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Les Ombres de Gaia
Genre : romance
Rating : PG
Année : mars-avril 2001

 

Troisième partie : Illusions

La nuit était tombée doucement sur Gaia. Hitomi sortit sur le balcon, et s’accouda à la balustrade. La soirée était superbe, les étoiles brillaient comme des diamants et un vent léger bruissait dans les arbres. Elle ferma les yeux, elle se sentait bien, calme.

Ça faisait déjà une semaine que Van et Hitomi était revenue. Ils avaient trouvé Fanélia très agitée, et Allen complètement débordé, mais qui semblait malgré tout contrôler la situation. La nouvelle du retour du roi s’était propagée comme un éclair dans tout le pays, et tout redevint normal.

Allen avait demandé des « jours de congé » à Van, et il était allé passer quelques jours à Fleid pour voir sa sœur. La veille, il était revenu à Fanélia avec de bonnes nouvelles : Séréna semblait totalement guérie, elle n’avait pas fait de crises depuis longtemps. De plus il avait parlé à Cid. Le jeune garçon avait accepté sa nouvelle identité, et demandé à Allen de venir vivre à Fleid après la capture des Sorciers.

Une grande complicité liait Séréna et Cid. Tous deux étaient perdus, ne savaient plus qui ils étaient mais Séréna en étant considérée comme une personne normale par le jeune garçon avait repris confiance en elle, et Cid retrouvait l’affection maternelle qui lui avait été retirée trop tôt, et il n’avait jamais été aussi heureux et calme.

Hitomi était heureuse pour eux. Comme avait dit Van, c’était bien qu’il y ait au moins certains d’entre eux qui avaient le cœur en paix.

Une ombre atterrit soudain près d’elle, et elle sursauta. Une frimousse espiègle la regarda.

– Merle, arrête de me faire des peurs pareilles ! Tu ne peux pas entrer par la porte, comme tout le monde ?

La fille-chat haussa les épaules.

– Viens, dit-elle. J’ai une surprise !

– Une surprise ?

– Allez, suis-moi !

Merle attrapa la main d’Hitomi et la tira dans tout le palais jusqu’aux cuisines silencieuses. Là, Merle sortit d’une de ses poches une petite clef et ouvrit la porte de service. Elle se tourna vers Hitomi qui avait l’air d’hésiter.

– Merle, il fait nuit ! Tu ne crois pas que…

– Arrête ! On ne risque rien.

Merle lui prit de nouveau la main et la tira dehors, referma la porte. « Suis-moi ! »

Hitomi n’avait pas vraiment le choix, et puis elle était curieuse de voir ce que Merle voulait lui montrer. Elle s’effraya lorsque la fille-chat les fit sortir de la ville.

– Mais où tu m’emmènes ?

– C’est une surprise, je te dis ! Dépêchons-nous ou on va rater le début…

Elles longèrent la Forêt des Dragons, puis, y entrèrent. Au bout de quelques minutes de course, Hitomi vit au loin des lumières, et entendit de la musique. Elles entrèrent dans un village d’hommes-loups. Des feux étaient allumés partout, les gens paraissaient très joyeux, l’ambiance était à la fête. Merle semblait elle aussi participer à l’atmosphère générale, elle sautait sur place, surexcitée.

–Génial ! On est arrivées à temps !

Elle entraîna Hitomi sous le couverts d’arbres, et lui dit de s’asseoir. « Ne bouge pas, recommanda-t-elle, ne fais pas un bruit avant que je vienne te chercher. »

Puis la fille-chat disparut. Un peu perdue, Hitomi s’assit et attendit que quelque chose se passe. Au loin, elle aperçut Luhm qui la vit et lui sourit.

Les gens se regroupaient face à une sorte d’autel. et puis soudain, la musique cessa, les bavardages se turent et un grand silence s’installa. Merle apparut soudain près d’Hitomi, l’air radieux, et s’assit à côté de la jeune fille.

– Merle, qu’est-ce qu’il se passe ?

– Chut ! Regarde !

Le rythme d’un djembé sembla naître du silence même, et une dizaine de petits feus s’allumèrent comme par magie. Leurs flammes dansantes et la musique sourde donnaient une atmosphère fantastique de mystère, et Hitomi, captivée, regarda Luhm et une femme-loup portant un bébé minuscule s’avancer au milieu du demi-cercle de feu. « C’est Lima, l’épouse de Luhm, murmura Merle. Et dans ses bras, c’est leur enfant. »

Hitomi ouvrit de grands yeux stupéfaits. En face du couple s’avançait maintenant Van, le visage grave, vêtu de ses vêtements de cérémonie royaux. « Ça lui va bien, pas vrai ? » fit Merle, très fière. Hitomi acquiesça, prise d’un trouble inexplicable. Avec cet air sérieux et cette armure, il ressemblait plus que jamais à un roi.

Lima, l’air très ému, posa avec tendresse le bébé sur l’autel. Van sortit alors son épée du fourreau et se fit une entaille au pouce. Quelques gouttes de sang perlèrent, et avec douceur, il traça un demi-cercle pourpre sur le front du petit être.

« C’est une cérémonie importante dans la vie d’un homme-loup, expliqua enfin Merle. C’est le jour où on lui donne un Protecteur. Un Protecteur s’engage à prendre soin de son Protégé toute sa vie, à aider les parents pour que l’enfant ait une éducation choyée. C’est un grand honneur d’être choisi comme Protecteur, c’est une profonde marque de confiance. Ce soir, l’honneur est dans les deux camps. Quand Luhm a demandé à Van d’être le protecteur de son fils, il a été très ému d’avoir été choisi. Il sait combien cette nomination est importante pour les hommes-loups. Mais Luhm et Lima sont honorés aussi car il est roi et il aurait pu refuser.»

Hitomi eut un sourire involontaire. Elle reconnaissait Van dans cette façon d’agir, simple et sans vanité. Qu’aurait pensé Elianor si elle avait su ?

Luhm prit le bébé dans ses mains et le leva au-dessus de lui. « Tu as reçu un Protecteur, dit-il. Comme le veut la tradition, reçois aussi une partie de son nom. Je te nomme Slan, fils de Luhm et de Lima, Protégé de Van Slanzar de Fanel ! »

Il remit alors l’enfant à Van, qui d’un geste plein de douceur, le rendit à sa mère. Et soudain jaillit de toutes les bouches le hurlement du loup, l’annonce faite à Gaia toute entière de l’avènement d’une nouvelle vie sur la Terre des Dragons.

