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Les Ombres de Gaia
Genre : romance
Rating : PG
Année : mars-avril 2001
Genre : romance
Rating : PG
Année : mars-avril 2001
L’univers est si blanc autour d’elle. Mais sur la neige, des taches rouges. Le vent souffle, elle a si froid. Elle relève la tête. En face, cette grotte et un feu qui brille. Chaud. Chaleur. Elle marche jusqu’au feu. Elle ne sait pas ce qui lui fait le plus mal, le froid, la blessure qui saigne, ou bien cette douleur sourde au fond d’elle.
Elle entre dans la grotte. Près du feu, une jeune femme aux ailes lumineuses la regarde. « Entre, Hitomi » dit-elle d’une voix mélodieuse.
Hitomi s’avance près du feu, laisse la chaleur l’envahir. Mais elle n’arrive pas à se réchauffer. Le froid est toujours là.
– Pourquoi j’ai si froid, majesté ? demande-t-elle en levant les yeux vers Varie. Pourquoi fait-il si froid ?
– Tu es vide, Hitomi. Vide de tes rêves. Regarde.
Dans le feu, l’image de Van apparaît, prostré sur son lit. Hitomi tend la main vers les flammes, comme pour le toucher, mais retire vite ses doigts. Le feu ne la réchauffe pas, mais brûle sa peau.
– Qu’est-ce qui lui arrive ? demande-t-elle, inquiète.
– Vos rêves se complètent, répond doucement Varie, mais par tes hésitations, tu les éloignes l’un de l’autre, et votre souffrance réunie assombrit le futur de Gaia. Prends une décision.
L’image de Varie s’efface lentement sur ces derniers mots. « Prends une décision. »
Hitomi tend de nouveau les mains vers Van, laissant le feu lui brûler les doigts sans le sentir. « C’est encore moi qui te fais souffrir, dit-elle, désespérée. Pardonne-moi, Van. Je ne voulais pas. Je ne voulais pas.»
Hitomi ouvrit lentement les yeux. Dryden, assis à côté d’elle, la regarda d’un air inquiet. La jeune fille semblait aller de moins en moins bien.
– Dryden ? Je…j’ai un peu mal.
Le jeune marchand sursauta. C’était la première fois qu’elle se plaignait depuis son arrivée. Et ça ne signifiait rien de bon. Il ne sut pas quoi répondre.
– Dryden ? Est-ce que…est-ce que je vais mourir ?
– N’importe quoi ! D’où tu nous sors ça, Hitomi ? Mourir ! Mais oui bien sûr, et moi je suis la réincarnation d’un dragon terrestre à pois rouges ! Eh, je lui dirais quoi, moi, à Van quand il va débarquer ? Ah, désolé, mais Hitomi est morte ? C’est pas sérieux.
– Oui, c’est vrai. Van.
Hitomi referma les yeux, et Dryden perdit son sourire ironique. La jeune fille s’était lentement laissée aller au désespoir. Au fur et à mesure que les jours passaient, sa fièvre avait augmenté, et son assurance diminué. Elle n’affirmait plus que Van viendrait. Elle ne disait plus rien. Mais Dryden ne pouvait pas la laisser mourir. Rapidement, il prit sa décision. Il devait tenter quelque chose, même si c’était stupide et désespéré. C’était tout de même une chance.
Lorsque la falaise s’ouvrit, Escaflowne bondit derrière l’homme et le tua d’un coup d’épée. Du sang tacha la blancheur du guymelef. Van le fit entrer dans la grotte, sans se soucier des gardes qui appelaient à l’aide. Il avançait, tuant tout ceux qui se trouvaient sur son passage, habité d’une rage et d’une haine terrifiante.
L’homme-chien qui leur apportait tous les jours à manger entra dans la cellule, et Dryden le frappa de toutes ses forces. Etourdi, l’homme-chien lâcha l’écuelle que Dryden ramassa, et le frappa de nouveau plus fort. Cette fois, il s’écroula. Dryden savait que ça ne servait à rien de tenter de s’échapper, on les rattraperait dès qu’ils auraient mis le pied dehors. Mais il devait essayer. Peut-être qu’il réussirait à convaincre les Sorciers de donner des soins à Hitomi. La jeune fille se leva, faible, et Dryden s’approcha d’elle pour la soutenir. Et soudain, elle releva la tête, le visage illuminé par la joie.
– Il est là !
– Pardon ?
– Van ! Escaflowne ! Il est là ! Je le sens ! Je savais qu’il viendrait, je le savais !
Dryden, perplexe, s’arrêta et essaya d’écouter. Au loin, des cris. « C’est quoi encore ce délire ? » fit-il.
Tous fuyaient devant la rage du guymelef blanc qui fauchait les vies sans distinction, progressant inexorablement vers la salle principale.
Van découvrit les cages où étaient enfermés les Morphs et les délivra avant de repartir vers la salle d’expérience.
Il y entra, sa rage décuplée devant les visages calmes et réprobateurs des Sorciers. « Meurs ! » hurla-t-il en tuant deux Sorciers d’un coup. Leur sang gicla un peu partout autour d’eux, et Van, en tournant les yeux, aperçut soudain une lueur rose. « Le pendentif d’Hitomi ! »
Il sortit d’Escaflowne, et prit le bijou doucement dans sa main avant de se tourner vers les Sorciers. « Où l’avez-vous pris ? cria-t-il. Hitomi le portait lorsqu’on l’a enterrée ! Répondez-moi ! » Mais les deux hommes ne faisaient pas attention à lui.
– Ainsi, la preuve est faite fit l’un d’eux. Il n’est pas possible de séparer le Pouvoir Double.
