaine Solo, dit-il, charmeur. Capitaine Han Solo, tout à votre service. »
Oh, pour l’amour du ciel, pensa Ianto.
À cet instant seulement, désormais incapable de nier ce que sa télé-empathie lui affirmait depuis qu’il avait croisé le regard de l’autre homme, le cerveau de Ianto additionna tous les éléments et accepta la réponse obtenue.
L’homme en face de lui n’était pas Jack parce qu’il n’était pas encore Jack. Ianto, la tête pleine de leçons sévères sur les paradoxes temporels, ferma les yeux pour accueillir tranquillement sa crise de panique.
Le Docteur va me tuer.
¤¤¤
Le Capitaine Jack Harkness termina d’essorer son tee-shirt, se tourna vers la sympathique créature qui l’avait délivré et lui envoya un baiser de la main.
Elle bleuit un peu, agita une timide tentacule pleine de ventouses roses et violettes, puis replongea dans l’océan.
Jack retroussa mentalement ses manches, le regard sombre. Désormais, il était un homme avec une mission.
Il allait délivrer Ianto et retrouver le Docteur.
Et paix à l’âme de ceux qui voudraient l’en empêcher.
¤¤¤
« Ça ne va pas ?
– Vous ne vous souvenez pas de moi », réalisa soudain Ianto.
Le Capitaine fronça les sourcils, prit l’air contrit.
« … s’il s’agit de la soirée du mois dernier sur Tûvophantassmréahleezé…
– Non ! s’impatienta Ianto. Je ne parle pas de vous. »
Agent du temps entraîné, le Capitaine comprit immédiatement et s’écarta. Son sourire, bien que toujours aussi charmeur, s’était un peu crispé, son regard assombri. Il avait soudain l’air d’un homme dangereux.
« Nous allons nous rencontrer », dit-il d’un ton neutre.
Ianto acquiesça. Ils allaient se rencontrer, et Jack ne se souvenait pas de lui. Ou bien il lui avait menti, ce qui n’aurait rien d’étonnant. Ou bien encore, Ianto se trouvait dans la période effacée de la mémoire de Jack, ce qui ouvrait de tout autres possibilités. Étaient-ils en train de créer un paradoxe ? Était-ce la raison pour laquelle Jack allait perdre la mémoire ? Sa rencontre avec Ianto était-elle seulement arrivée dans le passé de son Jack ? Allait-elle modifier les choses ?
Et Jack, désormais un point figé dans le temps, pouvait-il seulement être influencé par cette rencontre avec Ianto ?
« Je sais que vous êtes un Agent du Temps, dit Ianto. Qu’est-ce qu’on peut faire pour limiter les dégâts ?
– Quand nous nous sommes rencontrés, je vous ai dit quelque chose ?
– Non, rien, comme si vous ne me connaissiez pas…
– Comportement logique dans cette situation. Mais il se peut que nous soyons en plein paradoxe. Quoiqu’il en soit, ne me dîtes rien. »
Le Capitaine croisa les bras, l’air contrarié et pensif. Ianto commençait à retrouver son calme. La situation, décida-t-il, avait tourné à son avantage. Il avait Jack, ou ce qui s’en rapprochait le plus, et son manipulateur d’espace-temps.
D’un autre côté, le Capitaine n’était pas encore Jack. Ses réactions, ses motivations, pouvaient s’avérer différentes des attentes de Ianto. Encore que jusque-là, il n’y avait pas eu de vastes différences entre eux…
« Je suppose qu’il vaut mieux vous laisser entre les mains d’un autre agent, prononça lentement le Capitaine.
– … je ne préférerais pas, si cela ne vous fait rien… »
Le Capitaine le dévisagea avec attention. Ianto soutint son regard. Si l’Agence du Temps mettait la main sur lui, un simple examen mettrait à jour son origine, et il risquait de se retrouver sans aucun souvenir à Cardiff au 21ème siècle. Il ne pouvait pas perdre Jack et le Docteur. Sans eux, il n’était rien.
« Que cela me fasse quelque chose ou pas, il s’agit du protocole dans cette situation.
– Vous n’êtes pas quelqu’un de très protocolaire.
– Tiens donc. »
Le Capitaine s’assit dans le siège du pilote, le tourna vers Ianto. Ce dernier se rapprocha de quelques pas.
« Et vous, mon mystérieux passager, êtes-vous du genre à respecter le protocole ?
– Je crains que oui, capitaine, répondit Ianto. Vous dîtes souvent que j’ai besoin de me détendre. »
Le sourire du Capitaine s’élargit, mais sa voix restait sérieuse :
« Je ne suis pas certain que vous réalisiez le risque que vous voulez me faire prendre.
– J’aimerais pouvoir vous expliquer. Je dois retourner à vos côtés.
– Vous voulez vous servir de moi pour retourner auprès de moi. Et je suis censé vous croire. Votre présence sur le XVTRSRTS ne plaide pas en votre faveur, vous savez ?
– Je vous cherchais », dit Ianto, et il réalisa que c’était le cas.
Il voulait Jack auprès de lui lorsqu’il avait fait le saut dans le temps. Et il l’avait trouvé. Pas le bon, certes, mais il l’avait trouvé, et Ianto ne croyait pas aux coïncidences de ce genre. Il fallait vraiment qu’il en parle au Docteur.
« Facile à dire, commenta le Capitaine. Je ne vous connais pas, moi.
– Mais moi oui.
– Prouvez-le.
– Je ne peux pas. Vous n’êtes pas mon Capitaine, vous avez changé. Pendant tout le temps où je vous ai connu, vous avez changé. Tout ce que je pourrais vous dire ne prouverait rien, et tout ce que je ne peux pas vous dire ne vaudrait pas grand-chose non plus, je pourrais vous mentir. La seule information que je peux vous communiquer, c’est que vous choisissez mieux vos pseudonymes. »
Le Capitaine fit la moue.
« Sincèrement, Han Solo ?
– Il n’y a pas beaucoup de monde qui comprend la référence, se défendit-il. Il y a peut-être quelque chose que vous pouvez me dire… »
Il haussa les sourcils.
« Ma position préférée ?
– Vous êtes incapable de vous décider ! » répondit Ianto avec une pointe d’exaspération.
Le Capitaine éclata de rire.
« Vous m’avez convaincu ! Asseyez-vous à côtés et dîtes-moi où nous allons.