La musique reprit, les bavardages joyeux aussi et Merle bondit sur ses pattes. « Viens, dit-elle à Hitomi, on va rejoindre Van ! »

La fille-chat tira la jeune Terrienne à travers la foule bruyante et joyeuse. Hitomi aperçut Van avec Lima et Luhm, il avait de nouveau le bébé dans les bras. Son visage était si radieux, si apaisé…Hitomi ne l’avait vu que rarement aussi détendu. Il riait en regardant l’enfant qui lui avait attrapé le menton dans sa main minuscule. La jeune fille sentait monter en elle une émotion douce. « Il sera sûrement un excellent père » songea-t-elle avec un sourire un peu lointain. Puis, effrayée par cette pensée qu’elle avait eue sans le vouloir, elle s’arrêta. Merle bondit vers le jeune homme.

– Maître Van ! ! !

– Ah, Merle, tu es là, fit-il en se tournant vers elle, souriant.

Son sourire se figea lorsqu’il aperçut Hitomi.

– Hitomi ? Tu…tu étais là toi aussi ?

La jeune fille s’approcha d’eux.

– Oui, dit-elle. Merle m’a amenée.

Van lança un coup d’œil à la fille-chat qui faisait semblant de regarder ailleurs. Il se sentait soudain très gêné et tendu, et même presque stupide avec Slan dans les bras.

Hitomi avait tout de suite senti sa tension, et elle était désolée de le rendre si nerveux. Mais elle se sentait aussi blessée qu’il ne veuille pas lui montrer ses émotions ; il n’était jamais lui-même avec elle, il jouait toujours un rôle, soit le Roi, soit le Guerrier…

– Au fait, fit-il, je te présente Lima.

Le Terrienne et la femme-loup se saluèrent d’un sourire chaleureux.

– Votre bébé est adorable, dit Hitomi.

Elle se tourna vers Van. « Je peux le prendre un peu ? »

Van lui tendit le bébé avec douceur et elle le prit dans ses bras. Luhm et Lima regardèrent la scène, complices ; Merle et Hitomi faisant des grimaces pour Slan qui se mit à gazouiller de plaisir, et Van qui ne lâchait pas la jeune Terrienne du regard.



Allen Schézar descendit une dernière fois dans le hangar à guymelefs pour le fermer. A sa grande surprise, il tomba sur Van, près d’Escaflowne.

– Van ? Qu’est-ce que tu fais là ? Je croyais que tu étais au village des hommes-loups !

– Je suis parti un peu plus tôt, répondit-il sans le regarder.

Le jeune roi grimpa sur Escaflowne, et posa sa main sur le cœur d’énergist. Le guymelef s’ouvrit sans résistance, et Van entra dans le cockpit.

– Qu’est-ce que tu fais ? demanda Allen, intrigué.

– Je vais chercher Merle et Hitomi, répondit-il en changeant Escaflowne en dragon.

Le guymelef s’envola et disparut dans le ciel. Allen haussa les épaules, et rentra au palais.



La fête se termina vers minuit, Hitomi commençait à fatiguer. Van vint la chercher près de Lima pour lui dire qu’ils allaient rentrer.

– Maître Van ! appela Merle en courant vers lui.

– Qu’est-ce qu’il y a, Merle ?

– Je peux rester cette nuit, s’il te plaît ? Je rentrerai demain matin !

– Si tu veux, répondit Van.

Merle lui sauta au cou et disparut dans le village. Van se tourna alors vers Hitomi. « On y va ? ». Ils saluèrent les gens qui les avaient accueillis et sortirent du village.

Un silence s’installa entre eux, et Hitomi calcula qu’il ne serait pas au palais avant une petite heure. Une heure à marcher près de Van, dans ce silence nerveux et plein de sous-entendus. Hitomi comprit qu’elle avait, inconsciemment, mentit à Shinji. S’il n’y avait réellement plus rien entre Van et elle, s’ils n’étaient réellement plus que des amis, ce silence tendu n’existerait pas. Ce silence fait de frustration douloureuse, de sentiments arrachés, d’espoirs déçus…Ce silence qu’ils craignaient tous les deux plus que tout voir s’installer, et qui maintenant était là, sournois, comme une ombre malfaisante.

Ils marchèrent quelques temps dans cette atmosphère étouffante de paroles interdites, et puis soudain, Van s’arrêta, à bout. Cette situation ne pouvait plus durer. Il fallait mettre les choses à plat, s’expliquer une bonne fois pour toute, mettre son orgueil de côté.

– Hitomi…

La jeune fille s’immobilisa, tendue, les nerfs à fleur de peau. Elle n’entendait plus rien, ni le vent dans les arbres, ni les bruits habituels de la nuit. Elle n’entendait que les battements sourds de son cœur et la voix de Van qui répéta son nom.

– Hitomi…

Soudain, l’éclair blanc, et la vision de Van étendu au sol, couvert de sang. Elle se retourna et poussa le jeune homme en hurlant : « VAN ! Attention ! »

Etourdis par leur chute, Van et Hitomi se redressèrent. A l’endroit où était le jeune roi était à l’instant, épée en avant, ils reconnurent l’énorme masse blanche du guymelef d’Ispano.

– Escaflowne ? ! s’écria Van, sidéré. Qu’est-ce que…

Le cockpit s’entrouvrit, laissant apparaître un tee-shirt rouge et un visage connu aux yeux meurtriers.

– Van ? fit Hitomi, perdue. Co…comment peux-tu être là, et avec Escaflowne ?

– C’est un Morph ! gronda le jeune homme.

– Un Morph ? C’est impossible ! Il aurait fallu qu’il aspire ta vie pour prendre ton apparence ! Et de toutes façons, Escaflowne ne répond qu’à ton appel, n’oublie pas le pacte de sang !

– Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais il va payer !

Van retira son armure et fit apparaître ses ailes. « Je vais essayer de reprendre le contrôle d’Escaflowne, dit-il à la jeune fille. Toi, mets-toi à l’abris. »

Hitomi acquiesça, et, inquiète, s’éloigna un peu. Van s’envola, concentré, cherchant à atteindre Escaflowne par l’esprit pendant que le pilote dans le guymelef essayait de l’atteindre avec l’épée. « Escaflowne ! Tu as trahi le pacte du sang ! Comment peux-tu te laisser abuser par cette illusion ? Escaflowne ! Reviens-moi ! »

Le guymelef s’arrêta soudain, comme déconcerté par ces ordres contradictoire. Le pilote furieux lui ordonna de lui obéir. « Je suis le seul Van Fanel ! » hurla-il d’une voix de dément. Et soudain, l’énorme main d’Escaflowne se leva et attrapa Van comme s’il s’agissait d’un simple moustique, et le serra à l’étouffer. Des deux Van, il avait choisi celui qui avait les instincts les plus guerriers, les plus meurtriers. Le pilote.