– Non, acquiesça l’autre gravement. Et nous n’avons été que des pions dans le jeu du Destin afin qu’ils soient de nouveau réunis.
Haineux et furieux de ne pas comprendre, Van les transperça de son épée et détruisit toutes les machines qui se trouvaient à sa portée.
Et puis doucement, envahi soudain d’une profonde tristesse et d’un épuisement sans raison, il accrocha le pendentif autour de son cou. Il ne savait pas comment il était arrivé là, et ne le saurait sans doute jamais, mais ce n’était pas important. Sans un regard pour les corps des derniers Sorciers de Zaïbacher, il remonta dans son guymelef. « Viens, Escaflowne. Allons débarrasser cet endroit de ses derniers rats. »
Dryden et Hitomi virent des gardes courir devant leur cellule grande ouverte sans faire attention, l’air terrifié. Quelques instants plus tard, un immense pied de métal blanc passa en travers de la porte. Les yeux brillants, Hitomi se dégagea du soutien de Dryden et sortit dans le couloir. « Van ! » appela-t-elle.
Dans le cockpit, Van se figea. Cette voix, cette voix chérie…cette voix inespérée, disparue… « Van ! répéta la voix fantôme. Attends. »
Lentement, pétrifié, fit tourner Escaflowne. A travers le cockpit, il aperçut la silhouette fine d’Hitomi, dans la robe qu’elle portait le jour de sa mort, couverte de sang, un sourire sur les lèvres. Mécaniquement, le jeune homme sortit de son guymelef qui prit automatiquement sa forme de dragon. Lentement, sans hâte, les yeux fixés sur l’apparition, Van franchit la distance qui l’en séparait. Il s’arrêta à moins d’un mètre d’elle, et la gorge serrée, tendit son bras. Il avait l’impression d’avoir fait un bond de trois ans en arrière dans le temps, à cet instant où Hitomi lui avait dit qu’ils ne devaient plus se voir, lorsque sa main avait traversé son visage sans le toucher.
Mais cette fois, sa main se posa sur la joue de la jeune fille dont les yeux brillaient de larmes contenues. Doucement, Van la fit glisser jusqu’aux lèvres entrouvertes d’Hitomi, et sentit sur ses doigts un souffle léger. Un souffle de vie.
Quelque chose d’énorme grandit dans sa poitrine et remonta dans sa gorge. La voix coupée, soudain vide de tout, il ne put que l’attirer contre lui, la serrer dans ses bras.
– Hitomi…finit-il par murmurer. Hitomi…tu…tu es vivante…Je te croyais morte…je croyais que…t’avoir perdue…
– Je suis là, Van, fit la jeune fille sur le même ton. Je t’ai attendu. Je savais que tu viendrais.
– Hitomi…j’ai tellement de choses à te dire…tellement…
Et là, peut-être, Van aurait pu parler, combler trois années de silence. Mais Dryden sortit de l’ombre. « Allez, les jeunes, c’est pas le moment ! On pourrait peut-être sortir, maintenant ? Je te rappelle que Hitomi est blessée. » Van, sans s’étonner de la présence inexpliquée de Dryden, acquiesça. Il prit Hitomi dans ses bras et monta sur Escaflowne.
– Grimpe derrière, dit-il à Dryden.
– J’ai toujours rêvé de faire un tour sur ton guymelef ! avoua le marchand.
– Tiens-toi bien, dit Van à Hitomi, la tête posée sur l’épaule du jeune roi.
– Je ne te lâche pas, répondit-elle.
Sa douleur n’existait plus. Elle sentit le dragon s’envoler, et au bout de quelques instants, la lumière du soleil l’éblouit. Ils étaient libres.
Van ne sentait plus rien. Il était comme anesthésié, voguant dans une brume douce. Il ne se posait plus de questions, ne cherchait pas à comprendre. La seule chose qui comptait, c’était qu’Hitomi était là, devant lui, contre lui. Le reste n’avait pas d’importance.
Au bout de quelques heures, Van aperçut le Croisé. Le visage radieux, il fit signe au pilote éberlué de se poser.
Quelques minutes plus tard, Allen, Merle et Mirana descendaient du vaisseau. Van et Hitomi avancèrent vers eux, et bientôt ce ne fut plus que hurlements de surprise, de joie, crises de larmes de bonheur. Hitomi répondait à ces marques d’affection par un sourire, trop fatiguée et trop faible pour faire plus.
Van résuma en quelques mots son voyage jusqu’à ce qu’il retrouve Hitomi, puis s’arrêta de parler. Il s’effaça, dévoilant Dryden adossé à Escaflowne, qui leur fit un signe de salut. Le visage de Mirana se figea et Allen eut un sourire un peu résigné. Puis soudain, la jeune reine se mit à courir et se jeta dans les bras de Dryden embarrassé.
Allen se sentait soudain seul, isolé des autres, de leur bonheur.
Hitomi sentit soudain un frisson glacé la parcourir.
– Hitomi ? Qu’y-t-il ? demanda Van, attentif et inquiet.
– C’est…Van… !
Une voix forte et ironique brisa soudain l’harmonie de l’instant.
– Oh ! Quelle chance ! La joyeuse bande réunie ! Je vous ai manqué ?
Un guymelef rouge. Une voix.
– Dilandau ! s’écria Van.
– Séréna ! hurla Allen.
– Monte dans ton guymelef, dragon ! Bats-toi !Maintenant que nous sommes à armes égales, je veux te prouver une bonne fois pour toute que je suis le meilleur !
– Ne lui fais pas de mal ! supplia Allen en voyant Van monter dans Escaflowne.
– Ne t’inquiète pas, répondit le jeune homme, parfaitement confiant et calme.