– … c’est tout ? Cette seule question et vous décidez que je suis digne de confiance ?
– Vous protestez toujours, quand on vous facilite les choses ?
– Vous prétendez que c’est typiquement gallois.
– Mmmh, je me demandais d’où provenait ce délicieux accent…
– Capitaine », fit sévèrement Ianto.
Il s’assit néanmoins sur le siège du co-pilote, le cœur battant de soulagement.
« Si je vous ai gardé à mes côtés assez longtemps pour que vous sachiez cela, expliqua le Capitaine d’un ton étrangement sérieux, cela signifie que j’ai besoin de vous. »
Ianto se tendit, sa gorge se serra.
« Et si vous m’avez supporté tout ce temps sans vous lasser, ce serait stupide de vous perdre par accident.
– Vous n’êtes pas quelqu’un dont on se lasse, et vous le savez très bien, murmura Ianto.
– Non, n’est-ce pas ? fit le Capitaine d’un ton plus joyeux. Alors, ces coordonnées ? Vous savez au moins où vous allez, j’espère ?
– Toujours, monsieur.
– Quelque chose me dit que c’est le cas. »
Ils se sourirent.
¤¤¤
« Oups », fit Jack lorsque le Garaugoriye s’effondra un peu trop vite.
Sans soins urgents, celui-ci mourrait, et lui qui avait tellement fait attention à ne tuer personne ! Le Docteur était tellement réprobateur, après. D’un autre côté, Jack n’avait pas eu l’intention de le tuer, alors… Il haussa les épaules et continua dans le couloir, appelant Ianto et le Docteur sans se soucier d’attirer plus de gardes. Il était à peu près certain de les avoir tous eus.
« Jack ? » entendit-il enfin de derrière une porte.
Ah !
Après, il n’y eut plus qu’à se connecter avec son manipulateur au réseau électrique de la porte. Elle s’ouvrit sans difficulté, le Docteur bondit sur lui, l’air passablement hystérique.
« Jack ! Ianto !
– Il n’est pas avec vous ? paniqua Jack alors que le Docteur commençait déjà à s’éloigner d’un pas rapide.
– Mais non, bougre d’abruti ! Dire que c’était sous mon nez tout ce temps et je n’avais rien vu, rien compris, rien déduit ! Suivez-moi ! Il nous faut rejoindre le Tardis immédiatement !
– Mais Ianto…
– Laissez-moi parler ! C’était évident, vous comprenez, tellement évident que je ne l’ai pas vu, il n’y avait pas d’autre solution. Les nanogènes, vous vous souvenez ? Ils ont réparé Ianto Jones sans prendre ni de vous, ni de moi et – ne croyez pas que je n’ai pas vu que vous avez presque tué ce pauvre Garaugoriye, combien de vagues dans le temps croyez que cela ait fait, hein ? – vous avez dit qu’il n’y avait que nous dans la pièce… et vous aviez raison, sauf que dans ce nous, vous n’aviez pas inclus – et moi non plus, à ma grande honte – le Tardis !
– Le Tardis ? répéta le Jack. Vous voulez dire que…
– Exactement ! Le Tardis est intervenu dans le travail des nanogènes et s’est inscrit dans le code génétique de Ianto Jones !
– Ianto est un Tardis.
– Oui, non, pas tout à fait, je ne pense pas, quoiqu’il faut que je l’examine pour déterminer à quel point il a été modifié, mais une chose est certaine, il a intégré la capacité du Tardis à se connecter au Vortex et pour cela son corps a forcément été renforcé d’une façon ou d’une autre, ou il ne le supporterait pas et il nous a déjà prouvé qu’il était capable de traverser une dizaine de siècles et des millions de kilomètres en sortant de la cuisine.
– Ce n’est pas possible, déclara Jack comme on se raccroche aux branches. Il est tombé malade.
– Le Tardis n’est pas invincible. Il peut tomber malade, en panne si vous préférez. Néanmoins, nous sommes d’accord pour dire que Ianto Jones n’était pas victime d’un rhume commun, mais d’un épuisement généralisé que nous avons attribués, pas complètement à tord je pense, à un manque de repos. Manque de repos qui serait d’autant plus grave si durant tout ce temps, son corps – que dis-je, la fondation même de tout son être ! avait été victime d’un changement radical progressif. Vu l’étendue du travail, les nanogènes ont du travailler sur lui pendant beaucoup plus longtemps que nous ne l’avons imaginé, et c’est la raison pour laquelle je n’ai pas senti de changement chez Ianto Jones lorsque je l’ai examiné : ils n’en étaient qu’au premier stade de sa « guérison » ! Le reste a dû se faire petit à petit dans les deux mois qui ont suivi. Rappelez-vous : la première disparition de Ianto Jones, son premier voyage, s’est déroulé peu de temps après son rétablissement.
– Ianto est un Tardis », conclut Jack d’une voix faible.
Le Docteur s’arrêta brutalement et le Capitaine faillit lui rentrer dedans.
« Oui, n’est-ce pas ? pensa-t-il tout haut d’un ton surpris. Je suppose qu’on ne peut pas dire autre chose, en réalité. Ianto Jones est un Tardis. Mmh. Remarquez, il a toujours eu le don de se fondre dans le décor. Oh, arrêtez de faire cette tête, Jack ! Vous êtes un point fixe dans le temps, vous êtes plus étrange et bizarre et impossible que ne pourra jamais l’être notre Ianto Jones. Quoiqu’il s’en approche plus que tout ce que j’ai jamais vu … Un humain changé en Tardis !
– Bilis Manger, souffla Jack.
– Pardon ?
– Bilis Manger. Je vous en ai parlé. Cet homme qui avait invoqué Abaddon. Il pouvait voyager dans le temps et l’espace.
– J’aimerais le rencontrer, fit le Docteur, songeur. Ce serait intéressant de le comparer avec Ianto Jones.
– Personnellement j’aimerais lui tordre le cou, et il est hors de question qu’il s’approche de Ianto. Et où est Ianto ?
– Bonne question, et c’est la raison pour laquelle nous avons besoin du Tardis. Il a disparu de la cellule où nous étions enfermés, il pourrait être n’importe où. Il ne maîtrise pas son pouvoir, il n’est même pas conscient du changement en lui. Mais grâce au Tardis nous pourrons le pister comme nous l’avons déjà fait, en espérant que notre retard ne sera pas trop handicapant… Ce qui me fait penser, Jack… Alors, comment vous êtes-vous sorti du fond de votre océan ? »
¤¤¤
« Je vais devoir vous télétransporter dans la clairière, dit le Capitaine. Il n’y a pas de place pour mon vaisseau.