– Van ! hurla Hitomi.

– Va-t-en ! répliqua le jeune roi. Cours !

– On va s’occuper d’elle, dit le pilote, de plus en plus fou furieux.

En quelques pas, le guymelef fut près de la jeune fille. « Hitomi ! hurla Van. Non ! Ne la touche pas ! »

Le pilote éclata d’un rire dément, et leva haut l’épée du guymelef, prêt à la tuer d’un seul coup. L’arme resta un instinct suspendu en l’air ; et soudain, un hurlement de terreur et de rage jaillit du guymelef. « NOOOOOOOOOOOOON ! »

Le cockpit s’ouvrit d’un coup, projetant le faux Van à terre, qui reprit l’apparence d’un Morph. Dans sa main, une plume, et son corps était peint avec du sang.

Le Morph avait fait une erreur en essayant de tuer Hitomi. Escaflowne était empreint de l’esprit de Van, et pour rien au monde le roi n’aurait voulu faire de mal à la jeune fille. Le guymelef reposa doucement Van au sol, et prit son apparence de dragon.

Van reprit son souffle, et leva les yeux vers Hitomi qui semblait encore terrifiée. Il allait parler, la rassurer lorsqu’un éclair blanc jaillit des arbres. « Une lame de fluide ! » cria Van.

La lame traversa à toutes vitesses l’espace qui la séparait d’Hitomi.

La jeune fille sentit quelque chose lui brûler la poitrine, et entendit la voix de Van comme enveloppée de brume qui hurlait son nom. Elle mit ses mains sur la douleur, et les regarda. Elles étaient couvertes de sang. « Je vais mourir, comme dans mon rêve, murmura-t-elle en tombant, étrangement calme, et comme dans ma vision. Est-ce que c’est une illusion ? »

Elle ferma les yeux.

Van, fou de terreur, voulut se jeter vers elle, mais quelque chose lui frappa violemment la tête, et il sombra dans l’inconscience.

Lorsqu’il rouvrit les yeux, il sentit quelque chose de chaud couler sur son visage. Du sang. Il s’essuya, et tendit la main. Près de lui, un autre corps. Se souvenant soudain, il se leva d’un bond et s’agenouilla devant Hitomi.

Sa robe était couverte de sang.

« Réveille-toi, Hitomi ! Allez, lève-toi ! » Il la secoua, la souleva contre lui, posa sa main sur son cœur. Pas de battements. Pas un seul souffle entre ses lèvres.

Les pupilles de Van se dilatèrent sous l’effet de la douleur. « NOOOOOOOOON ! hurla-t-il. HITOMI ! » Il se leva, le regard fou, brandit son épée. « Où êtes-vous, bandes de lâches ! Où êtes vous ? Je vous tuerai ! Je vous tuerai ! Je jure par mon sang et par ma vie que vous paierez pour ça ! Vous entendez ? Vous paierez ! »

Mais il n’y avait qu’Escaflowne et le Morph déjà mort pour l’entendre. Désespéré, il se laissa tomber à genoux devant le cadavre de la jeune fille. « Hitomi… »

Puis soudain, un sourire un peu fou apparut sur son visage. Il prit le corps sans vie d’Hitomi dans ses bras, le regarda avec tendresse, et monta sur Escaflowne. Sans la lâcher, il rentra au palais de Fanélia, rangea Escaflowne au hangar à guymelefs.

Il la porta à travers le palais, et, devant la chambre d’Hitomi, tomba sur Allen qui l’avait entendu rentrer. Inquiet en voyant le sang sur le visage de Van et sur le corps de la jeune fille, il demanda :

– Van ! Que se passe-t-il ?

– Chut, fit celui-ci avec un regard plein de douceur pour Hitomi. Elle dort. Elle est fatiguée.

De plus en plus inquiet, Allen le suivit dans la chambre où le jeune roi la déposa d’un geste tendre sur son lit.

– Dors bien, mon amour, murmura-t-il. Repose-toi. Demain, nous parlerons.

Allen poussa Van violemment et se pencha sur Hitomi. « Ne la réveille pas ! protesta Van. Elle est si fatiguée. »

Allen sentit son cœur arrêter de battre, leva son visage soudain livide vers le sourire plein d’amour du jeune roi. « Ce…ce n’est pas possible…pas…pas Hitomi…Pas elle ! »

La gorge d’Allen se serra. « Ce n’est pas possible, répéta-t-il, fou de chagrin. Hitomi ! »

Van le regarda en fronçant les sourcils. « Ne crie pas, chuchota-t-il. Tu vas la réveiller ! »

Allen comprit soudain. Van était en train de devenir fou. Oubliant sa propre douleur, il attrapa le jeune roi par les épaules et le secoua comme un prunier.

– Elle est morte ! hurla-t-il. Morte !

Van repoussa Allen.

– Elle dort. Laisse-la se reposer.

Allen gifla Van de toutes ses forces, le jeune roi recula, déséquilibré, la joue en feu.

– Hitomi est morte ! hurla de nouveau Allen.

– Tu mens, fit Van en le regardant avec rage. Tu mens !

– Elle est morte, Van ! répéta son ami avec désespoir. Et ce n’est pas en refusant ça que tu la feras revenir !

Furieux, Van sortit son épée et la pointa vers Allen.

– Tu mens ! hurla-t-il, les yeux pleins d’une haine effrayante. En fait tu es comme les autres, tu veux me la prendre ! Tous, vous vous voulez me la prendre et l’éloigner de moi ! Mais je ne vous laisserai pas faire !

– Alors tue-moi, Van, puisque ça te soulagera, répondit Allen d’une voix plus calme. Tue-moi, mais ça ne te la rendras pas. Hitomi est morte et tu ne peux rien y faire.

Les mains de Van tremblèrent, et il lâcha l’épée. Il se laissa tomber sur les genoux, baissa la tête. Des larmes se mirent à couler sur ses joues, et il frappa le sol de son poing avec rage et douleur.

– Un guymelef à cape mimétique…une lame de fluide…ils l’ont tuée…et je n’ai rien pu faire ! Rien ! hurla-t-il sans faire attention aux larmes qui coulaient toujours sur son visage. Je n’ai pas su la protéger !

– Ce n’est pas de ta faute, Van.