Le combat allait enfin commencer. « Cette fois je vais te détruire, Van Fanel ! »
Dilandau se sentait heureux comme jamais. Il allait enfin réaliser son rêve.
« Je te pardonne » fit soudain une voix douce en lui.
– Hein ? Qu’est-ce que c’est ?
« Je te pardonne. Je sais combien tu as souffert… »
– Que…Tais-toi ! hurla-t-il devant les autres, sidérés.
« Je sais ce que tu as subi, et je comprend ta souffrance. Je te pardonne. Soyons amis. »
Dilandau se mit à hurler. « Soyons amis », répéta la voix.
Une douce chaleur envahit Dilandau, le berça. Il se sentait calme, comme il ne l’avait jamais été. La voix l’appelait. « Attends-moi ! » cria-t-il. Quelque chose lui disait qu’il fallait suivre cette voix, que tous ses désirs en seraient exaucés.
Van vit Dilandau être éjecté de son guymelef, tomber à genoux, ses cheveux passer du gris au blond, du blond au gris sans discontinuer, et soudain se stabiliser.
Séréna leva ses yeux bleus stupéfaits vers son frère. « Il est parti, murmura-t-elle. Il est parti.»
Elle se mit à pleurer et Allen vint la prendre dans ses bras, heureux et soulagé.
C’était fini. Dilandau ne reviendrait plus.
Hitomi entra dans sa chambre. La nuit venait de tomber. Elle ouvrit les portes du placard, regarda avec regret les robes chatoyantes qu’elle ne mettrait plus jamais, et prit ses propres vêtements. Elle ouvrit son sac sur son lit et commença à y plier ses affaires.
Trois semaines déjà étaient passées depuis que Van était venu la chercher. On avait ouvert « sa tombe ». Dedans, une jeune Morph au visage torturé. Dryden pensait que les Sorciers avaient dû la tuer, puis utiliser ses pouvoirs dans sa mort pour qu’elle prenne l’apparence d’Hitomi. On avait rendu la pauvre à son peuple.
Dryden et Mirana semblaient s’être réconciliés, mais le jeune marchand était resté sur sa décision, et Mirana avait l’air de l’avoir acceptée.
Elle avait rendu son rang à Allen, innocenté, et lui avait demandé de revenir à Pallas. Après beaucoup d’hésitations, le chevalier avait refusé. Il avait promis à Cid. Mais Allen et Mirana se voyaient souvent, et Hitomi pensait qu’ils finiraient par se retrouver.
Séréna semblait plus heureuse maintenant, comme délivrée, et se comportait désormais comme une jeune fille normale de son âge.
Tout était redevenu normal. Il était temps pour elle de partir. De retourner vers la Terre, vers sa famille, Yukari, Amano…et Shinji.
Van était resté le même. Dès leur retour de Fanélia, il avait repris son attitude lointaine et occupée, demandant aux autres de s’assurer qu’elle aille bien, faisant tout pour qu’elle n’ait aucun problème, assurant son confort. Mais lui n’était jamais là. Il passait de temps à temps, lui demandait si tout allait bien, et repartait aussitôt comme s’il fuyait. Comme s’il la fuyait. Elle n’avait pas été seule avec lui une seule fois, et elle avait fini par croire qu’il ne voulait pas que quoique ce soit arrive.
Elle avait eu beau se dire que c’était mieux ainsi, que de toutes façons Shinji l’attendait, elle se sentait déçue, vaguement malheureuse, et elle ne pouvait pas oublier le contact des doigts de Van sur ses lèvres. Elle aurait voulu pouvoir lui parler avant de partir.
Hitomi ferma son sac d’un coup sec, le mit en bandoulière et se retourna. Merle, devant la porte, la regardait d’un air accusateur.
– Tu t’en vas, dit-elle. Je savais que dès que tu serais guéri, tu essaierai de t’enfuir.
– Je ne m’enfuis pas, Merle, répliqua Hitomi. Je rentre chez moi.
– Tu ne vas même pas dire au revoir à Van ?
– Pourquoi je rendrais les choses encore plus difficiles ? Ce n’est pas la peine.
– Mais il t’aime ! s’écria la fille-chat.
Hitomi garda le silence, et ouvrit la porte de sa chambre. « Tu me manqueras, Merle. » dit-elle avant de sortir.
Merle regarda Hitomi partir avec un désespoir mêlé de colère. Elle n’avait pas le droit. Non, elle n’avait pas le droit de faire ça à Van.
Pleine de rage, elle bondit dans le couloir, et courut dans le bureau de travail de Van. Il était seul, et ne semblait pas vraiment concentré.
– Merle ! Qu’est-ce que tu fais là ?
– C’est Hitomi, maître Van ! Elle s’en va !
Le visage du jeune homme se figea, une expression de douleur passa dans ses yeux, mais il ne bougea pas.
– Alors ça y’est…murmura-t-il.
– Mais qu’est-ce que tu fais ! hurla Merle, hors d’elle. Ne la laisse pas partir !
– Ella a fait son choix.
– Son choix ? Quel choix ? Tu ne lui as jamais laissé le choix ! Tu n’étais jamais là, tu ne venais jamais la voir, tu ne lui as jamais rien dit ! Il n’y avait rien à choisir !
Van ne dit rien. Merle, exaspérée, lui tira le bras.
– Lève-toi ! Va lui parler ! Il est encore temps !
Van leva les yeux vers la Forêt des Dragons. Il déploya ses ailes sans prévenir et Merle recula. Il ouvrit la fenêtre, prit son envol. Merle poussa un cri de joie.