– De toute façon, vous ne devez pas vous poser, dit Ianto qui surveillait le Tardis par la vitre. Ce serait trop dangereux, vous pourriez vous croiser. »
Il y eut un silence, puis le Capitaine reprit :
« Vous allez vraiment entrer là-dedans ?
– Ne posez pas de questions, Capitaine.
– Je sais, je sais, vous ne m’apprendrez pas mon travail. …Alors… c’est ici que nous nous disons au revoir.
– Pas pour longtemps, sourit Ianto.
– Peut-être pour vous, mais pour moi ça va faire… Hum, qu’est-ce que j’en sais, après tout, je vous rencontre peut-être dans l’heure. »
Ianto ne dit rien, le Capitaine soupira puis se leva.
« Allez, hop, dans le télétransporteur. Placez-vous là. »
Ils se regardèrent de nouveau, puis le Capitaine lâcha un juron.
« Oh, et puis peu importe, grogna-t-il. Je vais pas prendre le risque d’attendre des années ! »
Et Ianto fut dans ses bras, ses lèvres contre les siennes ; un baiser comme seul l’homme qui serait connu sous le nom de Jack Harkness savait les donner. Essoufflés, ils s’écartèrent l’un de l’autre sans se presser.
« Est-ce que cela signifie que nous n’avons pas vraiment eu de premier baiser ? demanda Ianto. Puisque votre premier est mon… j’ai perdu le compte, et mon premier était votre deuxième ?
– Ça veut dire que nous avons plusieurs premiers baisers, rétorqua Jack avec un large sourire. Combien peuvent en dire autant ? »
Il posa la main sur la joue de Ianto, le regarda droit dans les yeux avec du regret non dissimulé.
« Filez vite avant que je ne décide de vous voler à moi-même… »
Il s’écarta, résolu, s’apprêta à lancer le télétransporteur.
« … Je repasserai dans trois heures pour être sûr que vous êtes bien parti, dit-il. À bientôt, mon mystérieux passager.
– Ianto, souffla ce dernier. Je m’appelle Ianto.
– Ianto. Je sais pas ce que va être mon futur, mais si vous y êtes, Ianto, alors je n’ai rien à craindre. J’ai même hâte d’y arriver. Je ne vous oublierai pas… »
Ianto ferma les yeux, pinça les lèvres pour ne rien trahir.
Quelques secondes plus tard, il sentit la terre molle de Banpubleek sous ses pieds. Lorsqu’il regarda dans le ciel, le vaisseau avait déjà disparu. « À dans deux siècles, Capitaine », murmura-t-il.
En attendant, il avait son Jack et un certain Docteur à retrouver. Avec soulagement, Ianto découvrit que la clef du Tardis se trouvait toujours dans sa poche. Il courut vers ce dernier, ouvrit la porte à toutes volées et pila net.
« Jack ? Docteur !
– Ianto Jones !
– Ianto ! Tu es revenu !
– Vous vous en êtes sortis tout seuls ? fit Ianto alors que Docteur et Capitaine l’entouraient de leurs bras et qu’il essayait de leur rendre la pareille avec difficulté.
– Pour qui tu me prends ? répliqua Jack.
– Je vous l’avais dit, ajouta le Docteur. Où étiez-vous ? »
Ianto s’écarta avec un sourire mystérieux.
« Je ne peux pas vous le dire… Enfin, du moins pas à Jack.
– Quoi ? Pourquoi ?
– Non, non, n’insistez pas.
– Ianto…
– Il a croisé votre ligne temporelle, grand dadais, fit le Docteur. Ianto Jones, il y a quelque chose que je…
– Attendez, attendez, comment ça tu as croisé ma ligne temporelle ? Quand ? Où ?
– Capitaine, l’interrompit le Docteur. Il ne peut pas vous le dire. Maintenant taisez-vous, voulez-vous, il y a plus important !
– Plus important que ma ligne temporelle ?
– Jaaaaack.
– Très bien, mais j’y reviendrai ! »
Le Docteur leva les yeux au ciel, puis se tourna de nouveau vers Ianto, sérieux.
« Ianto Jones, il faut que je vous parle de quelque chose, mais d’abord je dois vous examiner.
– Pourquoi ?
– Je vous expliquerai après. »
Le Docteur sourit, rassurant.
« Ce n’est rien de grave. »
Le Docteur ayant une définition très personnelle de la gravité des choses, Ianto interrogea Jack du regard, mais ce dernier détourna les yeux.
Le sang de Ianto se glaça.
*
« Je suis devenu un Tardis, résuma Ianto, assis sur le lit, alors que le Docteur rangeait son stéthoscope.
– Je crains que oui », acquiesça le Docteur doucement.
Ianto baissa les yeux. Jack lui pressa l’épaule dans un geste de réconfort.
« Je ne me sens pas différent.
– C’est parce que l’essentiel n’a pas changé, Ianto Jones. Vous êtes toujours vous.
– Tu as toujours été plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur, ajouta Jack, et récolta pour sa peine deux regards noirs.
– Très subtil, Capitaine, fit le Docteur.
– Très vrai, protesta-t-il.
– Concrètement, demanda Ianto. Qu’est-ce que cela veut dire, concrètement ?
– Vous allez devoir apprendre à maîtriser vos nouvelles capacités, comme vous l’avez fait avec la télé-empathie.
– Ce n’est pas tout à fait la même chose.
– Bien sûr que si, c’est une part de vous.
– Mais tout être humain est capable de télé-empathie. Ça, c’est…
– Vous n’êtes plus un humain, Ianto Jones.
– Docteur, intervint Jack. Allez-y doucement. »
Il déposa un baiser sur la tempe de Ianto. Le Docteur lui tapota maladroitement la joue.
« Ce n’est rien de dramatique, vous savez.
– Dites-moi, fit soudain Ianto, la voix tendue, l’espérance de vie d’un Tardis… »
Le Docteur prit l’air un peu gêné.
« Cela varie. Néanmoins, hum… Le mien était déjà un modèle bien dépassé lorsque je l’ai… emprunté.
– Et vous voyagez avec depuis presque un millénaire.