Le jeune roi secoua la tête sombrement sans répondre. « Et je ne lui ai même pas dit combien je l’aimais ! Elle est morte sans savoir alors que j’aurais tout donné pour elle ! »

Allen, impuissant devant le chagrin destructeur de Van, ne dit rien. Lui-même avait trop mal pour pouvoir essayer de le consoler par des mots qui n’auraient eu aucun effet. Il savait que rien ni personne ne pourrait rendre au jeune homme ce qui lui avait été pris ce soir.

« Je me croyais invincible, poursuivit Van pour lui-même, je me croyais invincible, et je nous croyais immortels ! Quel imbécile ! Hitomi…Je te jure que je te vengerai ! Je te jure que je te vengerai, ils paieront pour ça ! Je les exterminerai tous, jusqu’au dernier ! »

Il leva ses yeux brouillés de larmes vers le fenêtre. « Jusqu’au dernier ! » hurla-t-il d’une voix remplie de haine et de souffrance.

Elianor, qui avait été attirée par le bruit, étouffa un sanglot et recula en silence, avant de s’enfuir dans le couloir sans se faire remarquer. Elle n’aimait pas Hitomi, mais elle n’avait jamais souhaité sa mort. Et à cet instant, elle la haïssait plus que tout au monde pour la souffrance qu’elle faisait éprouver à Van.

L’enterrement eu lieu quelques jours plus tard. Cid, Séréna et Mirana était venus, et tout l’équipage du Croisé et Luhm étaient aussi présent. Seule Elianor était restée au palais.

Van s’avança au milieu d’eux tous, ses compagnons d’aventure ensemble aujourd’hui autour de la mort de celle qui les avait tous réunis. Seul Dryden manquait à l’appel. Le jeune roi s’était refermé sur lui-même, s’était entouré d’une coquille de douleur. Ses yeux et sa voix n’exprimaient que la souffrance lorsqu’il prononça les paroles rituelles devant la tombe. « Que ton esprit rejoigne en paix le Dieu-Dragon. Tu ne mourras jamais car tu vis toujours en nous. »

Puis il se tourna vers ses amis, cherchant un appui, un endroit où reposer sa douleur. Mais autour de lui, il n’y avait que des visages tourmentés, Mirana seule dans un coin, en larmes, Allen, Séréna et Cid, serrés les uns contre les autres pour se soutenir, Gadès, Ort, Liden, Kio et les autres pour une fois silencieux et Merle, pauvre petite Merle qui s’accrochait en pleurant convulsivement à Luhm au visage triste.

« Regarde Hitomi, pensa Van, regarde ce que ta disparition nous fait. Regarde-les, tous ceux qui t’aimaient. »

Chacun était seul dans sa douleur, et Van était le plus seul de tous. Il avait attendu un signe d’Hitomi, désespérément, il aurait voulu sentir sa présence auprès de lui comme il sentait celle de son frère, de Vargas et de ses parents. Mais elle n’était pas là, plus là, son esprit était reparti vers la Lune des Illusions, vers l’autre, celui qui l’avait remplacé, probablement.

Van rentra seul au palais. Mirana retournait directement sur Pallas, Allen, Séréna et Cid restaient encore un peu avec Merle et Luhm près de la tombe. Van ne pouvait pas, cette tombe ne voulait rien dire pour lui, elle ne renfermait qu’un corps vide. La seule Hitomi qui lui restait était celle de ses souvenirs, et de ses regrets. Quelque chose en lui était mort avec elle.

A l’entrée du palais, il trouva Elianor, vêtue de noir, le visage pâle, entourée de ses serviteurs particuliers portant des malles.

– Je pars, dit-elle d’une voix tremblante. Nos fiançailles n’ont plus raison d’être. Je rêvais. Je faisais un beau rêve, mais je me suis réveillée. Pardonnez-moi.

Van garda le silence un instant, et Elianor, dans sa détermination, eu pourtant un instant l’espoir fou qu’il la retiendrait.

– Je suis désolé que ça se soit passé comme ça, dit-il seulement.

– Je suis désolée de n’avoir pas été celle que vous attendiez, répondit Elianor en étouffant les larmes qui lui brûlaient les yeux.

Elle monta dans son carrosse, et Van regarda le cortège s’éloigner jusqu’à ce qu’il disparaisse. Ce soir-là, lorsque Van entra dans sa chambre, il trouva sur son lit une image brillante représentant Hitomi en train de rire. L’image était tellement réelle qu’il en eut le cœur serré. Sans se demander d’où elle pouvait provenir, il se laissa tomber sur son lit en la serrant dans sa main, ferma les yeux sur les larmes qui recommençaient à glisser sur son visage. « Hitomi… »

Merle essuya les siennes d’un geste rageur et bondit sur le toit pour y pleurer en silence. Elle se sentait coupable, parce que c’était elle qui avait amené Hitomi sur Gaia.



Allen entra dans la chambre de sa sœur. Séréna, allongée sur son lit, pleurait. Il vint la prendre dans ses bras, le cœur serré.

– Arrête de pleurer, petite sœur.

– Hitomi…elle…elle est morte…

– Je sais, Séréna.

– Elle…elle est morte et…Ce n’est pas moi qui l’aie tuée !

Séréna repoussa violemment Allen, et se leva.

– C’est pas vrai ! s’écria-t-il.

Dilandau se tenait devant lui dans tout son mépris, la cicatrice de Van toujours sur son visage, et ses yeux rouge exprimant à la fois la haine et la stupéfaction.

– Qu’est-ce que je fais ici ? Qu’est-ce que tu m’as fait, bâtard ? Ah ! Ces vêtements de fille ! Jajuka ! Jajuka !

Les yeux de Dilandau se rétrécirent. « Jajuka…Non, c’est ce démon qui l’a tué, Van Fanel… Ah je le hais ! Que s’est il passé ? Où suis-je ? »

Allen, désespéré et tendu, n’osait pas bouger.

– Séréna…appela-t-il doucement.

– Sé…ré…na ? épela Dilandau. Pourquoi m’appelles-tu comme ça, Allen Schézar ? Qu’est-ce que tu m’as fait ?

– Calme-toi, fit Allen.

Dilandau éclata d’un rire dément. Se calmer ? Quel imbécile…Dilandau ne comprenait pas ce qu’il faisait ici, ni comment il y était arrivé. Et dans ces vêtements de fille ! Il se rappelait vaguement avoir été enfermé à Fleid, alors que Fleid avait brûlé…Il ne comprenait rien, et ça décuplait sa rage. Il commença à lancer des coups d’œil rusés autour de lui pour trouver un moyen de s’échapper. Il devait rejoindre Zaïbacher, se faire donner un nouveau guymelef. Folken ne pourrait pas lui refuser ça. Et il devait retrouver Van, lui faire payer. Il le haïssait tellement…Mais d’abord il fallait se débarrasser de ce crétin d’Allen Schézar.