Hitomi sprinta en entrant dans la forêt. Elle arriva dans la clairière, s’avança devant la tombe de Folken. « Adieu, Folken, murmura-t-elle. Merci pour tout. »
La gorge serrée, elle prit la pierre de son pendentif dans sa main. Au même instant, un bruissement la fit se retourner. Van, le corps éclairé par la lumière de ses ailes mais le visage dans l’ombre, venait de se poser à quelques mètres d’elle.
– Tu pars ? demanda-t-il.
– Oui. Tout est fini, non ? Tu n’as plus besoin de mes pouvoirs.
Van se crispa, la gorge nouée. Pourquoi c’était aussi difficile de parler ? Pourquoi est-ce qu’il n’y arrivait pas ?
– Ce n’est pas de tes pouvoirs dont j’ai besoin…finit-il par dire. Enfin…ce n’est pas le plus important. Je…je veux dire…
Il se tût, cherchant ses mots, furieux contre lui-même. C’était bien plus facile d’affronter toutes les armées de Zaïbacher ! Hitomi ne bougeait pas.
– Toi aussi tu es importante, dit-il. Enfin, tu vois…tu comprends…
Hitomi secoua la tête négativement, la gorge serrée. « Dis-le, Van, pensait-elle. Dis-le ! Je t’en prie…Dis-le ! »
– Quand j’ai cru que tu étais morte, j’ai…j’ai vraiment eu mal, dit-il très vite. J’ai cru mourir aussi. Et je ne te sentais pas près de moi, je croyais que tu m’en voulais…Mais j’ai compris quelque chose. Que tu sois morte ou que tu sois en vie, j’ai du mal à vivre sans toi. Hitomi, ce que je veux dire…je voudrais…que tu restes ici. Que tu restes avec moi pour toujours. Je…
De nouveau, Van s’arrêta, et Hitomi frémit. Pourquoi, si près… ?
« Je t’aime. »
Un souffle de vent vint agiter les ailes lumineuses, éclairant le regard du jeune roi.
« C’était important pour moi que tu le saches », ajouta-t-il.
Hitomi lâcha son pendentif et leva son visage vers le ciel, sentit couler des larmes sur ses joues. Trois ans, trois ans qu’elle attendait qu’il le dise.
Déconcerté et mortifié par ces larmes auxquelles il ne s’attendait pas, Van s’affola :
– Je n’aurais pas dû ? Excuse-moi, Hitomi, je ne voulais pas te faire de peine. Oublie.
Mais elle le regarda, un sourire lumineux sur ses lèvres, essuya ses larmes du revers de sa main et dit d’une voix tremblante :
– Non, Van. C’est juste que…je suis tellement heureuse.
Il s’avança vers elle, hésitant, et posa sa main sur la joue de la jeune fille. Il n’était pas encore tellement sûr.
– Oui, murmura-t-elle.
Van la regarda sans comprendre, et Hitomi leva des yeux rayonnants vers lui.
– Oui, je veux rester avec toi pour toujours.
Van voulut dire quelque chose, mais sa gorge était tellement serrée qu’aucun son n’en sortit. Alors, sans rien dire, il la prit dans ses bras, la serra contre lui à l’étouffer, se demandant si elle n’allait pas disparaître brusquement.
Mais Hitomi était là, avec lui, pour de bon. Doucement il l’écarta de lui, la regarda de nouveau. Elle souriait. Alors, il se pencha sur elle, posa ses lèvres sur les siennes et l’embrassa, pour la toute première fois.
EPILOGUE :
La jeune fille entra dans la maison. Une femme au visage grave semblait l’attendre dans le salon, elle ne dit rien en la voyant s’avancer vers elle.
– Je vais me marier, dit la jeune fille.
Le femme hocha la tête. Son enfant revenait pour lui dire qu’elle partait.
– J’expliquerai à ton père et ton frère, dit-elle seulement.
– Je reviendrai, Maman. Dans pas longtemps. Je passerai pour vous voir et vous raconter.
– Tu as vu Yukari ?
– Oui. Elle…elle a dit qu’elle savait que ça se finirait comme ça.
– Alors sois heureuse. Et reviens vite nous voir, fit la femme, la gorge serrée.
La jeune fille hocha la tête, et en sentant des larmes couler sur ses joues, se jeta dans les bras de sa mère. « Je t’aime, Maman. Je te promets que je reviendrai. Je vous le présenterai. Il te plaira, tu verras. »
Et la jeune fille s’arracha aux bras et aux sanglots de sa mère, s’enfuit pour ne pas se retourner. Il lui restait une chose à faire.
Le garçon se tenait devant elle, dans l’embrasure de la porte, le regard dur.
– Je m’en fous, dit-il. Pars où tu veux, avec qui tu veux. Je m’en fous.
La jeune fille baissa la tête, malheureuse.
– C’est tout ce que j’étais pour toi ? continua le garçon. Une page de pub ? Un passe-temps ?
– Comment peux-tu dire ça ? s’écria la jeune fille, blessée. Tu sais que ce n’est pas vrai !
Le garçon haussa les épaules. « Va-t-en, dit-il en refermant la porte. Je m’en fous. »
La jeune fille avança sur la piste d’athlétisme. Elle s’arrêta au milieu et prit le pendentif rose qu’elle portait autour du cou dans ses mains.
– Attends ! cria une voix.
Elle se retourna. Le garçon courait vers elle. Il s’arrêta à quelques mètres d’elle, avec au fond des yeux une lueur désespérée.
– Ce n’était pas vrai, dit-il. Je ne m’en fous pas. Si je pouvais te retenir, je le ferai. Mais je sais que ce n’est pas la peine. Je ne veux pas que tu me détestes. Alors…essaye au moins d’être heureuse, d’accord ? Promets-moi d’être heureuse.
– Promis, fit la jeune fille, la gorge serrée. Merci.