– À peu près. »
Ianto garda le silence. Le Docteur et Jack échangèrent un regard soucieux.
« Ianto ? Est-ce que ça va ? » demanda le Capitaine.
Le jeune homme redressa le visage, un sourire lumineux aux lèvres.
« Oui, dit-il d’un ton léger. Oui, ça va. »
Je suis enfin votre égal.
(fin)
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Spoilers : DW saison 3, TW saison 1
Date : mercredi 15 août 2007
Chronologie de l'OT3verse
La poigne sur ses bras lui coupait presque la circulation du sang, Ianto se débattit, brutal, désespéré, mais son geôlier y fit à peine attention. Une porte ovale s’ouvrit devant eux pour dévoiler une pièce aux murs courbes et blancs, presque à en former une boule ; Ianto fut brutalement poussé à l’intérieur. Les mains en avant, il prit à peine le temps de se remettre de sa chute sur le sol curieusement tiède ; il se retourna, se jeta contre la porte, un pur réflexe. Il aurait voulu taper des poings contre elle, hurler qu’on le relâche mais cela ne servirait à rien, rien du tout, cela n’aiderait pas Jack et ne lui dirait pas où était le Docteur…
« Hé là, hé là, doucement avec mon Tournevis ! Non non non, pas ce bouton ! Pas ce bouton ! Ah bah voilà, c’est malin ça ! »
Terreur et soulagement au creux du ventre, Ianto tenta de l’appeler une première fois sans succès, sa voix se bloquait dans sa gorge. Il inspira pour calmer ses tremblements.
« Docteur ! Docteur ! réussit-il enfin à crier.
– Ianto Jones ! entendit-il dire d’une voix joyeuse complètement décalée. Vous êtes là ! Cela tombe bien, je vous cherchais !
– Docteur ! Jack est…
– Mon Tournevis ! Bande de brutes ! »
La porte se rouvrit d’un coup, Ianto recula vite et manqua tomber en arrière lorsque le Docteur fut projeté dans ses bras, se raccrochant à son sweat-shirt. L’embuscade avait surpris Jack et Ianto le soir, lorsqu’il avait déjà quitté son costume trois pièces pour une paire de jeans et des tennis, il en était presque reconnaissant au vu de la traversée des marécages qui avait suivi.
« Docteur, est-ce que ça va ? »
Leur espoir que le Docteur avait eu le temps de se rendre compte de leur situation et de se mettre en sécurité dans le Tardis venait de s’effondrer, mais malgré tout Ianto se sentait déjà mieux.
« Impeccablement, je n’en dirais pas autant de mon pauvre Tournevis. Ils l’ont complètement démonté. Dès que nous sortons d’ici, il va falloir que j’aille en racheter. Un sonique, bien sûr, n’écoutez pas les gens qui prétendent que les lasers sont meilleurs, autant dire que les Judoon sont imagina...
– Votre sens des priorités, Docteur ! le réprimanda Ianto. Jack…
– Où est-il celui-là ? »
Ianto grimaça.
« Au fond de l’eau.
– Je vous demande pardon ?
– Ils l’ont attaché à une sorte d’enclume et jeté à la mer, développa Ianto d’un ton morne.
– Diable. Voilà qui est rudement efficace. »
Il prit l’air songeur, intrigué, pas assez inquiet au goût de Ianto qui ne pouvait s’empêcher d’imaginer Jack en train de se noyer à répétition, ou dévoré par divers coquillages carnivores.
« Qu’allons-nous faire ? demanda-t-il.
– Nous mettre à l’aise, répondit le Docteur. Je n’ai plus mon Tournevis et notre joker risque de mettre un peu de temps avant de venir nous délivrer. »
Il s’assit confortablement par terre, avec un froncement de sourcil lorsqu’il réalisa que les murs courbes l’empêchaient de s’y appuyer.
« Curieuse construction…
– Docteur ! » s’exaspéra Ianto.
Le Docteur lui sourit, de ce petit air indulgent qui lui avait mis à dos la moitié des monarques britanniques, français et probablement espagnols.
« Ianto Jones. Installez-vous et cessez de vous tourmenter comme cela. »
Il lui prit la main, le tira pour qu’il s’assoie à ses côtés.
« Ayez un peu plus confiance en le Capitaine, voulez-vous ?
– Ce n’est pas une question de confiance ! Comment voulez-vous qu’il se sorte de là ?
– Il séduira une sirène, un poisson, que sais-je ?
– …il y a des sirènes ?
– L’équivalent, du moins. Mais dites-moi, qu’a-t-il fait pour mériter une telle punition ?
– Il a été lui-même, soupira Ianto. Il a voulu… disons, se mettre dans les bonnes grâces de nos gardes. Et il semble qu’il s’agisse d’une société particulièrement pudibonde. Ou bien il a brisé un tabou, je n’ai pas bien suivi. »
Il y avait eu tellement de bruit sur la barge, et Ianto avait été repoussé loin de Jack, il n’avait eu que la possibilité de hurler son nom avec terreur.
« Il n’a jamais su juger du moment opportun… »
Ianto acquiesça en silence et après un moment, sentit un pouce lui caresser doucement le dos de la main.
« Il va s’en sortir, croyez-moi. »
Ianto esquissa un pauvre sourire. Il aurait aimé en être aussi certain, mais il lui semblait qu’il était plus dans leurs possibilités de sauver Jack que le contraire, et le manque de motivation du Docteur le rendait nerveux. Il aurait préféré un plan d’action, aussi fou soit-il, plutôt que de rester à attendre.
Le pouce du Docteur s’immobilisa.
« Ça recommence », dit-il, sourcils froncés.
Il bondit sur ses pieds. Ianto se leva à son tour.
« Recommence ?
– Des perturbations dans l’espace-temps. Rien de constant, elles surgissent de temps en temps, plus ou moins longtemps, parfois juste un éclair puis plus rien, parfois plus long. Cela fait quelques temps que je les ressens et je n’arrive pas à savoir... »
Il s’interrompit, regarda autour de lui, sérieux comme il le laissait peu voir. Un frisson parcourut l’échine de Ianto.
« Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il tout bas.
– C’est ce que je n’arrive pas à savoir, mais quelque chose réagit au Vortex. Que dis-je, quelque chose se connecte au Vortex !
– Jack ?