La fenêtre, oui, bien sûr ! Grande ouverte…

– Ne bouge pas, Dilandau ! ordonna Allen.

Dilandau ricana. En trois bonds, il était devant la fenêtre. « Séréna ! » cria Allen, épouvanté. Dilandau sauta. Allen se précipita pour voir une ombre boiteuse se faufiler dans les arbres.



Elle flottait dans une brume chaude et protectrice. Son esprit était embrouillé, elle ne savait plus depuis quand elle était là, ni qui elle était mais elle s’en fichait. Elle était en sécurité. Quelque part, quelqu’un s’était mis à siffler doucement. Elle connaissait cet air…oui, elle l’avait déjà entendu. Le sifflement s’arrêta. « Allons, il est temps de se réveiller, maintenant » dit la voix. Une voix qu’elle connaissait. « Ouvre les yeux ».

– Hitomi ! Est-ce que ça va ? Réveille-toi !

« Allons, ouvre les yeux. » « Pourquoi ? Je suis bien, là. » « Ton temps n’est pas fini. Tu dois encore accomplir de grandes choses. » « Mais, Folken…Je suis morte… » « Ouvre les yeux »

– Ohé ! Hitomi ! Ah, rien à faire, elle veut pas se réveiller.

« Ouvre les yeux, ils t’attendent. » « Je… » « Rappelle-toi de ne jamais perdre confiance. Crois en tes rêves. » « Folken ! Attends ! »

Une lumière lui brûla les yeux lorsqu’elle voulut les ouvrir.

– Ah ça y est ! fit une voix joyeuse. Notre princesse se réveille.

– Dryden ?

Hitomi rouvrit les yeux. Au-dessus d’elle, c’était bien le visage enjoué du jeune homme. Elle se redressa avec une grimace de douleur. Quelque chose lui brûlait la poitrine.

– Eh ! Doucement ! Tu es gravement blessée.

– Dryden ? Que…qu’est-ce que tu fais là ?

– C’est toi, la nouvelle venue ! A toi de me dire la première.

Hitomi tourna la tête et regarda autour d’elle. Une grotte. Une porte en bois scellée. Elle se rallongea avec un gémissement de douleur et de désespoir.

– Les Sorciers ! Encore eux !

– Eh oui ! De vrais malades. Alors, raconte-moi un peu comment tu es arrivée là ? demanda-t-il en s’asseyant près d’elle.

Hitomi ferma les yeux un instant, essayant de se rappeler. Elle marchait avec Van…et la trahison d’Escaflowne…le Morph aux commandes…Escaflowne qui le rejette…et cet éclair blanc, la lame de fluide qui lui transperce la poitrine.

Elle raconta à Dryden ce qui s’était passé.

– Alors ils ont réussi…murmura-t-il.

– Réussi quoi ?

– A prendre l’Essence du Dragon.

– L’Essence du…Dragon ? Qu’est-ce que c’est ?

– Tu sais qu’Escaflowne ne peut être dirigé que par Van. Leur grande obsession depuis quelques temps, c’était de réussir à diriger Escaflowne. Pour ça ils avaient besoin de tout ce qui fait que Van est Van afin de créer un autre Van.

– Mais comment ? C’est impossible !

– Ils ont d’abord travaillé sur les Morphs, ont changé leur manière de se transmuter. Ils n’ont plus besoin d’aspirer la vie de leurs modèles. Mais évidemment ça crée des perturbations mentales. Ensuite, en général il leur suffit d’intégrer une mèche de cheveux ou quelque chose comme ça pour que le Morph prenne l’apparence de quelqu’un. Mais pour Van ça ne suffit pas. D’après ce que j’ai compris, ils avaient besoin du sang, des larmes, de la sueur et des plumes de Van pour capter son Essence. Mais sincèrement, je ne pensais pas qu’ils y arriveraient. Ça me paraissait infaisable.

– Comment tu sais tout ça ?

– Un homme très impoli vient m’informer régulièrement de ce qu’il se passe. Il paraît que j’ai mon rôle à jouer dans le plan des Sorciers, mais ça fait plus de six mois que je suis enfermé ici sans rien faire !

Hitomi ferma mes yeux, et essaya de réfléchir à tout ce qui s’était passé.

– Van ! Il doit être mort d’inquiétude ! s’écria-t-elle soudain. Pourquoi n’a-t-il pas essayé de me contacter ? Il faut que j’essaye de nous télétransporter hors d’ici…

Elle chercha son pendentif, mais ne le trouva pas.

– Ils me l’ont pris ! ragea-t-elle, furieuse. Dryden, tu n’aurais pas un morceau d’énergist ?

– Je suis désolé ! répondit-il en levant les mains en signe d’impuissance. Ma djellaba est aussi vide que la tête de ce pauvre Allen. A propos, comment va-t-il, ce cher garçon ? Je te parie la moitié de ma nouvelle flotte qu’il est le futur roi d’Astria !

Hitomi secoua la tête.

– Tu te trompes. Il est accusé du meurtre d’Elise et du roi Aston.

– Ils sont morts ? s’écria Dryden, sidéré. Et Allen les a tués ? ça je ne savais pas !

– Mirana est persuadée qu’il est le meurtrier, des gens l’ont vu. Mais lui affirme qu’il n’a rien fait, et je le crois, ajouta Hitomi.

– Alors c’était ça…fit Dryden, songeur. J’ai vu un Morph prendre l’apparence d’Allen. Je suppose que c’est lui qui les a tués.

– C’est merveilleux ! Tu vas pouvoir l’innocenter ! Il faut absolument qu’on sorte d’ici.

– Eh, doucement ma belle, calma le jeune marchand. Ça fait plus de six mois que je suis ici, et crois-moi, je ne suis peut-être pas plein de muscles et plein d’ardeur guerrière, mais j’ai de la cervelle. Y’a rien à faire pour sortir.

Déçue, Hitomi se rallongea. Mais soudain elle sourit.

– Van viendra me chercher, dit-elle. Je sais qu’il viendra.

– J’espère que tu as raison. Mais en attendant, j’ai encore perdu ma flotte ! Décidément, Hitomi, tu as le don de me ruiner ! Je ferai mieux de t’épouser, ça me coûterait moins cher !

– Dryden ! s’indigna Hitomi.

–Ouais, bon, ça va. Je plaisantais. Et puis c’est pas une très bonne idée. Van serait capable de venir me couper en rondelles.