Une lueur bleue jaillit du ciel, et emporta loin du regard embué du garçon cette fille qu’il avait cru quelques temps être à lui.
Hitomi ouvrit les yeux sous la chaleur du soleil de Gaia. En face d’elle, assis contre la tombe de Folken, Van lui sourit.
Fin
Elle entre dans la grotte. Près du feu, une jeune femme aux ailes lumineuses la regarde. « Entre, Hitomi » dit-elle d’une voix mélodieuse.
Hitomi s’avance près du feu, laisse la chaleur l’envahir. Mais elle n’arrive pas à se réchauffer. Le froid est toujours là.
– Pourquoi j’ai si froid, majesté ? demande-t-elle en levant les yeux vers Varie. Pourquoi fait-il si froid ?
– Tu es vide, Hitomi. Vide de tes rêves. Regarde.
Dans le feu, l’image de Van apparaît, prostré sur son lit. Hitomi tend la main vers les flammes, comme pour le toucher, mais retire vite ses doigts. Le feu ne la réchauffe pas, mais brûle sa peau.
– Qu’est-ce qui lui arrive ? demande-t-elle, inquiète.
– Vos rêves se complètent, répond doucement Varie, mais par tes hésitations, tu les éloignes l’un de l’autre, et votre souffrance réunie assombrit le futur de Gaia. Prends une décision.
L’image de Varie s’efface lentement sur ces derniers mots. « Prends une décision. »
Hitomi tend de nouveau les mains vers Van, laissant le feu lui brûler les doigts sans le sentir. « C’est encore moi qui te fais souffrir, dit-elle, désespérée. Pardonne-moi, Van. Je ne voulais pas. Je ne voulais pas.»
Hitomi ouvrit lentement les yeux. Dryden, assis à côté d’elle, la regarda d’un air inquiet. La jeune fille semblait aller de moins en moins bien.
– Dryden ? Je…j’ai un peu mal.
Le jeune marchand sursauta. C’était la première fois qu’elle se plaignait depuis son arrivée. Et ça ne signifiait rien de bon. Il ne sut pas quoi répondre.
– Dryden ? Est-ce que…est-ce que je vais mourir ?
– N’importe quoi ! D’où tu nous sors ça, Hitomi ? Mourir ! Mais oui bien sûr, et moi je suis la réincarnation d’un dragon terrestre à pois rouges ! Eh, je lui dirais quoi, moi, à Van quand il va débarquer ? Ah, désolé, mais Hitomi est morte ? C’est pas sérieux.
– Oui, c’est vrai. Van.
Hitomi referma les yeux, et Dryden perdit son sourire ironique. La jeune fille s’était lentement laissée aller au désespoir. Au fur et à mesure que les jours passaient, sa fièvre avait augmenté, et son assurance diminué. Elle n’affirmait plus que Van viendrait. Elle ne disait plus rien. Mais Dryden ne pouvait pas la laisser mourir. Rapidement, il prit sa décision. Il devait tenter quelque chose, même si c’était stupide et désespéré. C’était tout de même une chance.
Lorsque la falaise s’ouvrit, Escaflowne bondit derrière l’homme et le tua d’un coup d’épée. Du sang tacha la blancheur du guymelef. Van le fit entrer dans la grotte, sans se soucier des gardes qui appelaient à l’aide. Il avançait, tuant tout ceux qui se trouvaient sur son passage, habité d’une rage et d’une haine terrifiante.
L’homme-chien qui leur apportait tous les jours à manger entra dans la cellule, et Dryden le frappa de toutes ses forces. Etourdi, l’homme-chien lâcha l’écuelle que Dryden ramassa, et le frappa de nouveau plus fort. Cette fois, il s’écroula. Dryden savait que ça ne servait à rien de tenter de s’échapper, on les rattraperait dès qu’ils auraient mis le pied dehors. Mais il devait essayer. Peut-être qu’il réussirait à convaincre les Sorciers de donner des soins à Hitomi. La jeune fille se leva, faible, et Dryden s’approcha d’elle pour la soutenir. Et soudain, elle releva la tête, le visage illuminé par la joie.
– Il est là !
– Pardon ?
– Van ! Escaflowne ! Il est là ! Je le sens ! Je savais qu’il viendrait, je le savais !
Dryden, perplexe, s’arrêta et essaya d’écouter. Au loin, des cris. « C’est quoi encore ce délire ? » fit-il.
Tous fuyaient devant la rage du guymelef blanc qui fauchait les vies sans distinction, progressant inexorablement vers la salle principale.
Van découvrit les cages où étaient enfermés les Morphs et les délivra avant de repartir vers la salle d’expérience.
Il y entra, sa rage décuplée devant les visages calmes et réprobateurs des Sorciers. « Meurs ! » hurla-t-il en tuant deux Sorciers d’un coup. Leur sang gicla un peu partout autour d’eux, et Van, en tournant les yeux, aperçut soudain une lueur rose. « Le pendentif d’Hitomi ! »
Il sortit d’Escaflowne, et prit le bijou doucement dans sa main avant de se tourner vers les Sorciers. « Où l’avez-vous pris ? cria-t-il. Hitomi le portait lorsqu’on l’a enterrée ! Répondez-moi ! » Mais les deux hommes ne faisaient pas attention à lui.
– Ainsi, la preuve est faite fit l’un d’eux. Il n’est pas possible de séparer le Pouvoir Double.
– Non, acquiesça l’autre gravement. Et nous n’avons été que des pions dans le jeu du Destin afin qu’ils soient de nouveau réunis.
Haineux et furieux de ne pas comprendre, Van les transperça de son épée et détruisit toutes les machines qui se trouvaient à sa portée.