– Non, c’est mobile, pas statique. Je serais tenté de parler d’un Tardis, mais si c’est le cas il est extrêmement instable, dangereusement même, et surtout croyez-moi, vous ne voulez pas penser aux conséquences de l’existence d’un autre Tardis que le mien… »
Le Docteur était nerveux, réalisa Ianto avec une pointe de panique, il avait les muscles tendus, le regard inexpressif.
« Ça se rapproche.
– Il faut qu’on sorte d’ici, réussit à dire Ianto.
– Erratique… complètement erratique… Comme si… Non… Impossible… Pourtant… ça vient d’ici, c’est là, tout proche… Comme si… »
Et le Docteur se retourna, yeux écarquillés, la stupéfaction inscrite sur le visage.
« Non », souffla-t-il.
Son expression fit reculer Ianto d’un pas, un seul petit pas, Ianto ! Ne bougez pas ! hurla le Docteur – Oh, pensa Ianto parce qu’il ne l’avait pas appelé par son nom entier, alors cela devait être grave, mais trop tard, il se retrouva au milieu d’un couloir.
« Docteur ? » appela-t-il, incertain.
Il n’y eut pas de réponse, bien entendu, il disparaissait toujours seul. Cela faisait la quatrième fois, maintenant (contrairement aux deux autres, Ianto ne comptait pas celle où, après avoir découvert par hasard la Bibliothèque Perdue du Tardis, il s’y était isolé cinq jours pour la ranger et l’archiver).
« Mais cela n’a pas de sens, murmura Ianto. Je n’étais pas dans le Tardis. »
D’un autre côté, le champ d’action du vaisseau s’étendait loin puisqu’il avait été capable de comprendre le discours de leurs ravisseurs. Mais si le Tardis avait la capacité de délivrer, pourquoi Ianto seulement ? Non, c’était ridicule et il ne trouverait pas l’explication tout seul. Le Docteur saurait, lui.
En attendant, Ianto était dehors, libre ; il suffisait qu’il sache où il se trouvait (et quand, pensa-t-il avec un peu d’inquiétude) et il pourrait sauver les autres. Ou au moins essayer de retrouver Jack, et avec lui sauver le Docteur.
Plein de résolution malgré l’angoisse qui lui nouait le ventre, il s’élança dans le couloir (à gauche, lui confiait son instinct et le Docteur avait insisté sur le fait qu’il devait toujours l’écouter).
La structure autour de lui semblait de métal et résonnait sous ses pas, il n’y avait pas de fenêtre, rien pour donner d’indication. Mais il avait l’étrange certitude d’être au bon endroit, et il devait avoir raison car dans les secondes qui suivirent, la porte coulissante vers laquelle il se dirigeait s’ouvrit avec un wiiiiiiz caractéristique et Jack, en uniforme noir et bleu, apparut dans l’encadrement.
Stupéfait, Ianto s’immobilisa alors que Jack, à peine troublé, se précipita vers lui, l’attrapa, le tira contre lui, et plaqua quelque chose de froid contre sa tempe à l’instant où quatre autres personnes, tous dans le même uniforme noir et bleu, surgissaient à leur tour.
« On ne bouge plus ! lança Jack. Ou je le zappe !
– Jack… commença Ianto, sourcils froncés.
– Ce n’est pas l’un des nôtres, répondit sèchement l’un des nouveaux venus, humain à première vue.
– Comment ça ? Il est sur votre vaisseau !
– Vous aussi, et vous n’êtes pas du Clan ! »
Un petit coup de langue vif sur sa joue, Ianto sursauta, prêt à protester, mais Jack avait déjà enchaîné :
« Effectivement, il a un goût tout à fait humain. Le XVTRSRTS est une vraie passoire, dites-moi !
– Plus pour longtemps, gronda l’homme qui ne devait pas en être un. Rendez-vous, Capitaine, vous êtes coincé !
– On parie ? »
Ianto imaginait très bien le sourire de Jack à cet instant, arrogant, charmeur.
« Accrochez-vous bien à moi », souffla-t-il à son oreille.
Ianto s’accrocha, Jack appuya sur un bouton de son manipulateur. Le sol se déroba sous leurs pieds, la lumière explosa, et lorsque les pieds de Ianto atterrirent, l’effet haut-le-cœur/tête qui tourne combiné lui aurait fait perdre l’équilibre si les bras de Jack, solides, stables, rassurants, ne l’avaient pas maintenu en place.
« Le Docteur a raison, hoqueta tout de même Ianto. Vous n’êtes qu’un amateur. »
Dans la seconde, il était plaqué contre une surface dure, ses poignets enferrés dans les doigts de Jack, une jambe de ce dernier entre les siennes. Large sourire aux lèvres, ses yeux bleus pétillants de séduction, le Capitaine rapprocha le visage de celui de Ianto, presque à l’embrasser.
« Si j’avais su que je rencontrerai un aussi joli passager clandestin, j’aurais moins protesté à prendre cette mission, badina-t-il
– Vous croyez vraiment que c’est le moment ? grommela Ianto, toujours un peu nauséeux.
– Il n’y a pas de moment pour faire connaissance…
– Ah ça oui, avec vous c’est toujours le bon ! Même quand ça risque de vous faire tuer et de nous mettre dans des situations impossibles ! »
Jack ne desserrait pas les doigts de ses poignets. Ianto commença à se demander à quel point il s'agissait d'une position compromettante comme une autre, à quel point c’était en fait une façon de le restreindre, au cas où. Connaissant Jack, les deux. Il n'avait jamais eu de difficultés à mélanger travail et plaisir.
« Je ne sais pas pour qui vous me prenez, répondit Jack sans perdre son sourire de jeune premier (et maintenant que Ianto y pensait, il avait effectivement l’air plus jeune), mais je crains ne pas avoir encore eu le plaisir de vous rencontrer, je m’en souviendrais. Je suis prêt à y remédier immédiatement, néanmoins. »
Ianto s’attendit à le voir croiser le bras, mais ç’aurait impliqué de le lâcher et Jack n’en avait clairement pas l’intention.
« Je suis le capitaine Solo, dit-il, charmeur. Capitaine Han Solo, tout à votre service. »
Oh, pour l’amour du ciel, pensa Ianto.
À cet instant seulement, désormais incapable de nier ce que sa télé-empathie lui affirmait depuis qu’il avait croisé le regard de l’autre homme, le cerveau de Ianto additionna tous les éléments et accepta la réponse obtenue.