Hitomi haussa les épaules et ferma les yeux. Il fallait qu’elle essaye d’atteindre l’esprit de Van. Elle pénétra doucement dans l’univers sombre. « Van ! Van ! » appela-t-elle, cherchant sa présence. « Où es-tu, Van ? »

Elle finit par sentir son énergie, mais lointaine, tellement lointaine. Elle le vit, là-bas, loin, trop loin d’elle. Elle hurla son nom plusieurs fois, cherchant à le rejoindre. Mais il ne répondait pas. Il ne l’entendait pas. Son esprit lui était fermé. « Pourquoi ? Pourquoi, Van ? » Elle cria de nouveau son nom, puis, désespérée, revint à la réalité.

Si Van ne l’entendait pas, il ne pourrait pas venir. Que se passait-il, à Fanélia ?



Les jours passaient, inexorablement, mais Van ne s’en rendait pas compte. Le temps ne comptait plus pour lui. Il ne pensait plus à manger, plus à dormir, et seuls les rappels discrets de Merle le ramenait de temps en temps à la réalité. Alors il se nourrissait et allait se coucher, plus par réflexe que par besoin.

Plus rien ne le touchait. Ni le retour de Dilandau, ni le désespoir d’Allen qui passait son temps à rechercher sa sœur, ni le chagrin de Merle. Il continuait à vivre et à respirer par simple habitude, et par devoir. Il ne pouvait pas mourir. Il était roi de Fanélia. Et il n’était plus que ça. Le Roi. Il ne s'entraînait plus, ne regardait même plus Escaflowne qui semblait être tombé dans la même catalepsie que son pilote, il ne souriait plus jamais, ne pleurait pas.

Van n’avait plus de rêves, plus de but. Il n’était plus qu’une coquille vide.

Et Merle ne savait plus pour qui pleurer. Pour la morte ou pour le mort vivant ?



Le jeune étranger entra dans le village. Les hommes se retournèrent, méfiants. Le jeune étranger avait déjà les cheveux gris, et d’étranges yeux rouges qui les mettaient mal à l’aise. Une cicatrice le défigurait. Il portait de vieux vêtements trop grands pour lui, maculés de taches brunes qui ressemblaient à du sang, et marchait pieds nus.

Il regarda autour de lui, l’air d’un animal à l'affût, et regarda les hommes.

– Je cherche quelqu’un pour m’emmener à Zaïbacher.

Malgré la stupidité de la demande, personne n’osa rire. Le jeune étranger possédait la voix de quelqu’un qui avait l’habitude de commander, et d’être obéit. Mais surtout, il avait la voix de quelqu’un de dangereux.

De très dangereux.

– Vous ne trouverez personne pour vous emmener à Zaïbacher, répondit Nenil.

Les yeux couleur sang de l’étranger se posèrent sur lui.

– Et pourquoi ? demanda-t-il sèchement. Vous obtiendrez une récompense.

– Quelque soit la récompense, personne ne voudra aller à Zaïbacher. D’où sortez-vous ? Tout le monde sait que la Citadelle est maudite, et que le fantôme du vieux Dornkirk y erre encore.

– Fantôme ? Dornkirk est mort ?

Surpris et inquiété par le ton de la voix de l’étranger, Nenil se tût, mal à l’aise.

– Bien sûr ! lança Raga en haussant les épaules. Depuis la fin de la guerre. C’est le général Folken qui l’a tué. Tout le monde le sait !

– Fol…ken a tué Dornkirk ? La fin de la guerre ?

Les hommes se regardèrent. De toute évidence, l’étranger était fou. Mieux valait ne pas le contrarier…

– A la fin de la bataille, le Dieu Dragon a été incarné par le roi Van Fanel, que le Dieu Suprême lui apporte la vie éternelle, pour demander la fin des combats, expliqua Nenil. Puis avec l’aide de la Déesse de la Lune des Illusions, il a détruit la Citadelle. Ça fait déjà plus de trois ans de ça.

Les mains de l’étranger s’étaient refermées sur leur paume. Lorsqu’il les rouvrit, ses ongles avaient déchiré la chair tendre qui saignait.

– Van Fanel et la Fille de la Lune des Illusions, prononça-t-il d’une voix sourde.

Puis soudain, il éclata d’un rire de dément, terrifiant. L’instant d’après, il attrapa Raga par le col sans que celui-ci de puisse se défendre. « Pourquoi faut-il que je les retrouve toujours sur mon CHEMIN ? ».

Avec une force extraordinaire, il balança Raga au sol. Les hommes, impressionnés et très effrayés, se regroupèrent.

– Allez-vous en ! fit Nenil en relevant son ami qui saignait. Partez.

– On ne veut pas de vous ici, ajouta Gorn.

L’étranger les regarda un par un, comme pour inscrire leur visage dans sa mémoire. Puis il éclata de son rire de fou, fit demi-tour, et sans se retourner, lança d’une voix triomphante :

– Dès que j’aurais retrouvé ma force, je reviendrais ! Et vous serez les premiers que j’éliminerai ! Souvenez-vous de l’honneur que vous fait le seigneur Dilandau, vous serez les premiers à mourir de ma main après le monstre Van Fanel et cette espèce de petite sorcière qui l’accompagne toujours !

L’étranger disparut dans le chemin, laissant une onde de terreur derrière lui.

Dilandau s’arrêta soudain et poussa un hurlement de rage bestial. Il ne comprenait rien. Trois ans ? Il le saurait ! Ses derniers souvenirs…voyons…Bien sûr, les Sorciers, ces horribles fous habillés de noir lui avaient rendu son guymelef, et il était allé sur le terrain de bataille avec Jajuka. Puis Jajuka avait été tué par Van Fanel, ce démon qui avait déjà assassiné ces incapables de Dragon Slayers.

Ensuite ? Plus rien. Le vague souvenir d’avoir été enfermé à Fleid, avec ces imbéciles de moines qui le regardaient sans broncher.

De nouveau le vide. Qu’est-ce que ces démons lui avaient fait ?

« Reviens à nous, Dilandau, laisse-toi guider. Nous réaliserons tes vœux. Tu auras ton guymelef, et tu pourras éliminer ton ennemi. Reviens à nous, Dilandau. »

Dilandau sembla se réveiller, et sans y penser, prit la direction de l’ouest.



Hitomi voyait les jours passer, sans réussir à contacter Van. Elle avait essayé, et réessayé sans succès d’atteindre son esprit, mais c’était comme ci Van s’était fermé à elle. Mais elle ne perdait pas espoir. Van viendrait. Van était toujours venu. Quoiqu’il arrive, Van viendrait toujours. Elle le croyait si fort.