Et puis doucement, envahi soudain d’une profonde tristesse et d’un épuisement sans raison, il accrocha le pendentif autour de son cou. Il ne savait pas comment il était arrivé là, et ne le saurait sans doute jamais, mais ce n’était pas important. Sans un regard pour les corps des derniers Sorciers de Zaïbacher, il remonta dans son guymelef. « Viens, Escaflowne. Allons débarrasser cet endroit de ses derniers rats. »
Dryden et Hitomi virent des gardes courir devant leur cellule grande ouverte sans faire attention, l’air terrifié. Quelques instants plus tard, un immense pied de métal blanc passa en travers de la porte. Les yeux brillants, Hitomi se dégagea du soutien de Dryden et sortit dans le couloir. « Van ! » appela-t-elle.
Dans le cockpit, Van se figea. Cette voix, cette voix chérie…cette voix inespérée, disparue… « Van ! répéta la voix fantôme. Attends. »
Lentement, pétrifié, fit tourner Escaflowne. A travers le cockpit, il aperçut la silhouette fine d’Hitomi, dans la robe qu’elle portait le jour de sa mort, couverte de sang, un sourire sur les lèvres. Mécaniquement, le jeune homme sortit de son guymelef qui prit automatiquement sa forme de dragon. Lentement, sans hâte, les yeux fixés sur l’apparition, Van franchit la distance qui l’en séparait. Il s’arrêta à moins d’un mètre d’elle, et la gorge serrée, tendit son bras. Il avait l’impression d’avoir fait un bond de trois ans en arrière dans le temps, à cet instant où Hitomi lui avait dit qu’ils ne devaient plus se voir, lorsque sa main avait traversé son visage sans le toucher.
Mais cette fois, sa main se posa sur la joue de la jeune fille dont les yeux brillaient de larmes contenues. Doucement, Van la fit glisser jusqu’aux lèvres entrouvertes d’Hitomi, et sentit sur ses doigts un souffle léger. Un souffle de vie.
Quelque chose d’énorme grandit dans sa poitrine et remonta dans sa gorge. La voix coupée, soudain vide de tout, il ne put que l’attirer contre lui, la serrer dans ses bras.
– Hitomi…finit-il par murmurer. Hitomi…tu…tu es vivante…Je te croyais morte…je croyais que…t’avoir perdue…
– Je suis là, Van, fit la jeune fille sur le même ton. Je t’ai attendu. Je savais que tu viendrais.
– Hitomi…j’ai tellement de choses à te dire…tellement…
Et là, peut-être, Van aurait pu parler, combler trois années de silence. Mais Dryden sortit de l’ombre. « Allez, les jeunes, c’est pas le moment ! On pourrait peut-être sortir, maintenant ? Je te rappelle que Hitomi est blessée. » Van, sans s’étonner de la présence inexpliquée de Dryden, acquiesça. Il prit Hitomi dans ses bras et monta sur Escaflowne.
– Grimpe derrière, dit-il à Dryden.
– J’ai toujours rêvé de faire un tour sur ton guymelef ! avoua le marchand.
– Tiens-toi bien, dit Van à Hitomi, la tête posée sur l’épaule du jeune roi.
– Je ne te lâche pas, répondit-elle.
Sa douleur n’existait plus. Elle sentit le dragon s’envoler, et au bout de quelques instants, la lumière du soleil l’éblouit. Ils étaient libres.
Van ne sentait plus rien. Il était comme anesthésié, voguant dans une brume douce. Il ne se posait plus de questions, ne cherchait pas à comprendre. La seule chose qui comptait, c’était qu’Hitomi était là, devant lui, contre lui. Le reste n’avait pas d’importance.
Au bout de quelques heures, Van aperçut le Croisé. Le visage radieux, il fit signe au pilote éberlué de se poser.
Quelques minutes plus tard, Allen, Merle et Mirana descendaient du vaisseau. Van et Hitomi avancèrent vers eux, et bientôt ce ne fut plus que hurlements de surprise, de joie, crises de larmes de bonheur. Hitomi répondait à ces marques d’affection par un sourire, trop fatiguée et trop faible pour faire plus.
Van résuma en quelques mots son voyage jusqu’à ce qu’il retrouve Hitomi, puis s’arrêta de parler. Il s’effaça, dévoilant Dryden adossé à Escaflowne, qui leur fit un signe de salut. Le visage de Mirana se figea et Allen eut un sourire un peu résigné. Puis soudain, la jeune reine se mit à courir et se jeta dans les bras de Dryden embarrassé.
Allen se sentait soudain seul, isolé des autres, de leur bonheur.
Hitomi sentit soudain un frisson glacé la parcourir.
– Hitomi ? Qu’y-t-il ? demanda Van, attentif et inquiet.
– C’est…Van… !
Une voix forte et ironique brisa soudain l’harmonie de l’instant.
– Oh ! Quelle chance ! La joyeuse bande réunie ! Je vous ai manqué ?
Un guymelef rouge. Une voix.
– Dilandau ! s’écria Van.
– Séréna ! hurla Allen.
– Monte dans ton guymelef, dragon ! Bats-toi !Maintenant que nous sommes à armes égales, je veux te prouver une bonne fois pour toute que je suis le meilleur !
– Ne lui fais pas de mal ! supplia Allen en voyant Van monter dans Escaflowne.
– Ne t’inquiète pas, répondit le jeune homme, parfaitement confiant et calme.
Le combat allait enfin commencer. « Cette fois je vais te détruire, Van Fanel ! »
Dilandau se sentait heureux comme jamais. Il allait enfin réaliser son rêve.
« Je te pardonne » fit soudain une voix douce en lui.
– Hein ? Qu’est-ce que c’est ?