L’homme en face de lui n’était pas Jack parce qu’il n’était pas encore Jack. Ianto, la tête pleine de leçons sévères sur les paradoxes temporels, ferma les yeux pour accueillir tranquillement sa crise de panique.
Le Docteur va me tuer.
¤¤¤
Le Capitaine Jack Harkness termina d’essorer son tee-shirt, se tourna vers la sympathique créature qui l’avait délivré et lui envoya un baiser de la main.
Elle bleuit un peu, agita une timide tentacule pleine de ventouses roses et violettes, puis replongea dans l’océan.
Jack retroussa mentalement ses manches, le regard sombre. Désormais, il était un homme avec une mission.
Il allait délivrer Ianto et retrouver le Docteur.
Et paix à l’âme de ceux qui voudraient l’en empêcher.
¤¤¤
« Ça ne va pas ?
– Vous ne vous souvenez pas de moi », réalisa soudain Ianto.
Le Capitaine fronça les sourcils, prit l’air contrit.
« … s’il s’agit de la soirée du mois dernier sur Tûvophantassmréahleezé…
– Non ! s’impatienta Ianto. Je ne parle pas de vous. »
Agent du temps entraîné, le Capitaine comprit immédiatement et s’écarta. Son sourire, bien que toujours aussi charmeur, s’était un peu crispé, son regard assombri. Il avait soudain l’air d’un homme dangereux.
« Nous allons nous rencontrer », dit-il d’un ton neutre.
Ianto acquiesça. Ils allaient se rencontrer, et Jack ne se souvenait pas de lui. Ou bien il lui avait menti, ce qui n’aurait rien d’étonnant. Ou bien encore, Ianto se trouvait dans la période effacée de la mémoire de Jack, ce qui ouvrait de tout autres possibilités. Étaient-ils en train de créer un paradoxe ? Était-ce la raison pour laquelle Jack allait perdre la mémoire ? Sa rencontre avec Ianto était-elle seulement arrivée dans le passé de son Jack ? Allait-elle modifier les choses ?
Et Jack, désormais un point figé dans le temps, pouvait-il seulement être influencé par cette rencontre avec Ianto ?
« Je sais que vous êtes un Agent du Temps, dit Ianto. Qu’est-ce qu’on peut faire pour limiter les dégâts ?
– Quand nous nous sommes rencontrés, je vous ai dit quelque chose ?
– Non, rien, comme si vous ne me connaissiez pas…
– Comportement logique dans cette situation. Mais il se peut que nous soyons en plein paradoxe. Quoiqu’il en soit, ne me dîtes rien. »
Le Capitaine croisa les bras, l’air contrarié et pensif. Ianto commençait à retrouver son calme. La situation, décida-t-il, avait tourné à son avantage. Il avait Jack, ou ce qui s’en rapprochait le plus, et son manipulateur d’espace-temps.
D’un autre côté, le Capitaine n’était pas encore Jack. Ses réactions, ses motivations, pouvaient s’avérer différentes des attentes de Ianto. Encore que jusque-là, il n’y avait pas eu de vastes différences entre eux…
« Je suppose qu’il vaut mieux vous laisser entre les mains d’un autre agent, prononça lentement le Capitaine.
– … je ne préférerais pas, si cela ne vous fait rien… »
Le Capitaine le dévisagea avec attention. Ianto soutint son regard. Si l’Agence du Temps mettait la main sur lui, un simple examen mettrait à jour son origine, et il risquait de se retrouver sans aucun souvenir à Cardiff au 21ème siècle. Il ne pouvait pas perdre Jack et le Docteur. Sans eux, il n’était rien.
« Que cela me fasse quelque chose ou pas, il s’agit du protocole dans cette situation.
– Vous n’êtes pas quelqu’un de très protocolaire.
– Tiens donc. »
Le Capitaine s’assit dans le siège du pilote, le tourna vers Ianto. Ce dernier se rapprocha de quelques pas.
« Et vous, mon mystérieux passager, êtes-vous du genre à respecter le protocole ?
– Je crains que oui, capitaine, répondit Ianto. Vous dîtes souvent que j’ai besoin de me détendre. »
Le sourire du Capitaine s’élargit, mais sa voix restait sérieuse :
« Je ne suis pas certain que vous réalisiez le risque que vous voulez me faire prendre.
– J’aimerais pouvoir vous expliquer. Je dois retourner à vos côtés.
– Vous voulez vous servir de moi pour retourner auprès de moi. Et je suis censé vous croire. Votre présence sur le XVTRSRTS ne plaide pas en votre faveur, vous savez ?
– Je vous cherchais », dit Ianto, et il réalisa que c’était le cas.
Il voulait Jack auprès de lui lorsqu’il avait fait le saut dans le temps. Et il l’avait trouvé. Pas le bon, certes, mais il l’avait trouvé, et Ianto ne croyait pas aux coïncidences de ce genre. Il fallait vraiment qu’il en parle au Docteur.
« Facile à dire, commenta le Capitaine. Je ne vous connais pas, moi.
– Mais moi oui.
– Prouvez-le.
– Je ne peux pas. Vous n’êtes pas mon Capitaine, vous avez changé. Pendant tout le temps où je vous ai connu, vous avez changé. Tout ce que je pourrais vous dire ne prouverait rien, et tout ce que je ne peux pas vous dire ne vaudrait pas grand-chose non plus, je pourrais vous mentir. La seule information que je peux vous communiquer, c’est que vous choisissez mieux vos pseudonymes. »
Le Capitaine fit la moue.
« Sincèrement, Han Solo ?
– Il n’y a pas beaucoup de monde qui comprend la référence, se défendit-il. Il y a peut-être quelque chose que vous pouvez me dire… »
Il haussa les sourcils.
« Ma position préférée ?
– Vous êtes incapable de vous décider ! » répondit Ianto avec une pointe d’exaspération.
Le Capitaine éclata de rire.
« Vous m’avez convaincu ! Asseyez-vous à côtés et dîtes-moi où nous allons.
– … c’est tout ? Cette seule question et vous décidez que je suis digne de confiance ?
– Vous protestez toujours, quand on vous facilite les choses ?
– Vous prétendez que c’est typiquement gallois.
– Mmmh, je me demandais d’où provenait ce délicieux accent…
– Capitaine », fit sévèrement Ianto.
Il s’assit néanmoins sur le siège du co-pilote, le cœur battant de soulagement.