Dryden voyait les jours passer, sans que l’état d’Hitomi s’améliore. Sa blessure pourtant grave n’avait pas été soignée. Et il avait fini par comprendre que les Sorciers ne voulaient pas qu’on la soigne. Il savait qu’Hitomi devait avoir mal, mais la jeune fille, allongée sur la paillasse, le visage pâle, les joues creusées et le regard émeraude brillant de fièvre, ne semblait pas sentir la souffrance. Jour après jour, les yeux fixés inlassablement sur la porte, elle attendait.

« Il viendra, Dryden. Je sais qu’il viendra. Tu verras. »

Et le jeune marchand, le cœur serré, faisait semblant d’y croire.



Van entra dans sa chambre. Son regard se posa un instant sur l’image brillante posée sur son bureau qui avait fixé à jamais le rire et la vie d’Hitomi, mais se détourna presque aussitôt. Les rideaux de sa chambre étaient déjà fermés. Merle, gentille Merle qui s’occupait si bien de lui. Van, les yeux vides, s’assit sur son lit.

Allen avait demandé quelques jours de congé, et avait disparu le Dieu Dragon seul sait où. Ces derniers temps, l’ex-chevalier Céleste était dans un état de désespoir flagrant. Et si Van n’avait pas été mort, il l’aurait accompagné dans ses recherches.

Mais pourquoi chercher, pour qui chercher ? Il n’y avait plus rien. Le Roi continuait à régner comme il l’avait toujours fait, sachant que le Guerrier ne se réveillerait que si Fanélia était menacée. Mais si Van courait un danger quelconque, le Guerrier ne chercherait pas à se défendre. Inconsciemment, le jeune homme souhaitait que Dilandau soit quelque part dans le palais et vienne le tuer.

Après tout, peut-être que la haine de Dilandau s’apaiserait après l’avoir tué, et alors Séréna reviendrait. C’est de ma faute si Dilandau tourmente Séréna. S’il ne me haïssait pas tant, il ne se serait rien passé. Pourquoi, Hitomi ? Pourquoi es-tu partie, sans me dire au revoir ? Ils sont tous là, Père, Mère, Vargas, Folken. Toi seule manque. Pourquoi, Hitomi ? Pardonne-moi de ne pas avoir su te protéger. Pardonne-moi, je t’en prie. Reviens vers moi, j’ai besoin de toi, de ta présence. Je veux encore entendre ta voix. Je veux encore entendre ton rire. Je veux encore t’entendre te mettre en colère. Je voudrais pouvoir te dire tout ce que je ne t’ai pas dit. Rien qu’un instant, te sentir une dernière fois à mes côtés. Hitomi !

A l’appel silencieux du jeune roi, personne ne répondit. Il sentit les ténèbres l’envelopper comme une couverture de plomb, pénétrer en lui et le glacer. Tu m’as vraiment abandonné. Van s’allongea et fermait les yeux, souhaitant ne pas se réveiller, lorsqu’on frappa la porte. « Entrez », dit-il d’une voix absente, pensant que c’était Merle.

Litan entra, et fit un salut respectueux. « Pardonnez ce dérangement, votre Altesse. Nous avons recueilli un homme aux portes de Fanélia, il est au bord de la mort et son dernier souhait est de vous parler. Il dit s’appeler Rio et faire partie de le bande de Gomo. »

Van se leva d’un bond, et Litan eut un mouvement de recul. Le visage du jeune roi semblait d’un coup s’être ranimé, une lueur étrange brillait dans ses yeux. « Conduisez-moi à lui », ordonna-t-il d’une voix pressante.

Le chasseur de prime avait été déposé dans une chambre annexe. Van s’avança. L’homme semblait souffrir le martyr, il était couvert de sang et son visage était à moitié brûlé. Malgré tout, il reconnut l’un des ravisseurs. Lorsqu’il vit le roi, une étincelle de joie féroce sembla s’allumer dans ses yeux.

– Je vais…enfin…pouvoir accomplir ma vengeance…

– D’où venez-vous ? demanda Van.

– Lais…Laissez-moi parler. J’ai…j’ai survécu par miracle à l’explosion…Lorsque j’ai appris que vous étiez de retour, je n’ai eu plus qu’une idée…survivre, et vous voir…donnez-moi de quoi écrire !

On lui tendit une feuille et un crayon. Pendant quelques minutes, l’homme traça des signes et des mots d’une main tremblante. Van sentait un espoir féroce l’envahir. Rio lui tendit la feuille. Une carte.

– La croix…c’est l’emplacement de la cachette des Sorciers…Tuez-les…Détruisez-les, ces traîtres…Je sais que vous accomplirez ma vengeance à ma place…Tuez-les…

Sur ces derniers mots, le dernier membre de la bande de Gomo expira dans un râle. Un sourire inquiétant s’était dessiné sur le visage de Van. Sans un regard pour l’homme, il sortit en courant. Le temps était venu. Enfin, il allait pouvoir se venger ! La venger ! Ils mourront…je les tuerai tous jusqu’au dernier, Hitomi ! Je t’en fais le serment !

Merle, un peu endormie, ouvrit les yeux en entendant Van entrer dans sa chambre. Les yeux du jeune roi brillaient d’une façon anormale.

– Ne bouge pas, Merle. Je pars quelques jours.

Sur ces mots, il ressortit, pressé. Merle, sidérée et soudain inquiète, bondit hors de son lit.

– Mais où tu vas, Maître Van ?

– Venger Hitomi ! hurla-t-il en disparaissant dans un couloir.

Merle courut derrière lui, anxieuse, et le rejoignit dans le hangar à guymelefs. Van, lentement, fit entrer l’énergist dans le cœur d’Escaflowne. « Réveille-toi, Escaflowne ! Le temps est venu pour nous de venger Hitomi, et de laver l’affront qui nous a été faits. » Le guymelef d’Ispano se transforma automatiquement en dragon. « Maître Van ! Attends ! » cria Merle.

Mais le jeune roi ne l’écoutait pas. « Ne t’inquiète pas, lança-t-il. Je vais seulement finir ce que j’ai commencé il y a trois ans ! » Et le dragon s’éloigna dans le ciel.

« Il est devenu fou , songea Merle, alarmée. Il faut que je trouve Allen ! »

Le garde s’effondra sans un bruit, et l’ombre se faufila dans l’enceinte du palais. C’était tellement facile. Les lueurs de Pallas s’éteignaient une à une. Minuit avait passé. Avec l’assurance de quelqu’un qui connaît les lieux, l’ombre se déplaça dans les couloirs silencieusement. A cette heure-ci, il n’y avait plus personne.