« Je te pardonne. Je sais combien tu as souffert… »
– Que…Tais-toi ! hurla-t-il devant les autres, sidérés.
« Je sais ce que tu as subi, et je comprend ta souffrance. Je te pardonne. Soyons amis. »
Dilandau se mit à hurler. « Soyons amis », répéta la voix.
Une douce chaleur envahit Dilandau, le berça. Il se sentait calme, comme il ne l’avait jamais été. La voix l’appelait. « Attends-moi ! » cria-t-il. Quelque chose lui disait qu’il fallait suivre cette voix, que tous ses désirs en seraient exaucés.
Van vit Dilandau être éjecté de son guymelef, tomber à genoux, ses cheveux passer du gris au blond, du blond au gris sans discontinuer, et soudain se stabiliser.
Séréna leva ses yeux bleus stupéfaits vers son frère. « Il est parti, murmura-t-elle. Il est parti.»
Elle se mit à pleurer et Allen vint la prendre dans ses bras, heureux et soulagé.
C’était fini. Dilandau ne reviendrait plus.
Hitomi entra dans sa chambre. La nuit venait de tomber. Elle ouvrit les portes du placard, regarda avec regret les robes chatoyantes qu’elle ne mettrait plus jamais, et prit ses propres vêtements. Elle ouvrit son sac sur son lit et commença à y plier ses affaires.
Trois semaines déjà étaient passées depuis que Van était venu la chercher. On avait ouvert « sa tombe ». Dedans, une jeune Morph au visage torturé. Dryden pensait que les Sorciers avaient dû la tuer, puis utiliser ses pouvoirs dans sa mort pour qu’elle prenne l’apparence d’Hitomi. On avait rendu la pauvre à son peuple.
Dryden et Mirana semblaient s’être réconciliés, mais le jeune marchand était resté sur sa décision, et Mirana avait l’air de l’avoir acceptée.
Elle avait rendu son rang à Allen, innocenté, et lui avait demandé de revenir à Pallas. Après beaucoup d’hésitations, le chevalier avait refusé. Il avait promis à Cid. Mais Allen et Mirana se voyaient souvent, et Hitomi pensait qu’ils finiraient par se retrouver.
Séréna semblait plus heureuse maintenant, comme délivrée, et se comportait désormais comme une jeune fille normale de son âge.
Tout était redevenu normal. Il était temps pour elle de partir. De retourner vers la Terre, vers sa famille, Yukari, Amano…et Shinji.
Van était resté le même. Dès leur retour de Fanélia, il avait repris son attitude lointaine et occupée, demandant aux autres de s’assurer qu’elle aille bien, faisant tout pour qu’elle n’ait aucun problème, assurant son confort. Mais lui n’était jamais là. Il passait de temps à temps, lui demandait si tout allait bien, et repartait aussitôt comme s’il fuyait. Comme s’il la fuyait. Elle n’avait pas été seule avec lui une seule fois, et elle avait fini par croire qu’il ne voulait pas que quoique ce soit arrive.
Elle avait eu beau se dire que c’était mieux ainsi, que de toutes façons Shinji l’attendait, elle se sentait déçue, vaguement malheureuse, et elle ne pouvait pas oublier le contact des doigts de Van sur ses lèvres. Elle aurait voulu pouvoir lui parler avant de partir.
Hitomi ferma son sac d’un coup sec, le mit en bandoulière et se retourna. Merle, devant la porte, la regardait d’un air accusateur.
– Tu t’en vas, dit-elle. Je savais que dès que tu serais guéri, tu essaierai de t’enfuir.
– Je ne m’enfuis pas, Merle, répliqua Hitomi. Je rentre chez moi.
– Tu ne vas même pas dire au revoir à Van ?
– Pourquoi je rendrais les choses encore plus difficiles ? Ce n’est pas la peine.
– Mais il t’aime ! s’écria la fille-chat.
Hitomi garda le silence, et ouvrit la porte de sa chambre. « Tu me manqueras, Merle. » dit-elle avant de sortir.
Merle regarda Hitomi partir avec un désespoir mêlé de colère. Elle n’avait pas le droit. Non, elle n’avait pas le droit de faire ça à Van.
Pleine de rage, elle bondit dans le couloir, et courut dans le bureau de travail de Van. Il était seul, et ne semblait pas vraiment concentré.
– Merle ! Qu’est-ce que tu fais là ?
– C’est Hitomi, maître Van ! Elle s’en va !
Le visage du jeune homme se figea, une expression de douleur passa dans ses yeux, mais il ne bougea pas.
– Alors ça y’est…murmura-t-il.
– Mais qu’est-ce que tu fais ! hurla Merle, hors d’elle. Ne la laisse pas partir !
– Ella a fait son choix.
– Son choix ? Quel choix ? Tu ne lui as jamais laissé le choix ! Tu n’étais jamais là, tu ne venais jamais la voir, tu ne lui as jamais rien dit ! Il n’y avait rien à choisir !
Van ne dit rien. Merle, exaspérée, lui tira le bras.
– Lève-toi ! Va lui parler ! Il est encore temps !
Van leva les yeux vers la Forêt des Dragons. Il déploya ses ailes sans prévenir et Merle recula. Il ouvrit la fenêtre, prit son envol. Merle poussa un cri de joie.
Hitomi sprinta en entrant dans la forêt. Elle arriva dans la clairière, s’avança devant la tombe de Folken. « Adieu, Folken, murmura-t-elle. Merci pour tout. »
La gorge serrée, elle prit la pierre de son pendentif dans sa main. Au même instant, un bruissement la fit se retourner. Van, le corps éclairé par la lumière de ses ailes mais le visage dans l’ombre, venait de se poser à quelques mètres d’elle.