« Si je vous ai gardé à mes côtés assez longtemps pour que vous sachiez cela, expliqua le Capitaine d’un ton étrangement sérieux, cela signifie que j’ai besoin de vous. »
Ianto se tendit, sa gorge se serra.
« Et si vous m’avez supporté tout ce temps sans vous lasser, ce serait stupide de vous perdre par accident.
– Vous n’êtes pas quelqu’un dont on se lasse, et vous le savez très bien, murmura Ianto.
– Non, n’est-ce pas ? fit le Capitaine d’un ton plus joyeux. Alors, ces coordonnées ? Vous savez au moins où vous allez, j’espère ?
– Toujours, monsieur.
– Quelque chose me dit que c’est le cas. »
Ils se sourirent.
¤¤¤
« Oups », fit Jack lorsque le Garaugoriye s’effondra un peu trop vite.
Sans soins urgents, celui-ci mourrait, et lui qui avait tellement fait attention à ne tuer personne ! Le Docteur était tellement réprobateur, après. D’un autre côté, Jack n’avait pas eu l’intention de le tuer, alors… Il haussa les épaules et continua dans le couloir, appelant Ianto et le Docteur sans se soucier d’attirer plus de gardes. Il était à peu près certain de les avoir tous eus.
« Jack ? » entendit-il enfin de derrière une porte.
Ah !
Après, il n’y eut plus qu’à se connecter avec son manipulateur au réseau électrique de la porte. Elle s’ouvrit sans difficulté, le Docteur bondit sur lui, l’air passablement hystérique.
« Jack ! Ianto !
– Il n’est pas avec vous ? paniqua Jack alors que le Docteur commençait déjà à s’éloigner d’un pas rapide.
– Mais non, bougre d’abruti ! Dire que c’était sous mon nez tout ce temps et je n’avais rien vu, rien compris, rien déduit ! Suivez-moi ! Il nous faut rejoindre le Tardis immédiatement !
– Mais Ianto…
– Laissez-moi parler ! C’était évident, vous comprenez, tellement évident que je ne l’ai pas vu, il n’y avait pas d’autre solution. Les nanogènes, vous vous souvenez ? Ils ont réparé Ianto Jones sans prendre ni de vous, ni de moi et – ne croyez pas que je n’ai pas vu que vous avez presque tué ce pauvre Garaugoriye, combien de vagues dans le temps croyez que cela ait fait, hein ? – vous avez dit qu’il n’y avait que nous dans la pièce… et vous aviez raison, sauf que dans ce nous, vous n’aviez pas inclus – et moi non plus, à ma grande honte – le Tardis !
– Le Tardis ? répéta le Jack. Vous voulez dire que…
– Exactement ! Le Tardis est intervenu dans le travail des nanogènes et s’est inscrit dans le code génétique de Ianto Jones !
– Ianto est un Tardis.
– Oui, non, pas tout à fait, je ne pense pas, quoiqu’il faut que je l’examine pour déterminer à quel point il a été modifié, mais une chose est certaine, il a intégré la capacité du Tardis à se connecter au Vortex et pour cela son corps a forcément été renforcé d’une façon ou d’une autre, ou il ne le supporterait pas et il nous a déjà prouvé qu’il était capable de traverser une dizaine de siècles et des millions de kilomètres en sortant de la cuisine.
– Ce n’est pas possible, déclara Jack comme on se raccroche aux branches. Il est tombé malade.
– Le Tardis n’est pas invincible. Il peut tomber malade, en panne si vous préférez. Néanmoins, nous sommes d’accord pour dire que Ianto Jones n’était pas victime d’un rhume commun, mais d’un épuisement généralisé que nous avons attribués, pas complètement à tord je pense, à un manque de repos. Manque de repos qui serait d’autant plus grave si durant tout ce temps, son corps – que dis-je, la fondation même de tout son être ! avait été victime d’un changement radical progressif. Vu l’étendue du travail, les nanogènes ont du travailler sur lui pendant beaucoup plus longtemps que nous ne l’avons imaginé, et c’est la raison pour laquelle je n’ai pas senti de changement chez Ianto Jones lorsque je l’ai examiné : ils n’en étaient qu’au premier stade de sa « guérison » ! Le reste a dû se faire petit à petit dans les deux mois qui ont suivi. Rappelez-vous : la première disparition de Ianto Jones, son premier voyage, s’est déroulé peu de temps après son rétablissement.
– Ianto est un Tardis », conclut Jack d’une voix faible.
Le Docteur s’arrêta brutalement et le Capitaine faillit lui rentrer dedans.
« Oui, n’est-ce pas ? pensa-t-il tout haut d’un ton surpris. Je suppose qu’on ne peut pas dire autre chose, en réalité. Ianto Jones est un Tardis. Mmh. Remarquez, il a toujours eu le don de se fondre dans le décor. Oh, arrêtez de faire cette tête, Jack ! Vous êtes un point fixe dans le temps, vous êtes plus étrange et bizarre et impossible que ne pourra jamais l’être notre Ianto Jones. Quoiqu’il s’en approche plus que tout ce que j’ai jamais vu … Un humain changé en Tardis !
– Bilis Manger, souffla Jack.
– Pardon ?
– Bilis Manger. Je vous en ai parlé. Cet homme qui avait invoqué Abaddon. Il pouvait voyager dans le temps et l’espace.
– J’aimerais le rencontrer, fit le Docteur, songeur. Ce serait intéressant de le comparer avec Ianto Jones.
– Personnellement j’aimerais lui tordre le cou, et il est hors de question qu’il s’approche de Ianto. Et où est Ianto ?
– Bonne question, et c’est la raison pour laquelle nous avons besoin du Tardis. Il a disparu de la cellule où nous étions enfermés, il pourrait être n’importe où. Il ne maîtrise pas son pouvoir, il n’est même pas conscient du changement en lui. Mais grâce au Tardis nous pourrons le pister comme nous l’avons déjà fait, en espérant que notre retard ne sera pas trop handicapant… Ce qui me fait penser, Jack… Alors, comment vous êtes-vous sorti du fond de votre océan ? »
¤¤¤
« Je vais devoir vous télétransporter dans la clairière, dit le Capitaine. Il n’y a pas de place pour mon vaisseau.