Mais soudain, un garde apparut au détour d’un couloir. Il écarquilla les yeux. « Mais…c’est… Alerte ! Alerte ! »

Le garde partit en courant, et hurlant sans que l’ombre puisse l’arrêter. L’ombre pressa alors le pas, et arriva devant une immense porte surmontée de l’emblème d’Astria. « Enfin ! »

Mirana ouvrit les yeux, réveillée par les cris d’alerte. Intriguée et un peu inquiète, elle se leva et marcha jusqu’à la fenêtre. Des feux avaient été allumés dans la cour, et des hommes s’agitaient un peu partout. « Que se passe-t-il ? » murmura-t-elle.

La porte de sa chambre s’ouvrit derrière elle. Mirana sursauta, et se retourna. Un homme caché dans une cape noire verrouilla la porte, et se retourna vers elle en retirant sa capuche.

– Allen ! s’écria Mirana en mettant une main devant sa bouche.

– Plus bas, princesse ! Ecoutez-moi, je vous en supplie !

Mirana hésita, partagée entre la peur et le désir de l’entendre.

– Que me veux-tu ? Qu’est-ce que tu fais là ?

En quelques mots, il expliqua la disparition de sa sœur. Mirana garda le silence un instant. Derrière la porte, les gardes s’agitaient, criaient, cherchaient à défoncer la porte. Allen, nerveux, l’interrogea du regard.

– Que veux-tu que je fasse ? demanda finalement la jeune reine.

– Laissez-moi la chercher à Astria, princesse ! Je vous en supplie !

– Je ne suis plus princesse, rétorqua Mirana d’une voix dure et douloureuse. Je suis la reine d’Astria. Grâce à toi…

– Je n’ai pas tué votre père, ni votre sœur ! s’écria Allen, blessé. Pourquoi l’aurais-je fait ? Même si le roi et moi étions en désaccord, Elise était une amie !

Mirana se détourna vers lui, bouleversée. Elle se sentait si faible, soudain. Derrière elle, la porte commençait à céder.

– Altesse ! supplia Allen.

La porte s’ouvrit brutalement, une dizaine de gardes envahirent la chambre. « Ne bougez plus, Allen Schézar ! »

Ils s’emparèrent de l’ex-chevalier. Allen regardait toujours la jeune reine qui semblait prise d’un grand trouble.

– Mirana…

Elle baissa la tête, mais lorsqu’elle les regarda de nouveau, son regard était dur. « Emmenez-le, ordonna-t-elle. Il sera jugé. »



Merle courut dans la cour principale. L’équipage était encore debout malgré l’heure tardive et ils semblaient se disputer.

– Gadès ! cria-t-elle sans se soucier du sujet de désaccord. Vite, où est Allen ?

– C’est bien là le problème, mon chaton. La commandant est parti pour Pallas en nous donnant l’ordre de rester ici.

– On peut pas le laisser risquer sa vie ! rétorqua Kio. Il va se faire prendre !

– Tu n’as pas confiance en lui ? demanda Gadès.

– C’est pas le problème, sergent ! protesta Liden. On sait que le commandant est très fort, mais il était pas dans son état normal depuis que sa frangine a pété les plombs, et puis seul contre les excités de Pallas…

Merle regarda Gadès, affolée, et parla de l’attitude de Van.

– Ils sont tous complètement malades ! s’écria Ort.

Tout l’équipage regarda Gadès qui semblait réfléchir. Finalement, il haussa les épaules.

– C’est bon les gars, on y va. On t’embarque, chaton ?

– Evidemment !

Et quelques minutes plus tard, le Croisé, poussé à son maximum, prenait la direction d’Astria.



Allen eut un sourire désabusé en s’éveillant dans la cellule. « Décidément, songea-t-il, je vais la connaître pas cœur ! »

Il avait agi comme un imbécile, et il le savait. Il s’était jeté droit dans les ennuis sans réfléchir. « Et après ça, je donne des leçons à Van ! Ah il est beau, le général de Fanélia… »

Il avait eu la vanité de penser que Mirana l’écouterait, le croirait, l’aiderait. Trop facile. « Si j’avais sous la main le type qui m’a fait passer pour l’assassin… »

Et maintenant, prisonnier, il ne pouvait plus retrouver sa sœur, et il savait qu’à cause de lui, il y aurait des tensions diplomatiques entre Fanélia, Fleid et Astria.

Tout allait mal, en ce moment.

Un garde descendit les escaliers et ouvrit la porte de la cellule. L’homme n’avait pas l’air spécialement rassuré. La réputation d’Allen faisait encore des vagues… « Suivez-moi ! » ordonna le garde. Docilement, un peu intrigué, l’ex-chevalier obéit. On ne pouvait pas le juger si vite. Le tribunal ne pouvait pas être déjà prêt !

Légèrement tendu quand même, il remarqua qu’on l’emmenait dans la salle du trône. Mirana, si belle et si droite sur son trône, le regarda entrer sans un geste. Par réflexe, il la salua cérémonieusement, puis tourna la tête vers la porte. Tous. Ils étaient tous là, tout l’équipage, plus Merle, la seule à ne pas être entourée de gardes.

– Commandant ! s’écrièrent-ils tous.

– Allen ! hurla Merle.

Elle se précipita vers lui, expliqua en long et en large que Van avait décidé de partir seul à la recherche des Sorciers.

– Tu dois l’aider ! pressa-t-elle. Je sens qu’il va faire des bêtises, toi il t’écoutera peut-être !

Allen regarda Mirana en signe d’impuissance. Le jeune reine avait baissé la tête, et semblait réfléchir, probablement encore une fois perturbée. Puis soudain, elle regarda Allen droit dans les yeux. « Libérez-le ».

Allen ne croyait pas ses oreilles, et les gardes n’ont plus. Mirana dût répéter son ordre, et le jeune homme se retrouva libre. Près d’elle, un conseiller affolé demandait des explications, mais Mirana n’y faisait pas attention.

– Attendez-moi, dit-elle à Allen. Je viens avec vous.

– Princesse Mirana…

– Je suis reine, Allen. Mais pour quelques jours, je ne serais que Mirana.

Allen, en souriant, s’inclina de nouveau. Mirana était de retour.



Van vit un homme monter silencieusement la pente qui menait à la falaise. Le jeune roi eut un sourire cruel. Ça faisait des jours qu’il attendait cet instant. Des jours à patienter, dissimulé avec Escaflowne derrière des rochers, à espérer avec obstination le moment où quelqu’un viendrait lui ouvrir la cachette des Sorciers. Il monta dans son guymelef. « Cette fois, Escaflowne, c’est à nous ! »
(suite)

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