– Tu pars ? demanda-t-il.
– Oui. Tout est fini, non ? Tu n’as plus besoin de mes pouvoirs.
Van se crispa, la gorge nouée. Pourquoi c’était aussi difficile de parler ? Pourquoi est-ce qu’il n’y arrivait pas ?
– Ce n’est pas de tes pouvoirs dont j’ai besoin…finit-il par dire. Enfin…ce n’est pas le plus important. Je…je veux dire…
Il se tût, cherchant ses mots, furieux contre lui-même. C’était bien plus facile d’affronter toutes les armées de Zaïbacher ! Hitomi ne bougeait pas.
– Toi aussi tu es importante, dit-il. Enfin, tu vois…tu comprends…
Hitomi secoua la tête négativement, la gorge serrée. « Dis-le, Van, pensait-elle. Dis-le ! Je t’en prie…Dis-le ! »
– Quand j’ai cru que tu étais morte, j’ai…j’ai vraiment eu mal, dit-il très vite. J’ai cru mourir aussi. Et je ne te sentais pas près de moi, je croyais que tu m’en voulais…Mais j’ai compris quelque chose. Que tu sois morte ou que tu sois en vie, j’ai du mal à vivre sans toi. Hitomi, ce que je veux dire…je voudrais…que tu restes ici. Que tu restes avec moi pour toujours. Je…
De nouveau, Van s’arrêta, et Hitomi frémit. Pourquoi, si près… ?
« Je t’aime. »
Un souffle de vent vint agiter les ailes lumineuses, éclairant le regard du jeune roi.
« C’était important pour moi que tu le saches », ajouta-t-il.
Hitomi lâcha son pendentif et leva son visage vers le ciel, sentit couler des larmes sur ses joues. Trois ans, trois ans qu’elle attendait qu’il le dise.
Déconcerté et mortifié par ces larmes auxquelles il ne s’attendait pas, Van s’affola :
– Je n’aurais pas dû ? Excuse-moi, Hitomi, je ne voulais pas te faire de peine. Oublie.
Mais elle le regarda, un sourire lumineux sur ses lèvres, essuya ses larmes du revers de sa main et dit d’une voix tremblante :
– Non, Van. C’est juste que…je suis tellement heureuse.
Il s’avança vers elle, hésitant, et posa sa main sur la joue de la jeune fille. Il n’était pas encore tellement sûr.
– Oui, murmura-t-elle.
Van la regarda sans comprendre, et Hitomi leva des yeux rayonnants vers lui.
– Oui, je veux rester avec toi pour toujours.
Van voulut dire quelque chose, mais sa gorge était tellement serrée qu’aucun son n’en sortit. Alors, sans rien dire, il la prit dans ses bras, la serra contre lui à l’étouffer, se demandant si elle n’allait pas disparaître brusquement.
Mais Hitomi était là, avec lui, pour de bon. Doucement il l’écarta de lui, la regarda de nouveau. Elle souriait. Alors, il se pencha sur elle, posa ses lèvres sur les siennes et l’embrassa, pour la toute première fois.
EPILOGUE :
La jeune fille entra dans la maison. Une femme au visage grave semblait l’attendre dans le salon, elle ne dit rien en la voyant s’avancer vers elle.
– Je vais me marier, dit la jeune fille.
Le femme hocha la tête. Son enfant revenait pour lui dire qu’elle partait.
– J’expliquerai à ton père et ton frère, dit-elle seulement.
– Je reviendrai, Maman. Dans pas longtemps. Je passerai pour vous voir et vous raconter.
– Tu as vu Yukari ?
– Oui. Elle…elle a dit qu’elle savait que ça se finirait comme ça.
– Alors sois heureuse. Et reviens vite nous voir, fit la femme, la gorge serrée.
La jeune fille hocha la tête, et en sentant des larmes couler sur ses joues, se jeta dans les bras de sa mère. « Je t’aime, Maman. Je te promets que je reviendrai. Je vous le présenterai. Il te plaira, tu verras. »
Et la jeune fille s’arracha aux bras et aux sanglots de sa mère, s’enfuit pour ne pas se retourner. Il lui restait une chose à faire.
Le garçon se tenait devant elle, dans l’embrasure de la porte, le regard dur.
– Je m’en fous, dit-il. Pars où tu veux, avec qui tu veux. Je m’en fous.
La jeune fille baissa la tête, malheureuse.
– C’est tout ce que j’étais pour toi ? continua le garçon. Une page de pub ? Un passe-temps ?
– Comment peux-tu dire ça ? s’écria la jeune fille, blessée. Tu sais que ce n’est pas vrai !
Le garçon haussa les épaules. « Va-t-en, dit-il en refermant la porte. Je m’en fous. »
La jeune fille avança sur la piste d’athlétisme. Elle s’arrêta au milieu et prit le pendentif rose qu’elle portait autour du cou dans ses mains.
– Attends ! cria une voix.
Elle se retourna. Le garçon courait vers elle. Il s’arrêta à quelques mètres d’elle, avec au fond des yeux une lueur désespérée.
– Ce n’était pas vrai, dit-il. Je ne m’en fous pas. Si je pouvais te retenir, je le ferai. Mais je sais que ce n’est pas la peine. Je ne veux pas que tu me détestes. Alors…essaye au moins d’être heureuse, d’accord ? Promets-moi d’être heureuse.
– Promis, fit la jeune fille, la gorge serrée. Merci.
Une lueur bleue jaillit du ciel, et emporta loin du regard embué du garçon cette fille qu’il avait cru quelques temps être à lui.
Hitomi ouvrit les yeux sous la chaleur du soleil de Gaia. En face d’elle, assis contre la tombe de Folken, Van lui sourit.
Fin