– De toute façon, vous ne devez pas vous poser, dit Ianto qui surveillait le Tardis par la vitre. Ce serait trop dangereux, vous pourriez vous croiser. »
Il y eut un silence, puis le Capitaine reprit :
« Vous allez vraiment entrer là-dedans ?
– Ne posez pas de questions, Capitaine.
– Je sais, je sais, vous ne m’apprendrez pas mon travail. …Alors… c’est ici que nous nous disons au revoir.
– Pas pour longtemps, sourit Ianto.
– Peut-être pour vous, mais pour moi ça va faire… Hum, qu’est-ce que j’en sais, après tout, je vous rencontre peut-être dans l’heure. »
Ianto ne dit rien, le Capitaine soupira puis se leva.
« Allez, hop, dans le télétransporteur. Placez-vous là. »
Ils se regardèrent de nouveau, puis le Capitaine lâcha un juron.
« Oh, et puis peu importe, grogna-t-il. Je vais pas prendre le risque d’attendre des années ! »
Et Ianto fut dans ses bras, ses lèvres contre les siennes ; un baiser comme seul l’homme qui serait connu sous le nom de Jack Harkness savait les donner. Essoufflés, ils s’écartèrent l’un de l’autre sans se presser.
« Est-ce que cela signifie que nous n’avons pas vraiment eu de premier baiser ? demanda Ianto. Puisque votre premier est mon… j’ai perdu le compte, et mon premier était votre deuxième ?
– Ça veut dire que nous avons plusieurs premiers baisers, rétorqua Jack avec un large sourire. Combien peuvent en dire autant ? »
Il posa la main sur la joue de Ianto, le regarda droit dans les yeux avec du regret non dissimulé.
« Filez vite avant que je ne décide de vous voler à moi-même… »
Il s’écarta, résolu, s’apprêta à lancer le télétransporteur.
« … Je repasserai dans trois heures pour être sûr que vous êtes bien parti, dit-il. À bientôt, mon mystérieux passager.
– Ianto, souffla ce dernier. Je m’appelle Ianto.
– Ianto. Je sais pas ce que va être mon futur, mais si vous y êtes, Ianto, alors je n’ai rien à craindre. J’ai même hâte d’y arriver. Je ne vous oublierai pas… »
Ianto ferma les yeux, pinça les lèvres pour ne rien trahir.
Quelques secondes plus tard, il sentit la terre molle de Banpubleek sous ses pieds. Lorsqu’il regarda dans le ciel, le vaisseau avait déjà disparu. « À dans deux siècles, Capitaine », murmura-t-il.
En attendant, il avait son Jack et un certain Docteur à retrouver. Avec soulagement, Ianto découvrit que la clef du Tardis se trouvait toujours dans sa poche. Il courut vers ce dernier, ouvrit la porte à toutes volées et pila net.
« Jack ? Docteur !
– Ianto Jones !
– Ianto ! Tu es revenu !
– Vous vous en êtes sortis tout seuls ? fit Ianto alors que Docteur et Capitaine l’entouraient de leurs bras et qu’il essayait de leur rendre la pareille avec difficulté.
– Pour qui tu me prends ? répliqua Jack.
– Je vous l’avais dit, ajouta le Docteur. Où étiez-vous ? »
Ianto s’écarta avec un sourire mystérieux.
« Je ne peux pas vous le dire… Enfin, du moins pas à Jack.
– Quoi ? Pourquoi ?
– Non, non, n’insistez pas.
– Ianto…
– Il a croisé votre ligne temporelle, grand dadais, fit le Docteur. Ianto Jones, il y a quelque chose que je…
– Attendez, attendez, comment ça tu as croisé ma ligne temporelle ? Quand ? Où ?
– Capitaine, l’interrompit le Docteur. Il ne peut pas vous le dire. Maintenant taisez-vous, voulez-vous, il y a plus important !
– Plus important que ma ligne temporelle ?
– Jaaaaack.
– Très bien, mais j’y reviendrai ! »
Le Docteur leva les yeux au ciel, puis se tourna de nouveau vers Ianto, sérieux.
« Ianto Jones, il faut que je vous parle de quelque chose, mais d’abord je dois vous examiner.
– Pourquoi ?
– Je vous expliquerai après. »
Le Docteur sourit, rassurant.
« Ce n’est rien de grave. »
Le Docteur ayant une définition très personnelle de la gravité des choses, Ianto interrogea Jack du regard, mais ce dernier détourna les yeux.
Le sang de Ianto se glaça.
*
« Je suis devenu un Tardis, résuma Ianto, assis sur le lit, alors que le Docteur rangeait son stéthoscope.
– Je crains que oui », acquiesça le Docteur doucement.
Ianto baissa les yeux. Jack lui pressa l’épaule dans un geste de réconfort.
« Je ne me sens pas différent.
– C’est parce que l’essentiel n’a pas changé, Ianto Jones. Vous êtes toujours vous.
– Tu as toujours été plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur, ajouta Jack, et récolta pour sa peine deux regards noirs.
– Très subtil, Capitaine, fit le Docteur.
– Très vrai, protesta-t-il.
– Concrètement, demanda Ianto. Qu’est-ce que cela veut dire, concrètement ?
– Vous allez devoir apprendre à maîtriser vos nouvelles capacités, comme vous l’avez fait avec la télé-empathie.
– Ce n’est pas tout à fait la même chose.
– Bien sûr que si, c’est une part de vous.
– Mais tout être humain est capable de télé-empathie. Ça, c’est…
– Vous n’êtes plus un humain, Ianto Jones.
– Docteur, intervint Jack. Allez-y doucement. »
Il déposa un baiser sur la tempe de Ianto. Le Docteur lui tapota maladroitement la joue.
« Ce n’est rien de dramatique, vous savez.
– Dites-moi, fit soudain Ianto, la voix tendue, l’espérance de vie d’un Tardis… »
Le Docteur prit l’air un peu gêné.
« Cela varie. Néanmoins, hum… Le mien était déjà un modèle bien dépassé lorsque je l’ai… emprunté.
– Et vous voyagez avec depuis presque un millénaire.
– À peu près. »
Ianto garda le silence. Le Docteur et Jack échangèrent un regard soucieux.
« Ianto ? Est-ce que ça va ? » demanda le Capitaine.
Le jeune homme redressa le visage, un sourire lumineux aux lèvres.
« Oui, dit-il d’un ton léger. Oui, ça va. »
Je suis enfin votre égal.
(fin)